La physique des catastrophes de Pessl : ISSN 2607-0006
C'est en lisant l'avis très attrayant et pertinent de Lilly - on pense effectivement au Maître des illusions de Donna Tartt et à lire son prochain roman, intitulé, Intérieur nuit - que j'ai eu envie d'ouvrir La physique des catastrophes de Marisha Pessl.
On a l'impression d'entrer dans un campus novel en découvrant l'histoire de Bleue Van Meer. Celle-ci a perdu sa mère alors qu'elle n'était qu'une enfant et son père, un enseignant chercheur, va d'université en université, enseigner les sciences politiques. Enfant précoce, Bleue a des difficultés pour s'intégrer dans les écoles qu'elle fréquente mais son immense savoir lui permet de décrypter le monde. Mais la vie peut-elle se conformer à un film ou à un livre ou aux théories d'un père idéaliste, épris de liberté et critiquant le consumérisme ?
Son père décide de l'inscrire en terminale, dans l'université St Gallway de Stockton, pour une année. Là, elle découvre un professeur Hannah Schneider, qui s'intéresse vivement à elle, contrairement à la bande d'étudiants qui l'entoure. Pourtant, ces derniers et Hannah fascinent Bleue qui ne cesse de s'interroger sur eux : " Un adulte à l'intérêt marqué pour les jeunes ne peut pas être totalement sincère ni équilibré, écrivait-il page 424, dans le chapitre 22 intitulé "Le charme des enfants". Une attitude de ce genre dissimule souvent un dessein noir".
D'emblée l'on sait qu'Hannah est morte. Quelles en sont les raisons ? Peu à peu, la narratrice lève le voile sur cette tragique histoire et l'auteur joue avec son lecteur, laissant des indices qu'on ne comprend que restropectivement... Quelle structure livresque ingénieuse ! Quelle intrigue palpitante !
"Bleue" : quel prénom ! "voir leptotes cassius, dictionnaire des papillons Meld éd., 2001", nous explique la narratrice, dans une parenthèse. Non seulement le style, rappelle celui d'un universitaire avec des notes de bas de page parfois et avec une obsession de la littérature, mais elle montre aussi la propension du personnage à analyser, comme un entomologiste, le monde. Des supports visuels ( image ci-dessus, dont je n'ai pas réussi à trouver le nom du dessinateur) contribuent à cette précision, ce souci de documentation bien que nombres de références (je ne les ai pas toutes cherchées) me semblent parfois fantaisistes.
Le premier chapitre s'intitule "Othello", le deuxième "Portrait de l'artiste en jeune homme"... sa prof est mystérieuse comme un personnage de Faulkner, et elle tombe amoureuse d'un Heathcliff... Comme le souligne la narratrice, elle est " portée sur la bibliographie", ce qui donne un charme inimitable à ce roman extrêmement drôle, intelligent, au style original. Seule la fin est improbable et inouïe, longue et inutile. Le reste est fabuleusement raconté.
Pessl, La physique des catastrophes, Folio, 817 p.