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1001 classiques
21 août 2011

Lettres d'une péruvienne de Madame de Graffigny : ISSN 2607-0006

67458729

Madame de Graffigny (1685-1758) a connu son heure de gloire tardivement grâce à Cénie, un drame larmoyant (1750), et aux Lettres d'une péruvienne qui s'inscrivent dans la perspective des Lumières. Pour la petite anecdote biographique, on peut rapporter le fait qu'elle a côtoyé les hommes emblématiques de son siècle comme Voltaire et Diderot, Mme du Châtelet... et a même invité Rousseau dans son cercle. Elle raconte, à travers 41 lettres, l'histoire d'une jeune fille inca, Zilia, enlevée par les Espagnols puis par un Français, le comte de Déterville qui tombe amoureux d'elle et qui l'emmène à Paris. Séparé de l'homme qu'elle aime, Aza, elle lui écrit son cœur lui exprimant de manière hyperbolique son amour tout en décrivant la société qu'elle découvre avec curiosité, étonnement mais aussi avec un esprit critique.

Proche des lettres monophoniques Les lettres portugaises, elle exprime son amour à Aza dans des termes assez conventionnels. L'intrigue amoureuse se dénoue comme une tragédie racinienne : Déterville aime Zilia d'une passion non récompensée, qui elle-même aime Aza qui se marie avec une étrangère... Mais cet amour trop stéréotypé, on peut relever des ressemblances avec La princesse de Clèves ou Bérénice, si elle plaisait au public de l'époque n'arrive pas à émouvoir.

Cette œuvre se rattache aussi aux Lettres persanes de Montesquieu, par l'emploi d'un vocabulaire étranger, influencé par le goût de l'exotisme en vogue, tout en permettant aussi de critiquer par le biais d'un regard naïf et étranger. Ce système narratif met en place une critique des moeurs très crédibles. Autant l'expression de l'amour est assez monotone et répétitive, autant les thèmes satiriques sont variées : les régimes politiques, les lois, la condition des femmes, celle des aristocrates... En voici un extrait de la Lettre XXXII :

" La censure  est le goût dominant des Français, comme l'inconséquence est le caractère de la nation. Leurs livres sont la critique générale des mœurs et leur conversation celle de chaque particulier, pourvu néanmoins qu'ils soient absents : alors on dit librement tout le mal que l'on en pense, et quelquefois celui que l'on ne pense pas. Les plus gens de biens suivent la coutume ; on les distingue seulement à une certaine formule d'apologie de leur franchise et de leur amour de la vérité, au moyen de laquelle il révèlent sans scrupule les défauts et les ridicules, et jusqu'aux vices de leur amis". (p.140; Lettre XXXII).

Pourquoi Mme de Graffigny est tombée dans l'oubli ? Malgré l'originalité de la remise en cause du mythe du bon sauvage ou du féminisme dont fait preuve cette romancière, ce roman paraît bien fade comparé aux romans pleins de verve et d'ironie de Voltaire ou de Diderot. Avec Mme de graffigny point de fantaisie débridée mais on trouve une belle plume empreinte de classicisme et son roman épistolaire n'en reste pas moins une critique percutante de la société du XVIIIe siècle.

 Madame de Graffigny, Lettres d'une péruvienne, Étonnants classiques, GF.

Challenge "demoiselle de lettres" (XVIII) de Céline.

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Commentaires
M
@ Céline : Ce n'est vraiment pas le meilleur roman épistolaire que j'ai lu ! <br /> PS : j'ai acheté la réécriture des liaisons dangereuses mais je ne l'ai toujours pas commencé... décidément, mes lectures pour ce challenge n'avancent pas...<br /> <br /> @ Lou : Les lettres persanes sont fabuleuses et font de l'ombre à ce petit ouvrage de Mme de Graffigny ! il me tarde de voir ton billet sur la célèbre inconnue dont tu as trouvé le livre... si inconnue que je n'arrive pas à me rappeler du titre. (Ca commence par un P non ?
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L
Après notre découverte en librairie, c'est un deuxième auteur oublié que je découvre ici ce soir ! J'ai beaucoup aimé "les lettres persannes", que je relirais volontiers. Je lirai peut-être ces lettres péruviennes également malgré tes réserves, car les femmes écrivains des siècles passés m'attirent, comme tu le sais...
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C
J'hésitais à lire ce titre, mais comme tu n'as pas l'ai très convaincue, je pense que je vais le laisser passer ...
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M
@ Margotte : Je pense que si tu aimes les romans épistolaires et surtout le XVIIIeme siècle, ce livre pourra t'intéresser...
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M
Alors là ! Complètement inconnue pour moi cette auteure ! Mais comme il s'agit de lettres, j'ai lu avec grande attention ton billet ;-)
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