Civilizations de Laurent Binet : ISSN 2607-0006
Couverture : (d’après) Charles de Habsbourg dit Charles Quint, 1605. Juan Pantoja de la Cruz (1553-1608). Museo del Prado, Madrid. © FineArtImages / Leemage
Remarqué grâce à son très réussi premier roman Hhhh, Laurent Binet vient d'être récompensé par le Grand prix de l'Acamédie française pour son nouveau roman Civilizations. C'est encore une fiction qui parle d'Histoire et dont l'origine paraît bien surprenante : plus jeune, l'auteur déclare, dans un entretien final, qu'il jouait à un jeu "Civilisation" où chaque joueur pouvait construire son monde. Quel monde l'auteur a décidé de construire ?
Ce récit historique commence par une exploration avec l'histoire de la fille d'Erick le rouge, aboutissant au Brésil. Quant à Colomb, il décède en Amérique. Atahualpa ne triomphe pas de son demi-frère et est obligé de traverser l'Océan pour aterrir au Portugal : là, il découvre l'inquisition, le christianisme, un tremblement de terre, les guerres...
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Cela ne vous rappelle rien ? L. Binet réutilise le fameux regard décentré, celui des Persans de Montesquieu. A travers les yeux des Incas, nous découvrons l'Europe de Charles Quint, de la Renaissance et nous rencontrons des personnages aussi divers que Pizarro ou Marguerite de Navarre. Ces observateurs de "l'Ancien Monde", ne tardent pas à découvrir l'amour de l'or des Européens, les rituels religieux catholiques - dont l'Inquisition présentée de manière tout aussi absurde que dans Candide - les guerres et leurs alliances.
Mais Civilizations n'est pas qu'une simple uchronie qui se contenterait d'inverser les rapports de force qui ont lieu au XVIeme siècle : avec jubilation et ludisme, Binet pastiche le journal de Colomb, les lettres des humanistes comme More ou Erasme, les sagas islandaises lors du périple de la fille d'Erick le rouge... Certains passages - comme l'énumération des lois incas - paraissent longs - surtout que la lecture de Bernard Gabay est un peu lente - mais le texte nous réserve bien des surprises comme la rencontre de Cervantes ou de Rabelais au détour d'une phrase ou d'un chapitre. S'appuyant sur des faits historiques réels, Binet imagine un monde dominé par le Dieu soleil des Incas. où la Mecque n'est plus la Mecque mais Cuzco.
Une revanche littéraire pour les peuples décimés ? Une critique des fanatismes religieux ? Réflexion sur les hasards du passé ? Un jeu littéraire ? Tout cela à la fois, pour notre plus grand plaisir d'écoute.
Binet Laurent, Civilizations, Audiolib, 12h43, lu par Bernard Gabay, France, septembre 2019.
Autres romans : HHhH
Sur le web : La grande librairie. "Cilizations : une inversion de l'histoire du monde signé Binet". 30.10. 2019. Extrait.
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