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Dans l'immense fresque romanesque de La Comédie humaine, on peut trouver plusieurs textes balzaciens autour de l'art et du génie : "Pierre Grassou", "Gambara", "Massimilla Doni" ou "Le chef-d'oeuvre inconnu". Après les bouleversements picturaux du Romantisme où se sont illustrés des artistes comme Géricault ou Delacroix, à quoi ressemble le marché de l'art ?

Qui est Pierre Grassou de Fougère, le personnage éponyme ? " Tout en Fougère annonçait la médiocrité" (p. 20). Pourtant, ce peintre va être décoré et expose ses tableaux dans les Salons. Ses premières oeuvres, qui sont de serviles imitations de grands maîtres, sont achetées par Magus, un marchand d'art inquiétant avec "un air diabolique". Ce dernier va lui présenter d'anciens négociants en bouteille, les Vervelle, dont la fille représente cent mille francs de dot. Va-t-il épouser cette "asperge" rousse comme le lui conseille Magus ? Que deviennent les tableaux de Pierre Grassou vendus au marchand de toiles, qui ont pris une singulière patine ancienne ?

Balzac se moque de ce "gâcheur de toile" en l'opposant à d'autres artistes de génie comme le fictionnel Bridau. Alors que ce dernier incarne le Génie, Grassou pioche, économise, peint pour la bougeoisie. Ses tableaux ne sont que des pastiches : " Inventer en toute chose, c'est vouloir mourir à petit feu ; copier, c'est vivre" (p. 26). Emblématisés par la couleur jaune de l'argent, les bourgeois ne sont pas épargnés par l'auteur de Gobseck : "Il [Grassou] se promena sur le Boulevard, il y regardait les femmes rousses qui passaient ! Il se faisait les plus étranges raisonnements : l'or était le plus beau des métaux, la couleur jaune représentait l'or, les Romains aimaient les femmes rousses, et il devint Romain, etc." ( p. 32)

Réifiés, animalisés, les Vervelle considèrent l'art comme une marchandise. A Pierre Grassou qui a donné des esquisses à sa future belle-mère, Vervelle dit : " Il ne faut pas donner ainsi vos tableaux, c'est de l'argent" (p. 33). Balzac peint le goût bourgeois reposant sur l'argent, dégradant ainsi le goût esthétique. Ce petit récit dessine l'état de la sphère de l'art sous le règne du "roi bourgeois". Quant à Balzac qui n'imite personne mais invente le retour des personnages, crée La comédie humaine et l'étude des milieux comme les naturalistes de son temps, il n'a rien d'un Grassou mais tout d'un génie...

Balzac Honoré, "Pierre Grassou", Baume les Dames, Nathan, 2013.

LC avec Cléanthe. Prochaine LC : "Melmoth réconcilié" le 23 mai et Le bal de Sceaux le 27 avril.

La comédie humaine :

1. Scène de la vie de province : Eugénie Grandet, Le cabinet des antiques

2. Scène de la vie parisienne : La fille aux yeux d'or, La duchesse de Langeais, "Pierre Grassou"

3. Etudes philosophiques : La peau de chagrin, L'auberge rouge, "L'Elixir de longue vie"

4. Scène de la vie privée : Mémoires de jeunes mariées, Le père Goriot, Le colonel Chabert, Gobseck, "La bourse",

5. Scène de la vie de campagne : Le lys dans la vallée