Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
1001 classiques
1 juillet 2021

Tsubame d'Aki Shimazaki : ISSN 2607-0006

IMG_20210701_0001

De quoi parle le troisième opus du poids des secrets ? Il est encore question d'enfance solitaire, des orgines à cacher, d'ntolérance... et de Mariko, la mère de Yukio. Comme dans les précédents opus, l'autrice a mêlé un drame familial et l'histoire du Japon.

L'histoire débute vers les années 1923. Mariko a 12 ans et sa mère est une expatriée coréenne. A cette époque, un terrible tremblement de terre, appelé le Kanto-daïshinsaï fait de nombreuses victimes. La mère de Mariko laisse sa fille dans un orphelinat catholique avec un prêtre étranger, qu'on surnomme "Tsubame" ("l'hirondelle"). Elle, qui était professeure, est devenue femme de ménage. Elle a fui les dures conditions de vie de son pays, La corée, envahi par les Japonais depuis 1909 et où les activistes sont pourchassés. Lors de ce tremblement de terre, des Coréens sont massacrés. Vous en saurez plus en lisant l'histoire de la mère de Mariko ou l'article de Yoshino, lien présent sur le site de Hilde.

C'est incroyable ! En peu de mots, avec beaucoup de simplicité, A. Shimazaki arrive à restituer l'atmosphère de l'époque, les sentiments complexes de personnages, à nous faire comprendre les enjeux politiques et historiques facilement... Vous pensez que j'en ai trop dit ? Non, il y a un secret que je n'ai pas encore évoqué... N'hésitez pas à plonger dans la saga passionnante de cette famille  pris dans la tourmente de l'histoire.

Inutile de préciser que cette série est un coup de coeur et que je vais m'empresser de lire le quatrième opus : Wasurenagusa.♥♥♥

Shimazaki Aki, Tsubame, Babel, France, 2007, 116 p.

La pentalogie Le poids des secrets : Tsubaki, Hamaguri, Tsubame

Sur le web : billet de Hilde

L'affaire du massacre des Coréens - Persée

L'AFFAIRE DU MASSACRE DES CORÉENS YOSHINO Sakuzô Le 1er octobre 1910, la Corée perd son indépendance et devient la principale colonie de ce qui formera, jusqu'en 1945, l'empire japonais. Elle est placée sous l'autorité d'un Résident général qui l'administre au nom de l'Empereur dont il dépend directement.

https://www.persee.fr

 

Publicité
30 juin 2021

Hamaguri d'Aki Shimazaki : ISSN 2607-0006

Hamaguri 002

Je n'ai pas tardé à ouvrir le deuxième volume de la pentalogie du Poids des secrets d'Aki Shimazaki ! Il contient l'histoire d'un des personnages du premier volume "Tsubaki", le demi-frère de Yukiko, qui s'appelle Yukio. Ce dernier relate les mêmes événements que dans l'opus 1 mais à travers son ressenti et ses sentiments. On voit donc les moeurs de l'époque, pendant le début du XXeme siècle au Japon.

La romancière ne pose pas un regard tendre sur l'armée japonaise à travers le personnage du père qui méprise les ignorants et les incultes. A-t-il le même mépris pour sa maîtresse qui ne sait pas lire, ni écrire ? On a déjà la réponse dans le premier opus même si les livres semblent pouvoir être compris  indépendamment et lus dans le désordre... Il est aussi beaucoup question de la propagande pendant la Seconde Guerre Mondiale (Yukio a 15 ans au moment où il voit la bombe exploser sur Nagasaki) mais l'histoire est davantage centré sur le drame familial vécu par Yukio, enfant illégitime. Intelligent, il devine bien des choses au sujet de sa naissance. Cette fois-ci, l'obéissance, la mémoire, l'amour et la sexualité sont au coeur du questionnement du court récit.

les "hamaguri" du titre sont des coquillages, des palourdes japonaises : "Chez les hamaguri, il n'y a que deux parties qui vont bien ensemble", déclare Yukiko l'amie d'enfance qui veut se marier avec Yukio. Toute sa vie, il recherche Yukiko et sa demi-soeur dont l'identité est restée cachée par la mère d'Yukio. Les retrouvera-t-il ? Trouvera-t-il l'amour et celle avec qui il ira "bien ensemble" ?

J'ai déjà hâte de lire le tome suivant Tsubame. Qui sera le héros du prochain volume du Poids des secrets ?

