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1001 classiques
30 septembre 2014

Le discours de la servitude volontaire de La Boétie : ISSN 2607-0006

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"Il en est que le métier ingrat de courtisan use dans la servitude volontaire"

De la briéveté de la vie, Sénèque

Quel paradoxe ! Pourquoi accepter le joug d'un tyran ? Pourquoi le peuple "s'asservit" et "se coupe la gorge" ? Ce bref texte de La Boétie suscite d'autres questions que celles de son titre oxymorique. Et tout d'abord qui est cet auteur dont on sait peu de choses ? La date de publication est incertaine et le message est des plus ambigus : comme Le prince de Machiavel qui connut un destin peu ordinaire (" on se perd en conjecture sur le sens de sa démonstration", dit Spinoza)  - de la naissance du concept du machiavélisme à l'interprétation " du livre des Républicains" de Rousseau - Le discours de la servitude est tantôt perçu comme un livre écrit au service du roi contre les protestants, tantôt comme un discours contre le roi et défendant les parlementaires, ou tantôt comme un texte en faveur des Protestants... A-t-il été écrit contre les répressions de la Gabelle de 1548 ? Est-il un jeu rhétorique ou un pamphlet politique ? Huit versions de ce texte existent, qui ne cessent d'être réactualisés, brandis par les révolutionnaires de 1789 ou par les réplublicains en 1851...

" D'avoir plusieurs seigneurs aucun bien je n'y voy. Qu'un sans plus soit le maître, et qu'un seul soit le roi". La dénonciation du pouvoir est étonnamment moderne pour l'époque car elle s'affranchit de toutes allusions religieuses. Ce discours reflète l'appartenance au mouvement de l'humanisme de son auteur, avec la valorisation de l'amitié ( " L'amitié est un nom sacré") qui est synonyme d'égalité et de connaissance mutuelle, de savoirs partagés mais est aussi visible dans le recours aux exemples puisés dans l'histoire antique. Non seulement La Boétie contredit les idées d'Aristote, mais il ne fait pas de son discours un miroir du prince. Il analyse les moyens dont disposent le tyran pour maintenir sa domination : coutume, divertissement, religion et soutien des favoris. On peut donc y lire une corruption de l'ensemble de la société, annonçant le pessimiste de la fin du XVIeme siècle, déchirée par les Guerres civiles, une dégradation des idéaux de l'humanisme.

Si l'on considère ce discours comme l'exercice d'un rhéteur, on ne peut qu'admirer la prose de ce texte qui révèle une véritable éloquence : période cicéronienne, questions oratoires, accumulations, métaphores, parallélismes. En voici un bel exemple ( p. 85) : "Pour ce coup je ne voudrois rien entendre comm'il se peut faire que tant d'hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations endurent quelque fois un tyran seul, qui n'a puissance que celle qu'ils lui donnent ; qui n'a pouvoir de leur nuire, sinon tant qu'ils ont vouloir de l'endurer ; qui ne sçauroit leur faire mal aucun, sinon lors qu'ils aiment mieulx le souffrir que lui contredire." Quelle que soit l'idéologie portée par ce texte, sans cesse réactualisée, il incite à la réflexion et force l'admiration par sa magnifique rhétorique...

La Boétie, De la servitude volontaire, Tel Gallimard.

Lecture commune avec Margotte, Claudia, Océane.

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Commentaires
O
Coucou Maggie, je n'avais pas eu le temps de publier mon billet :( je suis navrée !je répare vite, je suis sous l'eau depuis un moment ^^ mais je remonte un peu. Ce qui est marrant c'est que cette incapacité à trouver du temps pour moi, rien que moi, vient en écho de ce texte de La Boetie, et d'une certaine servitude volontaire... Autant te dire que je te remercie de m'avoir donné l'occasion de replonger dans ces lignes.
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P
Une lecture qui semble exigeante et toujours actuelle !
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M
@ Fleur : moi aussi, je suis contente d'avoir lu ce classique ! C'est rapide à lire mais le sens échappe un peu...<br /> <br /> <br /> <br /> @ Claudia : Je te comprends, je manque de temps aussi pour faire toutes les lectures que je voudrais... Je t'envie ta connaissance de Montaigne... Effectivement, je pense que je devrais lire Montaigne pour mieux comprendre la pensée de l'époque...
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C
Ta dernière citation me rappelle la réflexion de Montaigne sur le pouvoir dans l'essai : Des cannibales livre 1 chapitre 31 : des sauvages ont été amenés en France. Ce sont eux qui vont tirer la leçon de ce qu'ils voient : <br /> <br /> <br /> <br /> "Le roi (Charles IX) leur parla longtemps; on leur fit voir notre façon d'être, notre pompe, l'aspect d'une belle ville. Après cela quelqu'un demanda leur avis à tout cela et voulut savoir d'eux ce qu'ils avaient trouvé de plus surprenant; ils répondirent trois choses, dont j'ai oublié la troisième, et je le regrette bien; mais j'ai encore deux en mémoire. Ils dirent qu'ils trouvaient en premier lieu étrange que tant d'hommes grands, portant la barbe, forts et armés, qui étaient autour du roi (il est vraisemblable qu'ils parlaient des Suisses de la garde) acceptent d'obéir à un enfant, et qu'on ne choisisse pas plus tôt l'un d'entre eux pour commander; secondement (ils ont une façon de parler telle qu'ils nomment les hommes "moitié" les uns des autres) qu'ils avaient remarqué qu'il y avait parmi nous des hommes pleins et gorgés de toutes sortes de privilèges, et que leurs moitiés mendiaient à leurs portes, décharnés de faim et de pauvreté; et ils trouvaient étrange la façon dont ces moitiés nécessiteuses pouvaient supporter une telle injustice, sans prendre les autres à la gorge ou mettre le feu à leurs maisons."
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C
Mais je suis vraiment en dessus de tout! Mon départ à Budapest m'a fait tout oublier! Je croyais que nos Lc étaient retardées ! Décidément je confonds tout et je suis une bien mauvaise accompagnatrice! Excuse-moi! Rappelle-moi les dates des prochaines LC si on en a encore?<br /> <br /> Bref! je ne peux pas le lire maintenant parce que j'ai plusieurs bouquins pour babelio, price minister, dialogues etc... mais dès que j'ai fini ceux-là, je m'attaque à la Boétie; Tu sais que je tenais à le lire!
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