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1001 classiques
9 mars 2014

Hannah Arendt, Eichmann à Jerusalem : ISSN 2607-0006

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Il est impossible de résumer une oeuvre aussi dense et une pensée aussi complexe que celle de cette philosophe. Cependant, voici quelques aspects que j'ai retenus de ma lecture de ce livre indispensable aussi bien d'un point de vue humain que philosophique. Lorsque l'enlèvement d'Eichmann - responsable "des affaires juives et de l'évacuation" sous le troisième Reich - à Buenos Aires est annoncée, H. Arendt demande à The New Yorker de couvrir le sujet. Elle commence par décrire les juges, la Cour, les témoins... non pour en faire un simple compte-rendu mais une analyse du procès. Elle observe notamment de nombreuses irrégularités dans le procès et s'interroge sur la légitimité de ce tribunal qui a été formé à Jerusalem car, pour elle, le plus grand crime d'Eichmann est un "crime contre l'humanité", faisant par-là une distinction avec le "crime contre le peuple juif".

Elle analyse donc les arguments de la défense et de l'accusation d'un point de vue juridique. Commençons par les reproches qu'elle adresse à ce tribunal : tout d'abord, elle évoque le fait que les " tableaux", c'est-à-dire l'évocation de l'histoire des témoins, l'arrière plan historique interfèrent inutilement avec le procès. Les témoins n'ont pas de rapport direct avec Eichmann. Même si H. Arrendt nie faire de l'histoire, elle est amenée, à cause de la carrière d'Eichmann dans le parti SS, à évoquer des déportations du Reich, de l'Europe orientale, de l'Europe orientale d'une manière précise et documentée, en s'appuyant sur des sources historiques qui sont récapitulées dans le post-criptum.

D'autres analyses montrent comment Eichmann est devenu un bouc émissaire : on l'accusait d'avoir été à l'origine de l'organisation de la "solution finale", au point d'influencer Hitler. Ainsi constate-t-elle qu'on lui attribue des fonctions et un pouvoir qui n'étaient pas les siens. A contrario, elle remarque qu'Eichmann ne parle qu'à travers le langage du Reich, un langage plein de clichés. Dans le post-criptum, elle cite des sources mais elle revient aussi sur la définition de la banalité du mal ( p. 440), une notion clôturant son chapitre intitulé " Jugement, l'appel et l'exécution" et qui allait créer une polémique souvent par des gens qui n'avaient pas même lu le livre : Qu'on puisse être à ce point éloigné de la réalité, à ce point dénué de pensée, que cela puisse faire plus de mal que tous les mauvais instincts réunis qui sont peut-être inhérents à l'homme - telle était la leçon qu'on pouvait apprendre à Jérusalem" et elle souligne " l'étrange lien entre l'absence de pensée et le mal"( p. 495). Alors qu'on reproche à H. Arendt d'avoir défendu Eichmann, il semblerait plutôt qu'elle ait justement mis à l'épreuve la faculté de penser propre à chaque humain au lieu de suivre aveuglément les jugements rendus. En outre, l'ironie qui ne sied pas, selon certains, à ce type d'ouvrage et de circonstance, est aussi une forme d'insoumission, me semble-t-il, à une pensée toute faite...

Arendt, Eichmann à Jerusalem, Folio histoire, 512 p.

Billet de Nathalie ( la vie page à page) .Participation au challenge de Miss Léo, présentation ici.

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Commentaires
N
Merci pour le lien ! Ce qui est amusant c'est que tu as retenu des aspects différents de ceux que j'ai retenus. J'ai par exemple beaucoup apprécié les informations historiques sur lesquelles elle s'appuie pour démonter les excuses d'Eichmann, et tu ne les mentionnes pas - mais ce que tu en retiens est tout à fait juste et c'est justement le signe d'un livre riche que chacun puisse y trouver des aspects différents !
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M
@ Praline : je ne pense pas lire tout le recueil crise de la culture, juste l'article qui porte ce nom car effectivement, c'est plus philosophique mais je crois que Arendt ne se considérait pas comme une philosophe mais plutôt comme quelqu'un étudiant les sciences politiques<br /> <br /> <br /> <br /> @ Dasola : J'ai fait l'inverse, j'ai lu le livre et vu le film après mais les deux m'ont semblé extrêmement intéressant, même si j'ai préféré de loin l'oeuvre d'Arendt car beaucoup trop simplifié dans le film.<br /> <br /> <br /> <br /> @ Océane : oui, je suis tout à fait d'accord, notamment parce que ce texte est abordable et permet de comprendre différents problème. surtout, j'ai aimé la manière dont elle pousse les gens à réfléchir par soi-même !
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O
C'est un ouvrage que j'avais eu l'occasion de lire en fac de droit pendant mes études, c'est effectivement dense et prenant et forcément cela pousse à pas mal de réflexion. A mettre entre toutes les mains.
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D
Bonsoir Maggie, c'est suite au film que j'ai eu envie de lire cet ouvrage. Je l'ai commencé, c'est remarquable et très accessible. Bonne soirée.
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P
J'ai aussi lu ce livre récemment, après en avoir beaucoup entendu parler pendant mes études. Et j'ai poursuivi par La crise de la culture, plus philosophique.
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