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http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-2/L-Auberge-rouge

 L'auberge rouge est une longue nouvelle, publiée en feuilleton en 1831, qui trouve place dans les "études philosophiques" de La comédie humaine. En effet, ce récit questionne le lien entre l'argent et la morale. Comme dans d'autres oeuvres de La comédie humaine, Balzac s'interroge sur les fortunes qui se sont bâties sous la Restauration. Il se penche notamment sur le cas du riche banquier Frédéric Taillefer, père de Victorine, personnage récurrent de la Comédie humaine et que l'on retrouvera notamment dans La peau de chagrin.

Lors d'un dîner, où est présent le narrateur, une jeune femme demande à leur hôte allemand, Hermann, de raconter "une histoire allemande qui fasse bien peur" ( p. 14). Un banquier souffrant, placé face au narrateur, assiste aussi à ce dîner. L'histoire se passe sur les bords du Rhin, où un homme nommé Prosper Magnan et son compagnon - Taillefer, qui n'est jamais nommé - rencontre un riche marchand qui dort sur une valise remplie d'argent. Pendant la nuit, Prosper imagine le meurtre du marchand, sort de l'auberge se changer les idées et revient apaisé de sa promenade. Le lendemain, le marchand est retrouvé mort, dans la même chambre que Prosper. Qui a tué le pauvre homme ? Tout accuse Prosper qui accepte la mort pour avoir eu en pensée l'idée de ce meurtre. Dans une deuxième partie intitulée "Les deux justices", le narrateur interroge ses convives : doit-il épouser la fille de Taillefer qui a "une mare de sang dans les terres" ( p. 59) ?

A cette question philosophique et morale, plusieurs réponses sont données : pour certains, " ainsi que la vertu, le crime a ses degrés" (p. 56 Racine, Phèdre). Pour le prêtre, l'amour justifie le mariage. C'est au lecteur de répondre, de réfléchir, étant donné l'absence de réponse : "que faire ? Messieurs, de grâce, un conseil ?" (p. 60)

Cette nouvelle, se situant en Allemagne et citant les contes d'Hoffmann, évoque des thèmes fantastiques, en vogue pendant le romantisme avec le motif du double, le pouvoir de la pensée, le monde du rêve. Balzac donne d'ailleurs de l'Allemagne une image hyperboliquement romantique, voire caricaturale : "en voyant cette terre merveilleuse, couverte de forêt, et où le pittoresque du moyen âge abonde, mais en ruines, vous concevez le génie allemand, ses rêveries et son mysticisme" (p. 20)

Enfin, l'autre aspect moral est la culpabilité d'Hermann Magnan qui préfigure l'inconscient, qui ne sera théorisé qu'un siècle plus tard, mais qu'avec  beaucoup de modernité et de vivacité, l'auteur de La peau de chagrin réussit à mettre en scène. Tout en ayant l'allure d'une nouvelle policière, Balzac examine passionnément la réalité de son temps et les profondeurs de l'âme humaine.

L'auberge rouge, Balzac, Carrés classiques, Nathan, 93 p.

Lecture commune avec Claudia (son billet ici), Miriam et Cléanthe. Une LC sur Le colonel Chabert est prévue pour le 8.12. Vous pouvez nous rejoindre, si vous le souhaitez.

La comédie humaine :

1. scènes de la vie de province : Eugénie Grandet, Le cabinet des antiques

2. scènes de la vie parisienne : La fille aux yeux d'or, La duchesse de Langeais

3. Etudes philosophiques : La peau de chagrin, L'auberge rouge

4. scènes de la vie privée : Mémoires de deux jeunes mariées, Le père Goriot, La bourse, Gobseck

5. scènes de la vie de campagne : Le lys dans la vallée