Cette nouvelle médiévisante de Balzac s'inspire de la mode romantique qui a pour cadre des époques lointaines comme Notre-Dame de Paris de V. Hugo.
Au premier abord, le récit surprend par son contexte, pour le chantre du réalisme : une jeune femme, fille illégitime de Louis XI, mal mariée au comte Aymar de Poitiers, retrouve son amant dans la cathédrale de Tours. Pour se rapprocher de sa bien-aimée, il décide de rentrer au service de Maître Cornélius, un usurier flamand, dont la maison jouxte celle de la femme qu'il aime. Pourtant, la comtesse lui déconseille de rentrer au service de cet homme funeste, ami du roi : il a déjà fait pendre 4 ou 5 apprentis pour vol... Va-t-il subir le même sort ? Rien n'arrête notre intrépide amant qui se déguise en pauvre hère et est engagé par le sinistre Maître Cornélius...
Bohémiens faisant danser des petits cochons devant Louis XI malade de P. C. Comte
L'amour de loin, les personnages réels, les événements historiques contribuent à la couleur locale, au pittoresque de ce récit, qui semble assez éloigné des nouvelles balzaciennes où les descriptions abondent. Exceptées la cathédrale de Tours et ses ruelles adjacentes qui servent de cadre à la nouvelle, on n'a pas d'inventaires comme dans Pierrette ou Ferragus ou d'évocation développées de la vie quotidienne des protagonistes.
Les actions s'enchaînent comme dans une nouvelle policière ! Finalement, l'intrigue amoureuse - mais que devient l'amant George d'Estouteville ? - est délaissée au profit d'une autre intrigue : qui vole Maître Cornélius ? Et voici le roi "cauteleux" transformé en enquêteur ! Quel suspense ! Maître Cornélius développe deux éléments éminemment balzaciens : l'image de l'usurier, l'avare monomaniaque comme dans Gobseck et le fantastique, comme dans L'auberge rouge : "Même à la cours, on attribuait à Cornélius cette fatale influence que les superstitions italienne, espagnole et asiatique ont nommée le mauvais oeil".
Quant au portrait de Cornélius, il ressemble à tous ces avares de La comédie humaine ( "il était tombé dans une excessive misanthropie, mais comme chez la plupart des avares, sa passion pour l'or, l'assimilation de ce métal avec sa substance avait été de plus en plus intime, et croissait d'intensité par l'âge", p. 172), mais évoluant dans un roman gothique : nombreuses scènes nocturnes, logis sinistre, crimes : "assis sur un banc du logis qui faisait face à celui de maître Cornélius, le gentilhomme regardait tour à tour l'hôtel de Poitiers et la Malemaison ; la lune en bordait les saillies de sa lueur, et colorait par des mélanges d'ombre et de lumière les creux et les reliefs de la scupture. Les caprices de cette lueur blanche donnaient une physionnomie sinistre à ces deux édifices ; il semblait que la nature elle-même se prêtât aux superstitions qui planaient sur cette demeure" (p. 173).
Balzac réaliste ? Pas seulement. L'auteur de La peau de chagrin prouve avec Maître Cornélius son talent pour écrire une nouvelle historique et fantastique dans le goût des romantiques.
Balzac, Le chef d'oeuvre inconnu et autres nouvelles, Folio, France, avril 2005, p. 145 à 220.
LC avec Miriam et Claudia. ¨Prochaine LC le 24 juin : Un début dans la vie et le 26 juillet, Les chouans.
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La comédie humaine :
1. Scène de la vie de province: " Pierrette", Le curé de Tours, Ursule Mirouet, Eugénie Grandet, Le cabinet des antiques,
2. Scène de la vie parisienne : Ferragus, La maison Nucingen, "Pierre Grassou", La fille aux yeux d'or, La duchesse de Langeais
3. Etude philosophique : Maître Cornélius, Un drame au bord de la mer, Fascino cane, Louis Lambert, Melmoth réconcilié, La peau de chagrin, L'auberge rouge, L'élixir de longue vie.
4. Scène de la vie privée : La vendetta, Une double famille, "Le bal de Sceaux", Mémoires de deux jeunes mariées, Le père Goriot, La bourse, Le colonel Chabert, Gobseck
5. Scène de la vie de campagne : Le lys dans la vallée