Verte de Desplechin : ISSN 2607-0006
Waterhouse ( 1849-1917), Le cercle magique/ Victor Muller ( 1829-1871), Blanche-Neige et la vieille
De la sorcière au nez crochu telle que l'a popularisée Disney à l'érudite sorcière Hermione Granger, l'image de la sorcière a beaucoup évolué ces dernières années. Devenue une tendance lifestyle, un business ou des pratiques ancestrales, la sorcière incarne de nos jours "la femme avec un grand F, celle qui, libérée du patriarcat, fait bouger les lignes pour sauver le monde. Vive la transgression, vive la magie" ("ce que sorcière veut dire", Les sorcières, histoire d'une renaissance, p. 6).
Grâce au hors-série du Point, on traverse les époques pour évoquer les magiciennes comme Circé ou Médée, les grands procès en sorcellerie mais aussi les films cultes portant sur ce thème ou les animaux associés à ces femmes.
Hermione Granger/ Kiki, La petite sorcière, Miyazaki/ Blanche-Neige et les sept nains/ Ma sorcière bien aimée/ Maléfique
Richement illustré, il propose même une brève analyse du tableau Frans Francken. La marche de l'histoire consacre aussi une de ses émissions aux récits de sorcellerie dans laquelle on peut entendre Le sabbat d'Alfred Schnittke par l'Orchestre du Théâtre de Bolchoï.
Dans le sillage d'Harry Potter, le jeune sorcier, Desplechin s'empare aussi de la figure devenue iconique de la sorcière pour parler de sujets contemporains comme la normalité dans une famille dans laquelle on a "l'habitude des dingues" ou l'héritage.
A travers son récit humoristique, elle décrit les relations entre une fille, Verte, et sa mère sorcière. Cependant, Verte refuse cet héritage qu'elle trouve trop encombrant. Mais à quoi ressemble une sorcière de nos jours ? Finalement, peu de véritable magie est présente dans le récit même si l'histoire s'appuie sur des éléments traditionnels comme les mandragores ( synthétiques pour certaines...), les grimoires ou les sorts.
"Sorcière, tu es née, sorcière tu dois devenir" (p. 29) : La véritable magie se situe autre part, notamment dans la composition du roman - qu'il ne faut pas révéler pour laisser la surprise aux lecteurs - et dans la richesse des thématiques : Verte décrit aussi la construction de soi à l'adolescence, les rapports familiaux entre générations, la découverte de l'amour... Le roman de Desplechin fait partie de ces livres magiques dont parle justement un sorcier, Harry Potter : " Il y avait même un livre qu'on ne pouvait plus s'arrêter de lire une fois qu'on avait mis le nez dedans"( Harry Potter, à l'école des sorciers).
© Julien Piffaut
Adapté par Léna Bréban, la pièce Verte retranscrit parfaitement l'univers de Desplechin. Le choix de points de vue différents disparaît mais l'univers féérique a été accentué : brume, objets qui se meuvent seuls, décors qui apparaissent... La mise en scène dynamique est rythmée par des musiques, des danses, des lumières recréant une ambiance onirique - avec un arbre particulièrement extraordinaire - mais aussi assez réaliste comme dans le roman. Le caractère des personnages est bien retranscrit grâce à un jeu d'acteurs extrêmement enlevé. Une très belle pièce !
Desplechin, Verte, L'école des loisirs, Novembre 2018, France, 175 p.
Verte, mise en scène de Léna Bréban, avec Rachel Arditi, Céline Carrère, Pierre Lefevre/ Julie Pilod, 1h10
Hors-série, Les sorcières, Histoire d'une renaissance, Le point,n° 4, Novembre-décembre 2019, 90 p.
Sur le web : La marche de l'histoire. 2018. Les récits de sorcellerie, France culture. Animée par Jean Lebrun. 19 février 2018.
John D. Batten, La belle au bois dormant