Dracula de Murnau à Moffat : ISSN 2607-0006
Dracula est certainement la créature qui a le plus fasciné les réalisateurs comme le rappelle ce récapitulatif dans l'émission Blow up.
La création de Bram Stoker est adaptée dès les débuts du cinéma avec le Nosferatu de Murnau. Le réalisateur allemand, n'ayant pas
les droits du roman, a d'ailleurs changé sensiblement l'histoire mais l'a génialement mis en scène. Musique et cadrages inventifs créent une atmosphère surnaturelle renforcée par l'esthétique expressionniste avec ses jeux d'ombre. Même sans parole, le Dracula de Murnau paraît terrifiant et puissant, que ce soit dans son sinistre château ou dans la ville de Brême.
C'est certainement le film où Dracula semble le mieux incarner le mal, sans nuance, apportant la peste dans la ville de Brême. Son apparence y est bestial, lié aux germes de la peste qu'on peut voir dans une scène centrale.
Murnau, Nosferatu, 1922
Quant au film de Coppola, il est tout aussi esthétique. Visuellement somptueux, cette très belle adaptation baroque commence par un théâtre d'ombres et se poursuit par l'histoire de Dracula telle que la raconte Bram Stoker. Le réalisateur est resté fidèle au roman de l'auteur anglais. Cependant, il y a ajouté une histoire d'amour tragique, par delà le temps entre Dracula et Mina.
Certes, les acteurs surjouent (comme Van Helsing riant aux éclats comme un possédé) créant des scènes à la limite du grotesques (avec un vampire avec la perrruque la plus improbable qu'on puisse voir) mais Coppola a su faire des transitions incroyables, des surimpressions, des jeux d'ombres extraordinaires. Ce n'est pas pour rien que le film a eu une kyrielle de prix récompensant les costumes, le maquillage, les décors... S'inspirant du film de Murnau et de l'expressionnisme, il a réussi à immortaliser notre fameux vampire en le métamorphosant en personnage de "romantisme noir".
Dracula, Coppola, 1993, 2h35, Keanu Reeves, Winona Ryder, Gary Oldman
Les vampires semblent un sujet inventé pour Tim Burton. Cette créature sinistre convient parfaitement à l'esthétique gothique du réalisateur de Sleepy Hollow.
Que ferait un vampire dans le monde moderne du XXeme siècle ? Barnabas, vampire enterré par Angélique, une amoureuse éconduite, permet à Burton d'exploiter une veine parodique en jouant du décalage entre le personnage issu du XVIIIeme siècle et les années 1970. Cela donne une scène amusante dans laquelle notre vampire découvre le vrai visage de Méphistophélès (photogramme) mais pas davantage. Le réalisateur a su créer un sinistre décor mais ce n'est pas le meilleur film de Burton, ni de Johnny Depp qui cabotine allègrement.
Dark Shadows, Burton, 2012, Johnny Depp, Eva Green, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter, 1h52
A force de vouloir renouveler les codes et les topoï, Moffat n'a pas réussi à nous captiver avec sa mini série de 3 épisodes diffusée sur Netflix. Et sans rapport les unes avec les autres. Le premier épisode est sans doute celui qui se rapproche le plus de la légende. Harker arrive dans le château du comte et y découvre le vampire. Ensuite, la traversée en bateau vers l'Angleterre se transforme en whodonit : les marins cherchent à trouver le coupable d'horribles meurtres. Quant au dénouement, le vampire est confronté à la modernité.
Quelques inventions, comme le renouvellement de la figure de Van Helsing, la réflexion sur le mythe du vampire lui-même, ne réussissent pas à dépoussiérer le monstre peu convaincant dans cette version et des dialogues insipides... Une adaptation ennuyeuse et décevante.
Gageons toutefois que le mythe n'est pas encore enterré...
Dracula, Moffat, 2020, Netflix, 3 épisodes, avec Claes Bang, Dolly Wells, Olivia Klein.