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1001 classiques
21 avril 2012

La dame de chez Maxim's de Feydeau : ISSN 2607-0006

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Né près des Grands Boulevards rénovés, Feydeau (biographie sur le site Larousse) baigne dans le milieu artistique et littéraire de la Belle époque : son père côtoyait aussi bien Flaubert que Gautier... Il semble prédestiné à cette carrière de vaudevilliste qu'il entama très tôt.

Vous connaissez peut-être "L'ours et l'amateur des jardins", une fable de La Fontaine où ce dernier nous met en garde contre les amis benêts car mieux vaut un ennemi intelligent. En effet, un ours voulant tuer une mouche posée sur le nez de son ami l'homme, décide de lui lancer un pavé dans la figure. Vous pouvez vous-même tirer les tristes conclusions de ce fâcheux événement. Feydeau met en scène un valet Bretel aussi maladroit que balourd dans Les pavés de l'ours : Bretel parle de "farandole" à la place de "parabole", prend un tapis pour essuyer ses pieds, insulte la future belle-mère de son maître Lucien sans le savoir... Si notre valet se ridiculise et fait rire de ses maladresses, Madame de Prévallon, la future belle-mère de Lucien, bégaie donnant ainsi lieu à de cocasses phrases : " Malalap...malalap...appris... Vous direz  à monsieur Lulu... Lucien que je suis affreuse... affreuse...

- Bretel : affreuse, oui, Madame.

- Madame de Prévallon : affreusement en colère... Et que tout est ro-rompu entre nous. A...adieu.

Évidemment Lucien veut épouser la fille de Mme Prévallon parce que c'est un beau parti... Mais Bretel fera-t-il échouer ce mariage à force d'inculture et de grossièretés ?

La dame de chez Maxim's est certainement la pièce la plus connue de Feydeau. Elle met en scène la môme crevette, une danseuse du Moulin rouge qui se retrouve après une nuit bien arrosée dans la chambre du docteur Petyton, marié à Gabrielle, "une vieille toupie". Sur ces faits déjà compromettants pour le pauvre Petyton, son oncle, le général débarque et prend la môme crevette pour la femme de Petyton. A l'insu de la vrai Mme Petyton, le docteur la fait passer pour la femme de Mongicourt, un ami. Tout ce petit monde se retrouve sur les terres du général pour le mariage de sa nièce où la grande bourgeoisie provinciale est confrontée à cette demi-mondaine... Ajoutez à cela un "fauteuil extatique" qui endort tous ceux qui s'y assoient, une Mme Petyton qui croit aux esprits, l'arrivée d'un ancien amoureux de la môme crevette qui va épouser la nièce du général... Petyton va-t-il réussir à dénouer les fils de cet incroyable imbroglio ?

Les comédies de Feydeau sont typées, il ne cesse de décliner les thèmes de l'argent et du mariage d'affaire, multiplie les quiproquos, les méprises, jusqu'à l'étourdissement dans La dame de chez Maxim's, les femmes cachées dans le placard... On nage en plein vaudeville pour notre plus grand plaisir. Bien sûr, les ficelles sont répétitives, quasi identiques d'une pièce à l'autre, mais on se laisse prendre à ces intrigues rocambolesquement mise en scène et au charme désuet de la Belle-Epoque...

 Challenge théâtre " en scène" Bladelor.

 Feydeau, Les pavés de l'ours, Hatier, p. 93.

 Feydeau, Notre futur, GF, étonnant classique.

 Feydeau, La dame de chez Maxim's, Folio, 404 p.