Shimazaki Aki, Hamaguri, Babel, France, 2007, 116 p.

La pentalogie Le poids des secrets : Tsubaki, Hamaguri,

Sur le web : billet de Hilde

29 juin 2021

Tsubaki d'Aki Shimazaki : ISSN 2607-0006

 

Tsubaki 001

Photographie de couverture : Masahiro Makino/ Getty images

On m'a tant vanté la pentalogie du Poids des secrets que j'ai fini par céder à la curiosité. Et c'est une bonne décision : j'ai déjà lu le tome 1, Tsubaki, qui signifie les "camélias" et qu'on peut admirer sur la couverture (photo de Masahiro Makino). Pourquoi ce roman d'Aki Shimazaki est-t-il si frappant ?

Namiko, à la mort de sa mère Yukiko, survivante de la bombe atomique, découvre avec stupeur qu'elle a un oncle alors qu'elle pensait que sa mère était une enfant unique. Elle a reçu deux lettres du notaire, une pour Yukio, son oncle, et une confession de sa mère pour elle. J'ai donc découvert la lettre d'Yukiko, fractionnée en plusieurs lectures. Chaque lecture révèle des surprises et des secrets au sujet du passé de sa mère...

Evidemment, je ne vais pas davantage spoiler l'intrigue pour que chaque lecteur puisse découvrir en quoi consiste le mystérieux passé de la mère de Yukiko, qui a vécu son enfance pendant la Seconde Guerre Mondiale à Nagasaki. Justement, son petit-fils qui a un père vivant en Amérique, ne cesse, avant sa mort de l'interroger sur les causes de la guerre, sur le comportement des Japonais pendant cette période, sur l'utilisation de la bombe atomique et des questions plus personnelles et familiales comme le mariage, les enfants illégitimes...

"Il y a des cruautés qu'on n'oublie jamais. Pour moi, ce n'est pas la guerre ni la bombe atomique", déclare Yukiko. De quelles cruautés s'agit-il ? L'écriture simple, concise, n'empêche pas des questionnements complexes et m'a complètement transportée dans le Japon d'après-guerre. Comme le petit-fils de Yukiko, j'en sais davantage sur certains événements historiques et je vais m'empresser de lire la suite, Hamaguri...

Shimazaki Aki, Tsubaki, Le poids des secrets 1, Babel, 2020.

sur le web : billet de Hilde, Manou,

nagasaki-636132296

 

Photographie de Prisma Bildagentur, Universal Images Group/Getty

26 mai 2021

Le tigre blanc d'Aravind Adiga/adaptation de Ramin Bahrani : ISSN 2607-0006

Le tigre blancinde

Aravind Adiga décrit l'Inde contemporaine dans Le tigre blanc, premier roman, publié en 2008, de cet auteur journaliste, dans une forme tout aussi actuelle et originale : la satire de l'Inde se fait à travers l'envoi de mails d'un entrepreneur Balram au premier ministre de la Chine, qui doit venir à Bangalore, en Inde. C'est le contenu des mails, écrits en 7 nuits qui forment 7 chapitres, que nous lisons dans lesquels nous pouvons découvrir une description de toute la société indienne, étant donné que le personnage principal a traversé plusieurs états avant de devenir un homme riche.

On apprend d'emblée que Balram est recherché pour meurtre. C'est à partir de l'avis de recherche qu'il dresse son portrait et se remémore ses années de misères, les différents métiers qu'il a exercés. Pourquoi est-il un meurtrier ? Quels sont les mobiles de son crime ? Voici ce qu'il révèle dans ses lettres tout en décrivant une société divisée en deux castes : basse ou haute. Le souvenir du père, mort dans le dénuement le plus complet, le hante tout comme la vision de pauvres dormant dans les rues...

Balram se désigne par le surnom de "tigre blanc", animal rare. En effet, il a reçu un peu d'instruction, se distinguant des membres de sa famille. Tout au long du roman, est filé cette métaphore : il y a ceux qui sont comme des poules, serviles, vivant enfermés dans des cages et puis les autres. Il détaille longuement la relation qu'il entretenait avec ses maîtres. Voici un des passages illustrant  la vie de nombreux indiens :"Ici une poignée d'hommes a entraîné les 99,9% restants - forts, talentueux et intelligents dans tous les domaines - à vivre dans une servitude perpétuelle, une servitude si forte que, si vous mettez la clé de son émancipation dans la main de quelqu'un, il vous la jettera à la figure en vous maudissant" (p. 178).

