Raison et sentiments de J. Alexander : ISSN 2607-0006
Raison et sentiments en cinq portraits :
" Elinor, sa fille aînée, dont l'opinion avait eu tant de poids, était doué d'une force d'intelligence et d'une netteté de jugement qui faisaient d'elle, bien qu'âgée seulement de 19 ans, le conseiller habituel de sa mère et lui permettait de tempérer fort heureusement la vivacité de Mrs Dashwood qui l'aurait entraînée bien des fois à des imprudences. Elle avait un coeur excellent ; son tempérament était affectueux et ses sentiments profonds, mais elle savait les gouverner. [...] Marianne disposait, à beaucoup d'égards, des mêmes moyens que sa soeur. Elle était sensée et perspicace, mais passionnée en toutes choses, incapable de modérer ni ses chagrins ni ses joies. Elle était généreuse, aimable, intéressante, bref, tout, excepté prudente." (p. 11).
"Il [John Dashwood] n'avait pas une mauvaise nature, à moins qu'on qualifie ainsi la sécheresse de coeur unie à pas mal d'égoïsme ; mais il était considéré, en général, comme un homme respectable, car iil se conduisait correctement dans les circonstance ordinaire de la vie quotidienne. [...] Mrs John Dashwood était la vivante caricature de son mari ; d'esprit plus étroit encore et de caractère plus égoïste." (p. 9).
"Je suis convaincu, dit Edward, que vous ressentez réellement, devant une belle perspective, tout le plaisir que vous affirmez ressentir. Mais, en retour, votre soeur doit admettre que je n'en ressens pas plus que je ne dis. Je goûte un beau point de vue, mais pas sur des principes pittoresque. Je n'aime pas les arbres difformes, tordus, dévastés. Je les aime bien mieux lorsqu'ils sont droits, fermes et florissants. Je n'aime pas les cottages en ruine, à l'abandon. Je ne suis pas amoureux des orties, des chardons et des bruyères. J'ai plus de plaisir à voir une ferme modèle qu'une tour de guet, et une troupe de villageois heureux et bien tenus me plaît plus que les plus beaux beaux bandits du monde". (100)
"Mrs Dashwood plut également à Lady Middleton. Il y avait chez toutes les deux un égoïsme et une sécheresse de coeur qui les attiraient mutuellement ; et elles communiaient, l'une, l'aure dans une insipide correction et un manque complet d'intelligence." (p. 228)
"En dépit de toutes les améliorations et embellissements qu'il [sir John Dashwood] avait entrepris à Norland, en dépit des millions de livres qu'il avait failli vendre à perte, on découvrait aucun signe de cette indigence à laquelle il avait essayé de faire croire, aucune pauvreté n'apparaissait si ce n'est dans la conversation ; mais là le déficit était considérable." ( p. 232)
Jane Austen ne condamne pas les sentiments mais un romantisme échevelé, une sensibilité extravagante, incarnée dans l'une des soeurs Dashwood... Tout comme dans les autres romans de l'auteur, des héroïnes sont en butte à de nombreux obstacles, incarnés dans l'inconstance des hommes, la cupidité des femmes, l'aveuglement de toute une société pétrie de préjugés et de vanité. Quelle fabuleuse galerie de portraits agrémentée de vifs dialogues ! La mini-série, bien que fidèle, me semble un peu trop jouer sur le mélodrame : pourquoi avoir fait de Margaret une Cosette transportant l'eau du puits ou transformer les soeurs Dashwood en parfaite femme d'intérieur, alors que le roman ne l'évoque jamais ? Le réalisateur accentue aussi l'aspect gothico-romantique des paysages en filmant des falaises escarpées et des mers déchaînées, paysage état d'âme en relation avec les coeurs passionnés des soeurs Dashwood, faisant de Marianne une grande sentimentale attrapant une fluxion de poitrine, en se promenant sous la pluie battante, par nostalgie... En revanche, cette série manque singulièrement d'humour, là où Jane Austen raille, caricature ses contemporains, les femmes sottes comme Mrs Palmer, ou sa mère Mrs Jennings, le réalisateur passe rapidement, et préfère les envolées sentimentales... Après la version d'Ang Lee, j'ai trouvé cette mini-série d'esprit moins victorien... Mais Janéite ou pas, infidélités ou pas, la magie opère toujours avec les romans et les adaptations de Jane Austen.
Austen, Raison et sentiments, 10/18, 382 p.
Raison et sentiments, de J. Alexander BBC avec Charity Wakefield, Dominic Cooper, Dan Steven, Hattie Morahew
Participation au challenge back to the past organisé avec Lou.
Raison(1), sentiment(2), L'amour (3)et la méchanceté (4)