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21 février 2012

Dormez je le veux! de Feydeau : ISSN 2607-0006

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 *Feydeau (1862-1921)

Cette très courte pièce de Feydeau est une vraie comédie de Boulevard, une pièce légère, avec moult rebondissements et dont le divertissement est une fin en soi. Mais de quoi s'agit-il ? Un valet Justin est capable d'hypnotiser son maître Boriquet - nom suggestif ? - qui effectue toutes les tâches à sa place. Il montre ses talents de magnétiseur à un autre valet Eloi. Justin mène la belle vie, surtout lorsqu'il s'aperçoit que la soeur de Boriquet, une vieille fille, est aussi tombée sous sa coupe, ce qui lui permet de manger les repas de ses maîtres et de leur jouer des vilains tours. Évidemment lorsque son maître décide de se marier, Justin met tout en oeuvre pour empêcher ce mariage. Quiproquo, jeux de mots, comiques de caractère s'accumulent dans cette petite pièce - sans prétention si ce n'est celle de faire rire - en un acte, drolatique...

On est donc plus proche d'une pièce comme Le médecin volant avec le comique de répétitions, ses jeux de mots, Eloi parlant de coup de pieds "occultes" dans sa confusion que du Tartuffe. Cependant, on peut se demander si la fin ne vient pas ajouter une dimension conformiste : le valet reste valet. Chacun à sa place. On voit bien que Feydeau s'adressait à un public de bourgeois, rien de subversif. La pièce est bien ancrée dans son temps - comme les allusions aux actions du canal de Suez, le consentement du père indispensable à un mariage... - et pourtant, en exploitant la vogue scientifique de l'hypnose thérapeutique pour en faire un ressort comique, Feydeau arrive à donner un tour comique à sa pièce, culminant avec le moment extravagant où un bourgeois cupide - notre fameux Boriquet hypnotisé - se prend pour un chimpanzé ou avec un combat d'hypnose entre un vrai hypnotiseur et notre magnétiseur amateur ! Certes, le comique est peut-être facile et désuet, mais on rit de bon coeur des pitreries de ces maîtres et valets d'un autre temps. Mais jouée, la pièce doit prendre une toute autre dimension et traduirait mieux la vivacité de l'écriture de Feydeau dont la devise serait " riez, je le veux".

Feydeau, Dormez je le veux !, Magnard, 105 p.

Participation au challenge d'Océane, en scène.

* Le choix de la couverture est assez étrange car elle suggère un contenu qui n'a absolument rien à voir avec l'intrigue...

16 mai 2011

Ni ni ou le danger des castilles, Carmouche, De Courcy et Dupeuty : ISSN 2607-0006

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" SCENE IV.

PARASOL.

Tiens, tu m'y fais penser... Conte-moi, cher amant,
Qui j'ai celui d'aimer?

N.I. NI, après avoir remonté la scène à grands pas.

Un vagabond... transfuge,

Que réclame, à grands cris, la maison de refuge.

Ecoute-moi, je viens pour partir... Il le faut...

( Fausse sortie.) Sept fois l'on m'a déjà condamné par défaut.

PARASOL.

Que me fait que de toi le sort se raille et rie,
Mon amour, N.i. Ni, rit de sa raillerie.

 

 

N.I. NI.

Je pars, dussé-je aller jusques au grand Mogol,
Sous les feux du soleil!...  ( Fausse sortie. )


Parasol , le retenant vivement.

Eh quoi! sans Parasol?

Je te suis."

Vous aurez reconnu sous les sobriquets de Parasol et de Ni ni, les deux héros du drame romantique de V. Hugo, même si dans la scène 2, c'est Hernani (et non Dona Sol) qui s'écrie : " qui raille après l'affront s'expose à faire rire" ! Comment ? Vous ne trouvez pas amusant ces calembours ? Il est vrai que les jeux mots sont faciles. D'ailleurs, le registre est bas et les jeux de mots paraissent triviaux. En outre, les personnages ne sont plus des fils de rois mais des vitriers, ou des boulangers...