Evidemment, avec son cynisme, son intelligence et son sens de l'observation, Balram réussit à sortir des "Ténèbres", d'une vie misérable, échappant au destin de son père. Mais à quel prix ? C'est avec cynisme qu'il raconte son parcours tout en décrivant une société inégalitaire, corrompue.

En 2021, Ramin Bahrani adapte ce best-seller pour Netflix. Cette adaptation est assez fidèle dans les grandes lignes en montrant comment Balram arrive à échapper de sa servitude, à sortir des "ténèbres, en usant de tous les moyens. Avec une voix off pour dire les mails envoyés et les retours en arrière, le roman semble entièrement respecté.

Cependant, le personnage principal paraît beaucoup plus sympathique que dans le roman. Dans le livre, il apparaît dès son plus jeune âge comme un enfant arriviste alors que, dans le film, il attire davantage la sympathie du spectateur en montrant davantage de scrupule.

Filmé de manière très classique, sans cadrage révolutionnaire, Bahrani parvient à bien montrer l'Inde telle qu'elle est décrite dans le roman d'Aravind Adiga, entre pauvreté et opulence, honnêté des serviteurs et corruption des politiques. Ce long-métrage était d'ailleurs nominé pour la catégorie "meilleur scénario adapté" aux oscars. Si le film est très classique, le livre mérite vraiment d'être lu.

Logo tigre blancAdiga, Le tigre blanc, 10/18, France, avril 2010, 316 p.

Le tigre blanc de Ramin Bahrani, 2021, Netflix, avec Adarsh Gourav, Priyanka Chopra Jonas, Rajkummar Rao; 2h07

Participation aux étapes indiennes n° 4 "nos étapes communes" organisées par Blandine et par Hilde. LC avec Rachel.

Sur le web : Billet de A girl from earth, Katell Hilde

 

"Le Tigre blanc", Rastignac à l'indienne
Le roman doit être très bon, captivant. En Inde, il a obtenu le prix Booker, récompense littéraire de prestige. Publié en 2008 et signé Aravind Adiga, le Tigre blanc est à l'origine un best-seller.
https://www.liberation.fr
24 avril 2021

Tokyo express et Le point zéro de Seichô Matsumoto : ISSN 2607-0006

indexC'est avec Tokyo express, écrit en 1958, que Seichô Matsumoto devient célèbre. La quatrième de couverture résume bien (malgré des inexactitudes) ce roman policier, presque comiquement avec ses racourcis : "Un double suicide d'amoureux et une sordide affaire de corruption. Un meurtrier très méticuleux et une enquête bien embrouillée qui pourrait ressembler à première vue à une visite touristique dans tout le Japon. Dans les bars de ToKyo, l'inspecteur Mihara découvre des pots-de-vin et la vérité au fond d'un verre. Dans les trains, de Kamakura à Hokkaido, il y a de curieux pressentisements devant un paysage de chiffres et apprend aussi la posésie japonaise dans un annuaire des chemins de fer".

Tokyo express est une sorte de whodunit où - comme chez A. Christie - les trains ont une grande importance. L'énigme est si complexe et alambiquée que régulièrement l'inspecteur Mihara fait des schémas pour y voir plus clair et aider le pauvre lecteur... L'intrigue prime sur tout le reste, y compris les sordides magouilles politiques. C'est donc un roman policier  conventionnel, juste distrayant, même si la forme et le fond ne sont pas mauvais.

Matsumoto Seichô, Tokyo express, Clamecy, Avril 2020, Picquier poche, 189 p.

Le point zéroshin misho 001

Illustration du Point zéro © Shin Mishô

En revanche, avec sa jolie couverture d'Atiger, Le point zéro écrit l'année suivante, en 1959, est une histoire policière qui prend une toute autre dimension. L'intrigue y est toujours aussi complexe avec des disparitions, des meurtres, des changements d'identité multiples. Mais les personnages sont plus développés et l'auteur y a inséré l'histoire de l'après-guerre au Japon.