Les trois auteurs s'en donnent à coeur joie pour se moquer de la pièce romantique de V. Hugo* (exposition virtuelle sur le site de la BNF) : ils en soulignent les invraisemblables, ici, le fait que la noble Dona Sol tombe amoureuse d'un proscrit, les incohérences parce dans la scène 2 de l'acte I, Hernani dans trois longues tirades se présente à Dona Sol comme si celle-ci l'aimait sans savoir qui il est. Ils se moquent aussi de l'alliance du lyrisme et du grotesque et des nombreux changements de décors. Mais derrière cette parodie se cachent des enjeux plus sérieux : le vieux Don Gomez ne s'appelle pas Dégommé pour rien : représentant des classiques, il est vraiment dégommé, c'est-à-dire obsolète, supplanté ! Sous les répliques se cachent aussi de véritables trouvailles comme l'entrée en scène du peuple dans le genre théâtral ou une réflexion sur le genre lui-même : Ni ni ou le danger des Castilles est aussi une subversion de la tragédie et une référence à l'actualité, à la célèbre "bataille d'Hernani". Une pièce très drôle à savourer où le roi d'Espagne don Carlos s'appelle Don Pathos !!! 

N,i, ni. ou le danger des Castilles, amphouri-romantique en cinq actes et en vers sublimes mêlés de prose ridicule, Carmouche, De Courcy, Dupeuty.

 Hugo, Hernani, GF.

 * Il existe aussi 3 autres parodies, dont Harnali ou la contrainte par le cor de Lauzanne, in Spécial Victor Hugo, Paris, L'avant-scène théâtre, 1985, 106 p.

 

29 mars 2011

Musset à la scène et à l'écran au XXeme siècle : ISSN 2607-0006

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"C'est moi qui ai vécu et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui" (scène 4, Acte I, On ne badine pas avec l'amour). Les mots et les thèmes de l'oeuvre mussetienne résonnent d'universalité et de modernité. On parle de" Maison Musset", tant ses pièces sont jouées à la Comédie Française. Musset écrit après son dépit de l'échec de La nuit vénitienne, "Un spectacle dans un fauteuil". Certes, avec son marivaudage amoureux, le théâtre de Musset est un théâtre de la parole mais sa grande théâtralité lui permet d'être encore mis en scène et de laisser libre court à l'imagination de grands auteurs et réalisateurs.

Ecrivain majeur du XIXeme siècle, il influence aussi bien Hugo, qui dans Marion Delorme s'inspire de A quoi rêvent les jeunes filles, que Renoir dans La Règle du jeu ou Wilde dans L'important d'être constant. Ses pièces sont souvent coupées, retravaillés, adaptées. Pourquoi Musset fait-il l'objet de tant de changements ? L'hybridité des adaptations vient du mélange des registres et des genres dans les pièces de Musset qui se prêtent ainsi à de multiples remaniements.

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Si Les caprices de Marianne,* de Claude Loursais (1962) reste fidèle au texte dans sa version filmique, conventionnelle, Elena Hazanov* modernise la pièce en la situant dans un Paris contemporain, les guitares électriques remplaçant les sérénades d'antan et en coupant des répliques. Mais nos deux héros désenchantés restent les figures immortelles  d'une jeunesse désemparée. Les "fantaisies tristes" de cet écrivain continue d'inspirer les réalisateurs comme Eric Civanyan, qui a adapté Il ne faut jurer de rien en 2007, avec Gérard Jugnot et Jean Dujardin. De même, les réalisateurs se sont emparés de la vie de l'auteur. Après A Malibran de C. Guitry, Les Confessions d'un enfant du siècle de Santelli ou Les enfants du siècle de Diane Kurys, ( 1999, avec Juliette Binoche et B. Magimel), une adaptation de La confession d'un enfant du siècle de Sylvie Verheyde va être bientôt paraître sur nos écran avec Pete Doherty et Charlotte Gainsbourg : deux enfants du XXIeme siècle... Musset poussiéreux ? Espérons que S. Verheyde nous apportera une preuve supplémentaire qu'il ne l'est pas !

* Liens vers les films ou bandes-annonces.

* Les caprices de Marianne, film d'Elena Hazanov, 1h16.

* journée d'étude, " La scène est où on voudra", Musset à la scène et à l'écran au XXeme siècle, 16 mars, Université de Rouen.

20 mars 2011

Les sorcières de Salem d'Arthur Miller : ISSN 2607-0006

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Les sorcières de Salem : La fille du révérend Parris, Betty, ne peut plus bouger : sorcellerie ? Plusieurs jeunes filles, dont Mary, Abigaïl,... qui vont constituer le jury présidé par Hawthorne, sont prises de visions et accusent plusieurs femmes d'accointance avec le diable : parmi elles, se trouvent Elizabeth Proctor, dont le mari fut l'amant d'Abigaïl. quatorze femmes sont arrêtées et condamnées à la pendaison. Puis trente neuf. Au fur et à mesure que la vérité se fait jour, l'imagination, la folie collective, l'hystérie du jury composé des jeunes filles grandissent. De simples poupées, deviennent des objets vaudou, les vieilles dames venant mendier deviennent des sorcières et la lecture de romans devient diabolique. "Elle ne savait pas ses commandements, c'est une preuve accablante ! les juges l'ont dit", s'exclame Mary servante des Proctor. Le puritanisme, la peur de la pendaison, la superstition aveuglent chacun alors que la sorcellerie semble présente partout : John Proctor voulant sauver sa femme et se riant de toutes ses superstitions va bientôt être accusé. Cependant, derrière la chasse aux sorcières se révèlent des histoires de vengeance et de jalousie, des mobiles pécuniaires et de la rancoeur...

En trois actes, Arthur Miller, avec une écriture dépouillée mais efficace, crée  une tension qui ne  cesse de croître. Drame de la jalousie et de l'honneur, tous les sentiments exacerbés se succèdent sous la plume de l'auteur : dénonciation, cupidité, aveuglement : Arthur Miller scrute l'âme humaine. Où est la vérité ? Sorcellerie ou fanatisme ? Tandis que les arrestations pleuvent, les masques tombent aussi... Ce tristement célèbre épisode de l'histoire américaine fait écho à la chasse aux communistes sous McCarthy. A chaque époque, la justice semble se dissoudre sous les attaques d'une certaine Amérique puritaine, sous la bassesse et l'hypocrisie. Une pièce remarquable !

La Chasse aux sorcières (1996) - Bande-annonce officielle VF

La chasse aux sorcières : "Je hais l'hypocrisie", dit Abigail qui incarne avec force un amour passionnel mais destructeur. Dans ce film d'époque, dont l'atmosphère de suspicion est très bien rendue, l'iniquité du procès est renforcée par le dénouement : les méchants ne sont pas toujours punis alors que les innocents n'éhappent pas à la mort... Ce film visuellement très classique est porté par des acteurs magnifiquement possédés, notamment Winona Ryder, non par le diable, mais par leur rôle.

Miller, Les sorcières de Salem, Robert Laffont, Pavillon poche, 239 p.

La chasse aux sorcières, adapté par N. Hytner, Winona Ryder, Daniel Day Lewis, 1996 , 1h51.

 L'avis de Lou !

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18 juin 2010

Lorenzaccio d'Alfred de Musset : ISSN 2607-0006

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Florence est sous le joug du tyran Alexandre de Médicis et de son cousin, le mélancolique et débauché Lorenzo, qui oeuvre secrètement en faveur des républicains. Toute la ville tremble : les femmes pour leur vertu, les hommes pour leur honneur. Dans l'ombre, les Strozzi conspirent mais en vain. Plusieurs intrigues s'enlacent, plus d'une trentaine de personnages sont mis en scène et autant de lieux différents servent de décor à cette oeuvre foisonnante.