L'histoire se déroule dans les années 1960, à Tokyo mais aussi dans le Kanazawa enneigé (l'édition 10/18 contient quelques illustration de Shin Mishô, extrait de l'édition japonaise) : une jeune femme Teiko vient de se marier, grâce à un entremetteur, avec un homme qu'elle connaît à peine. Une mois après leur mariage, il disparaît. La courageuse et obstinée veuve décide d'aller à Kanazawa où son mari travaillait comme employé d'une agence publicitaire. Aidée d'un collègue de son mari, puis de son beau-frère, elle découvre peu à peu la vie de son mari et cette région japonaise...

Dans ce roman, l'énigme policière est captivante mais on retient aussi le discours sur le mariage arrangé, la place des femmes dans la société japonaise et leur rôle dans l'après-guerre. D'ailleurs l'héroïne, tout en étant discrète, mene intelligemment son enquête. Comme Teiko erre souvent seule dans la région de Kanazawa, on découvre avec elle le quotidien des habitants et une atmosphère hivernale baignée de mélancolie. Un excellent roman policier !

Matsumoto Seichô, Le point zéro, 10/18 grands détectives, France, juillet 2020, 287 p.

Participation au challenge un mois au Japon organisé par Lou et par Hilde (LC : un roman des éditions Picquier)

Sur le web : billet de Rachel

Le Japon d'après-guerre rattrapé par ses "pan-pan"
Une société bien moins lisse et disciplinée qu'elle ne s'affiche, un Japon ambivalent voire ambigu derrière la façade harmonieuse : le terreau est connu, irrigue la production artistique nipponne de l'après-guerre. Dont, logiquement, ce capteur sismique de l'époque qu'est censé être le roman noir.
https://www.liberation.fr
Au Japon, le charme discret de Kanazawa
C'est l'histoire d'un antique fief de samouraïs que l'arrivée du train à grande vitesse propulse dans la modernité. Depuis mars 2015, deux heures et demie de Shinkansen (le TGV japonais) séparent Tokyo de Kanazawa, divisant par deux la durée du voyage.
https://www.lexpress.fr

kenrokuen_sub2

Jardin de Kenroku-en https://fr.visitkanazawa.jp/mustgoplace/touristspot/area1/1

Publicité
18 avril 2021

Les délices de Tokyo de Durian Sukegawa : ISSN 2607-0006

Les-delices-de-Tokyo

Vous avez déjà vu le délicieux film réalisé par Kawase ? Qu'à cela ne tienne ! Il faut absolument lire ce petit roman développant toute une philosophie de la vie, celle de l'accomplissement de soi, tout étant utile à la société.

Trois personnages sont au coeur de ce roman : Sentarô, ancien tolard, fabrique des dorayakis pour rembourser une dette bêtement contractée. Il a perdu sa mère et ne voit plus son père. Les jours passent de manière monotone, surtout qu'il n'aime pas son travail et rêvait de devenir écrivain, quand paraît une vieille femme aux mains déformées, Tokue. Agée de plus de 70 ans, elle voudrait être employée dans la pâtisserie de Sentarô. Ce dernier refuse à plusieurs reprises jusqu'au moment où elle lui fait goûter sa pâte de haricots rouges. Il finit par l'embaucher et cette dernière noue des liens avec la clientèle, notamment avec des jeunes lycéennes. L'une d'elle, Wakana, est particulièrement malheureuse, entre une mère absente et le manque d'argent...

Entre ces trois personnages vont se nouer une relation particulière. Alors que Sentarô et Kawana semblent indécis sur leur avenir, leurs désirs et leurs aspirations, Tokue leur apprend à être attentif au monde qui les environne. "Et si ni moi ni les humains n'existions plus, qu'en serait-il ? Pas seulement les humains, si le monde était privé de tous les êtres doués d'émotions, qu'en serait-il ?" ( p. 208), s'interroge la vieille femme.

Sans être moralisateur, sans être miève, la romancière nous narre l'histoire de trois destins bouleversés par une rencontre. Il ne s'agit pas que de recettes de gâteaux mais il est aussi question de liberté, de maladie, de nostalgie, d'originalité, de liens familiaux, de rêve à réaliser, de rapport au monde et à la société... Un bon livre qu'on dévore comme un dorayaki !

logo Japon 2021Sukegawa Durian, Les délices de Tokyo, Livre de poche, Paris, juillet 2020, 221 p.