La beauté de cette pièce est issue de l'éloquence et de la virtuosité de la prose et de l'identité de son héros éponyme : "Suis-je satan ? Lumière du ciel ! Je m'en souviens encore ; j'aurai pleuré avec la première fille que j'ai séduite, si elle ne s'était mise à rire. Quand j'ai commencé à jouer mon rôle de Brutus moderne, je marchais dans mes habits neufs de la grande confrérie du vice, comme un enfant de dix ans dans l'armure d'un géant de la fable. Je croyais que la corruption était un stigmate et que les monstres seuls le portaient au front", s'écrie Lorenzaccio. A force de dépravation, l'âme du héros s'est dissoute et à l'image de toute une génération désenchantée, Lorenzaccio cherche à donner un sens à ses actes : il va donc tuer le duc.

Lorenzaccio, c'est le drame romantique dans tout son éclat, recréant l'effervescence de la vie à travers la représentation de toutes les catégories sociales. Musset (biographie ici) mêle le grotesque et le sublime, le goût de l'exotisme dans la représentation de Florence et un héros déchiré, reflet de la génération romantique. L'arrière plan historique et les personnages complexes, et la beauté de la langue font de ce drame un chef d'oeuvre de l'art romantique.

Musset, Lorenzaccio, Classiques Larousse, 198 p.

Autre oeuvre : On ne badine pas avec l'amour

15 avril 2010

Ruy Blas de Victor Hugo : ISSN 2607-0006

 

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RUY BLAS : [...]

"Madame, sous vos pieds, dans l'ombre, un homme est là
Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
Qui souffre, ver de terre amoureux d'une étoile ;
Qui pour vous donnera son âme, s'il le faut ;
Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut" (Acte II, scène 2)

Don Salluste, grand d'Espagne, est exilé par la reine pour avoir séduit l'une de ses suivantes. A partir de cet instant, il met tout en oeuvre pour se venger et l'instrument de sa vengeance sera Ruy Blas, son valet. Ce dernier est amoureux de la reine, "sous l'habit d'un valet", il a les "passions d'un roi". Ayant pris le déguisement de Don césar, cousin débauché de Don Salluste, Ruy Blas peut enfin approcher celle qu'il aime et participe activement à redresser la vie politique décadente de l'époque. La reine, étrangère, se meurt d'ennui, loin de son mari... et succombe, chastement, au charme de Ruy Blas.
Comme l'indique V. Hugo ( une exposition virtuelle est consacrée à Victor Hugo, sur le site de la BNF), dans sa préface, cette pièce est un drame romantique alliant le grotesque et le sublime : "les trois formes souveraine de l'art pourraient y paraître personnifiées et résumées. Don Salluste serait le Drame, don César la Comédie, Ruy Blas la tragédie". Ainsi, on rit de don Guritan, comparé au héron des Fables de La Fontaine, amoureux malheureux et éconduit de la reine ou de la duchesse d'Albuquerque, prude et sorte de barbon au féminin. On frémit devant le sombre et machiavélique don Salluste, qui se joue cyniquement des personnes qui l'entourent, telles que Don césar ou Ruy Blas, uniquement et égoïstement préoccupé par sa vengeance. On pleure devant l'amour impossible de Ruy Blas, éminemment romantique.
Cette pièce est magnifique à lire : Hugo a si bien briser ce "grand niais d'alexandrin" qu'on croyait lire de la prose tant ses vers sont fluides. La critique de la noblesse castillane et sa décadence est faite à travers une peinture vive et surtout, on apprécie l'ambiance extravagante et emplie de rêve de ce drame : l'amour de la reine pour Ruy Blas lui paraît onirique tout au long des scènes. De même, don César semble ne pas croire à son aventure : devenu esclave, puis à son retour en Espagne, l'argent semble pleuvoir sur lui, ainsi que la nourriture... Une pièce d'une grande beauté, mêlant amour tragique, duel et peinture historique, délicieuse à lire et on comprend mieux à sa lecture, pourquoi Juliette Drouet, amante de V. Hugo, connaissait presque par coeur cette pièce...

Hugo, Ruy Blas, Garnier Flammarion, 198 p.

Lecture commune avec Fleur : son avis ici.