Participation à un mois au Japon organisé par Lou et Hilde (LC : livre gourmand)

Sur le web : billet de Hilde, Lou, Niki,

 

8 mars 2021

L'événement d'Annie Ernaux : ISSN 2607-0006

Le 13 janvier 2021, A. Ernaux aurait dû faire l'actualité avec son roman Passion simple adapté au cinéma par Danielle Arbid. Malheureusement, la sortie de ce film sélectionné au Festival de Cannes en 2020 est repoussée. Toutefois, sa longue nouvelle autobiographique L'événement est toujours d'actualité, avec le thème de l'avortement, en ce 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

photo ernauxL'événement

Une librairie bordelaire © 1001 classiques

Dans ce court récit, A. Ernaux décrit quelques mois, dans les années 60, durant lesquels elle essaie d'avorter suite à une grossesse non désirée. Son copain, étudiant en médecine, indifférent à son sort et éloigné géographiquement ne la soutient ni moralement, ni financièrement. Elle ne peut guère compter sur l'aide de ses parents, d'origine modeste et pétris de préjugés. C'est dans la solitude qu'elle doit faire face à cette situation, situation d'autant plus difficile qu'à l'époque, les femmes n'ont d'autres solutions que d'avorter clandestinement.

On pourra apprécier la retenue de la romancière, qui ne tombe jamais dans une plainte ou un lyrisme facile. Au contraire, elle fait ressentir sa douleur, sa solitude et sa souffrance sans effusion. On reconnaîtra d'ailleurs son style habituel, son écriture "plate" (La place) qui mêle autobiographie, restitution de son époque et réflexion sur l'écriture : en l'occurence, elle cherche une manière d'exprimer sa douleur en cherchant à retrouver les sensations, les sentiments qu'elle a vécus sans les transformer. Vers la fin du récit autobiographique, elle affirme : "Et le véritable but de ma vie est peut-être seulement celui-ci : que mon corps, mes sensations et mes pensées deviennent de l'écriture, c'est-à-dire quelque chose d'intelligible et de général, mon existence complètement dissoute dans ma tête et la vie des autres" ( p. 125).

Un roman similaire à ses précédents romans ? En fait, Annie Ernaux, par ce récit d'un événement douloureux, s'inscrit dans la mémoire collective, mais plus spécifiquement de celle de toutes les femmes : (" Je ne suis pas le plombier !" [dit un chirurgien]. cette phrase comme toute celle qui jalonnent cet événement, des phrases très ordinaires, proférées par des gens qui les disaient sans réfléchir, déflagre toujours en moi. Ni la répétition ni un commentaire sociopolitique ne peuvent attérnuer la violence. [...] Et cette phrase que lui avait peut-être inspirée un sketch de Fernand Raynaud qui faisait alors rire toute la France, continue de hiérarchiser le monde en moi, de séparer, comme à coup de trique, les médecins des ouvriers et des femmes qui avortent, les dominants et les dominés" (p. 108).

"Il se peut qu'un tel récit provoque de l'irritation, ou de la répulsion, soit taxé "de mauvais goût". D'avoir vécu une chose, qu'elle qu'elle soit, donne le droit imprescriptible de l'écrire. Il n'y a pas de vérité inférieure. Et si je ne vais pas au bout de la relation de cette expérience, je contribue à obscurcir la réalité des femmes et je me range du côté de la domination masculine du monde" (p. 58).

Contrairement à ce que croit la romancière, la lutte contre l'IVG est peut-être terminée en France mais elle ne l'est pas dans d'autres états comme le rappelle un film récent Never rarely sometimes always (2020) ou d'autres événements de notre société contemporaine (France info).

Ernaux Annie, L'événement, Folio, France, août 2001, 130 p.

Autres romans de la romancière : Mémoire de fille, La place, la honte, une femme, Regarde les lumières mon amour

Sur le web : billet de Lilly

VIDEO. IVG : comment ça se passe dans le monde ?
L'IVG peut être pratiquée jusqu'à 24 semaines. C'est l'un des délais les plus élevés d'Europe avec les Pays-Bas. L'avortement est quasiment illégal. Les femmes polonaises ne peuvent désormais recourir à l'IVG qu'en cas de viol, d'inceste ou de danger pour la vie de la mère.
https://www.francetvinfo.fr

 