 

1 avril 2010

La controverse de Valladolid de Carrière : ISSN 2607-0006

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En 1550, à Valladolid, dans un petit couvent espagnol, une polémique autour du statut des indiens, récemment découverts lors des expéditions espagnoles, fait rage. Une controverse oppose deux hommes radicalement opposés : un dominicain humaniste, Las Casas, et un philosophe Sépulvéda. Ces peuples sont-ils humains ? Ou sont-ils des esclaves nés ? Les deux hommes vont s'affronter avec en arrière-fond un contexte religieux très important.

Le personnage de Las Casas n'est pas sans rappeler un certain Guillaume de Baskerville (Le nom de la rose, d'Umberto Eco) par son humanisme, ses raisonnements. Véritable joute verbale, la rhétorique  des deux hommes est impeccable, que ce soit la persuasion mise en oeuvre par Las Casas en décrivant des massacres sanguinaires pour faire appel à la compassion du lecteur ou la logique implacable mais inhumaine de Sépulvéda n'hésitant par utiliser des comparaisons animales pour parler d'êtres humains.

Cependant, une question plus grave, un sujet plus sérieux est au coeur de cette courte pièce de théâtre, celle du statut des habitants du Nouveau Monde et de la colonisation par les armes. Ces discours sur les races n'ont pas perdu de leur actualité et sont représentés d'une manière dramatique et dynamique pour empêcher toute dimension didactique ennuyeuse. Une pièce à thèse tout à fait convaincante ! Je signale aussi le roman sorti en 1992, en même temps que le film...

Carrière, La controverse de Valladolid, GF, 109 p.

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Film de Jean-Daniel Verharge, avec Jean Pierre Marielle (Las Casas).

En 1991, pour fêter le 500ème anniversaire de la découverte de l'Amérique, un film est commandé à J. C. Carrière, pour la télévision. La pièce de théâtre en est le scénario. Il a un an pour tourner ce film, ce qui explique l'économie des moyens, et son moindre intérêt, une fois le livre lu. Les décors sont sobres et symboliques, plaçant au centre, sur une estrade, une croix et le légat. D'un côté s'agite Las Casas, défendant corps et âme sa thèse, défendant ces indiens qu'il a côtoyés. De l'autre, au contraire, calme et froid, Sépulvéda s'interroge sur le statut de ces peuples tout en usant d'arguments spécieux. Le cadre en contre-plongée permet d'augmenter l'intensité dramatique de ce huis clos, qui même s'il réaménage la réalité historique, a le mérite d'aborder et de mettre au jour une page de l'histoire un peu oubliée. L'accent mis sur le discours des personnages amène un certain statisme des acteurs et confère une certaine lenteur, regrettable.

Lu et vu dans le cadre du challenge lunettes noires sur pages blanches, organisé par Happy few.

31 mars 2010

Le mariage de Figaro de Beaumarchais : ISSN 2607-0006

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Deuxième opus d'une trilogie composée du Barbier de Séville, de La mère coupable, Le mariage de Figaro marque un tournant dans l'écriture théâtrale de Beaumarchais ( présentation de l'auteur sur le site de la BNF ; les essentiels littérature) : Figaro doit épouser Suzanne mais celle-ci est courtisée par le comte d'Almaviva, marié à Rosine. Mais le mariage ne peut pas être célébré, empêché par le comte mais aussi par Marceline : Figaro est lui-même convoité par Marceline, la vieille femme de charge, qui cherche à faire valoir ses droits à l'aide d'une lettre de dette, où Figaro s'engage à se marier avec elle s'il ne la rembourse pas d'un emprunt. Elle s'allie avec le docteur Bartholo, ancien tuteur et prétendant de Rosine, qui se réjouit de se venger de Figaro. Ajoutons à tous ces personnages, Chérubin, le jeune page du comte, intéressé par toutes les femmes, un jardinier ivre...
Cette pièce n'est pas sous-titrée inutilement "une folle journée" : les intrigues amoureuses se multiplient ainsi que des ruses pour se jouer soit du comte, soit de Figaro. Les actions s'imbriquent à un rythme très dynamique avec de nombreux déguisements, témoins cachés, non pas pour donner une dimension comique mais romanesque à cette pièce. En effet, une scène de reconnaissance, un jugement et les sujet du mariage et de la justice donnent une dimension sérieuse à l'intrigue. Beaumarchais traite de la question du mariage avec originalité puisque le mariage ne marque pas le dénouement de la pièce mais devient une des actions principales de cette folle journée, en outre, il  dépeint aussi l'après-mariage à travers le couple que forme le comte et Rosine, Le mariage de Figaro se situant trois ans après Le Barber de Séville, où ils étaient les progragonistes principaux.
Après Molière, les comédies se rapprochent du drame et les dénonciations de la justice, des abus de la noblesse font de cette pièce une véritable satire très enlevée.
 Beaumarchais, Le mariage de Figaro, GF, 222 p.