14 février 2021

L'isle lettrée de Mark Dunn : ISSN 2607-0006

L_ISLE_LETTREELMNOP 001

On peut déjà être un peu surpris par le choix du titre du roman de Mark Dunn : Ella Minnow Pea a été transformé en L'isle lettrée. Le jeu sur les lettres de l'alphabet disparaît. Cela laisse mal augurer du reste... Pourtant, excepté le titre, la traductrice tente de restituer la lettre du texte. De nombreux jeux de mots sont présents dans les missives échangées par les habitants d'Utopianian, rebaptisée Nollop, en l'honneur d'un des écrivains de leur île, qui a écrit un pangramme, c'est-à-dire une phrase où toutes les lettres de l'alphabet sont employées ("Portez ce vieux whisky au juge blond qui fume"). Dans cette société insulaire fermée aux innovations technologiques, les habitants se voient refuser l'utilisation de la lettre Z après une interprétation superstitieuse d'un accident sur l'île, une des lettres du pangramme étant tombée. La sanction de mort touche tous ceux qui osent employer cette lettre interdite : de fait les abeilles sont condamnées à mort pour la prononcer sans cesse !

Mark Dunn développe un monde où la tyrannie de 1984 d'Orwell aurait rencontré l'univers de La disparition de Pérec, où une lettre est supprimée. Evénement bénin ? Il s'en suit que les habitants ne peuvent plus écouter la radio où la lettre prohibée est prononcée. Les îliens vont-ils se révolter contre les répressions ? Comment les enseignants peuvent-t-ils transmettre des savoirs  - sans livre, ceux-ci contenant la lettre interdite - et en supprimant une lettre. Les contraintes amenées par la disparition progressives des lettres provoquent des jeux sur le langage et une créativité tout à fait réjouissante  ( "Ces DOUX ENNemis" : écoutez le son de ces mots mis en capitales !) et attristante.

Pourtant, même si l'intrigue est bien conçue et n'est pas oubliée au détriment de la forme, on peut regretter que les styles épistolaires se ressemblent tous, faisant des personnages des êtres de papier. Moutonniers et lâches, les différents personnages se ressemblent tous par leur comportement légnifiant, leur naïveté, leur désuétude. L'ambiance qui rappelle La lettre écarlate d'Hawthorne - avec des piloris et des coups de fouet - donne une dimension inactuelle à cette dystopie épistolaire originale, qui pousse à réfléchir. L'idôlatrie, la superstition font évidemment mauvais ménage avec le savoir et le progrès. Voici encore une preuve s'il en est besoin. Cependant, des problèmes de traductions freinent la lecture et la rendent pénible, à tel point que j'ai abandonné le roman : " Les personnes présentes maintenant en notre isle, je tente à parler à elles" ( p. 167). Un bon concept mais déservi par la traduction...

Dunn Mark, L'isle lettrée, Elya Edition, Saint-Etienne, mai 2013.

sur le web : Lecture sans frontières,

29 novembre 2020

La femme abandonnée de Balzac : ISSN 2607-0006

 

513OslZH6hL

"La femme abandonnée", nouvelle balzacienne, prend place dans "Les scènes de la vie de province". Comme dans Le cabinet des antiques, Balzac se plaît à caricaturer les familles nobles de provinces qualifiées de "fossiles" (p. 35) sans épargner les bourgeoises qui "croient être parées quand elles sont affublées d'un châle et d'un bonnet" (p. 37).

A côté de ces "pétrifications", apparaît Gaston de Nueil qui s'éprend d'une femme retirée, qui a quitté son mari : Mme de Beauséant. " Nous ne pouvions pas admettre ici une femme séparée de son mari",  déclare-t-on dans la petite ville où vit la vicomtesse de Beauséant. L'amour de Gaston résistera-t-il à un mariage convenu lui apportant une bonne rente et une belle position ?

Balzac dépeint évidemment les moeurs de son époque mais brosse aussi un portrait de femme peu conventionnelle, qui transgresse les liens du mariage. Elle cède aux avances de Gaston mais a-t-elle eu raison ? Sous la Monarchie de Juillet, dominée par l'argent, la passion peut-elle encore exister ? Sans avoir l'ampleur d'un roman comme La Cousine Bette, avec La femme abandonnée, Balzac ajoute une nouvelle figure marquante à sa Comédie humaine.

Balzac, La femme abandonnée, Le livre de poche, 125 p.

LC avec Claudia, Céline. et Miriam. Prochaine LC : La vieille fille pour le 27.12 avec Rachel.

***************************************************

La comédie humaine :

1. Scène de la vie de province: "La femme abandonnée", " Pierrette", Le curé de Tours, Ursule Mirouet, Eugénie Grandet, Le cabinet des antiques,

2. Scène de la vie parisienne :La cousine Bette, Ferragus, La maison Nucingen, "Pierre Grassou", La fille aux yeux d'or, La duchesse de Langeais

3. Etude philosophique : Maître Cornélius, Un drame au bord de la mer, Fascino cane, Louis Lambert, Melmoth réconcilié, La peau de chagrin, L'auberge rouge, L'élixir de longue vie.

4. Scène de la vie privée : Un début dans la vie, La vendetta, Une double famille, "Le bal de Sceaux", Mémoires de deux jeunes mariées, Le père Goriot, La bourse, Le colonel Chabert, Gobseck

5. Scène de la vie de campagne : Le lys dans la vallée

24 juin 2020

Un début dans la vie de Balzac : ISSN 2607-0006

Un début dans la vie

L'histoire de la genèse de ce roman est aussi mouvementée que la vie de l'anti-héros d'Un début dans la vie. Lorsqu'en 1841, Piquée directeur du Musée des familles, réclame un texte à l'auteur de La comédie humaine, Balzac choisit un scénario fourni par sa soeur Laure ( Notice p. 224). Mais après une première version avec une fin morale, le romancier a ajouté des chapitres pour la publication en roman-feuilleton dans le journal (Notice). De fait, le roman final semble digressif et disparate.

Un début dans la vie commence comme bien des romans de Balzac par poser le cadre - l'histoire des transports dans la province - pour ensuite égréner la vie des différents protagonistes : ainsi découvre-t-on la vie du conducteur Pierrotin et du comte de Sérizy. Ce dernier, étant trahi par son régisseur Moreau (dont la vie nous est aussi dévoilée) décide de retourner dans son château de Presles, en prenant une voiture publique, incognito. Dans le coucou, plusieurs personnes engagent la conversation sur leur passé : George Mesrat, un jeune élégant, serait un ancien officier. Quant à J. Bridau - personnage de "La Bourse" -, il prend le nom du grand peintre Shinner... Chacun, comme Oscar Husson, un autre passager, s'invente une vie extraordinaire. Pourtant, les masques tombent lorsque tous se retrouvent au château de Presles. A partir de moment, on suit particulièrement le parcours d'Oscar punit par sa vanité et qui connaîtra moults rebondissements avant la fin du récit.

Tout d'abord, notons que la conversation, dans la voiture publique, est une succession de mystifications, émaillée de proverbes déformés par Mistrigris, l'apprenti peintre donnant une coloration drôlatique à toute cette première partie : "Châssez le naturel, il revient au jabot" (p. 88) ou "faire d'une pierre deux sous" (p. 103) etc... Mais le premier dénouement, qui se termine par une démonstration morale - ne pas être vaniteux, savoir être discret... -, se double par le parcours d'Oscar devenu notaire puis soldat : l'histoire se mue en récit d'apprentissage et prend une dimension historique dans la dernière ligne. Un début dans la vie révèle bien des surprises et une dimension sociale très balzacienne qui n'ont rien à envier à ses grands classiques.

Balzac, Un début dans la vie, folio, France, mars 2011,  288 p. 

Pierre Laforgue, « Par où commencer et comment finir : Un début dans la vie », Fabula / Les colloques, Le début et la fin. Roman, théâtre, B.D., cinéma. URL : http://www.fabula.org/colloques/document755.php, page consultée le 21 juin 2020.

  LC avec Miriam. Prochaine LC le 26 septembre avec Les chouans.

***************************************************

La comédie humaine :

1. Scène de la vie de province: " Pierrette", Le curé de Tours, Ursule Mirouet, Eugénie Grandet, Le cabinet des antiques,

2. Scène de la vie parisienne : Ferragus, La maison Nucingen, "Pierre Grassou", La fille aux yeux d'or, La duchesse de Langeais

3. Etude philosophique : Maître Cornélius, Un drame au bord de la mer, Fascino cane, Louis Lambert, Melmoth réconcilié, La peau de chagrin, L'auberge rouge, L'élixir de longue vie.

4. Scène de la vie privée : Un début dans la vie, La vendetta, Une double famille, "Le bal de Sceaux", Mémoires de deux jeunes mariées, Le père Goriot, La bourse, Le colonel Chabert, Gobseck

5. Scène de la vie de campagne : Le lys dans la vallée

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 > >>
Publicité
1001 classiques
Newsletter
62 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 501 672
Publicité