 Lu dans le cadre du challenge j'aime les classiques ! de Marie L .

25 janvier 2010

Salomé d'Oscar Wilde : ISSN 2607-0006

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Salomé hante la littérature fin de siècle, elle apparaît dans le roman A Rebours de Huysmans, influence la Salammbô de Flaubert... Loin des sources historiques et bibliques, Wilde (biographie ici) métamorphose Salomé en femme fatale fin de siècle. Hérode a épousé Hérodias, la femme répudiée par son frère. Iokanann, un prophète, qui a critiqué ce mariage immoral, a été enfermé dans une citerne au coeur du palais. Salomé, fille d'Hérodias, aime Iokanann, mais celui-ci la repousse. Elle acceptera de danser pour son beau-père concupiscent en échange d'une promesse : elle réclame la tête de Iokanann...

Salomé est au centre de cette courte pièce  : elle est celle que tous regardent et désirent. Nommée par Iokanann "fille de Babylone",  Salomé est amoureuse et cruelle, elle désire et décide et donne la mort. Salomé envoûte tous les hommes qui l'entourent. L'atmosphère onirique, étrange est créé par le langage poétique : une prose anti-réaliste ou déréalisante. La lune est comparée à "un narcisse agité par le vent... Elle ressemble à une fleur d'argent" ou " comme la lune a l'air étrange ! On dirait la main d'une morte qui cherche à se couvrir avec un linceuil", dit un jeune syrien... Cette pièce de théâtre est une merveille d'art artificiel, avec des fleurs vertes et des références à divers mythes et contes, illustrant parfaitement l'autonomie de l'art. Lorsque Salomé exprime son désir pour Iokanann, elle reprend le "Cantique des Cantiques" : "Iokanaan ! Je suis amoureuse de ton corps. Ton corps est blanc comme le lys d'un pré que le faucheur n'a jamais fauché. Ton corps est blanc comme les neiges qui couchent sur les montagnes de Judée, et descendent dans la vallées. Les roses du jardin parfumé de la reine d'Arabie, ni les pieds de l'aurore qui trépignent sur les feuilles, ni le sein de la lune quand elle se couche sur le sein de la mer...". L'art s'inspire de l'art.

C'est une pièce symboliste, surréaliste avant l'heure, dont Loti dira : " c'est beau et c'est sombre comme un chapitre de l'Apocalyspe".  On perçoit dans cette pièce toutes les obsessions de Wilde : primauté de l'esthétique et le tragique côtoie un ton plus humoristique. Une pièce à lire pour la beauté des images, elle brille de tous les motifs décadents, des pierreries à la présence de paons blancs, et pour sa prose musicale...

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Les illustrations par Aubrey Bearsdley sont magnifiques : des dessins en noir et blanc, dans des cadres japonisants, représentent Salomé sous les traits d'une femme fatale. Les volutes et les courbes, le style rococo mais stylisé traduit bien l'univers sombre et cruel et la beauté étrange de la Salomé de Wilde.

 Mes lectures wildiennes : Les aphorismes

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