Crime par ascendant de Ruth Rendell : ISSN 2607-0006
Martin Nanther décide de rédiger la biographie de son arrière grand-père, médecin ordinaire de la reine Victoria, spécialisé dans des recherches sur l'hémophilie. Lecteur, vous vous demandez certainement pourquoi et quel intérêt peut-il y avoir à écrire sur la vie d'un Victorien terne et sans histoire. Cependant, dès le début de sa collation de manuscrits et de documents, il découvre stupéfait des zones d'ombres et des éléments troublants.
Où il est question d'une lettre mystérieuse : mêlant adroitement les recherches sur la vie de son grand-père et sa vie personnelle de pair au Parlement, Martin va mener une enquête, après avoir reçu une lettre, sur un meurtre et une personnalité, vieux de plus de 150 ans, car la fille d'Henry a écrit dans cette lettre à une de ses soeur "qu'il a commis des actes monstrueux". Est-il l'assassin de sa première fiancée ? Pourquoi épouse-t-il Edith, fille d'un avocat obscur et dans la gêne plutôt qu'Olivia, une fille richement dotée ?
Où on découvre un narrateur attachant : Narration à la première personne, Crime par ascendant met en scène un personnage principal plutôt atypique. Sous son costume guindé de pair, et ses cravates, le narrateur a une imagination débordante. Mais surtout, sous des allures de goujat, Martin reste lucide sur ses désirs, espoirs et sentiments. L'auteur arrive bien à nous décrire ses états d'âme et ses pensées contradictoires sur la paternité, à la fois égoïste et désireux de faire plaisir à sa femme qu'il adore... S'il n'est pas aussi sombre que son arrière grand-père, ses pensées ne sont pas toutes très catholiques !
Où on découvre l'époque victorienne : Difficile dans un premier temps de rentrer dans l'histoire où les noms abondent et les détails foisonnent et où on apprend en détails le système du parlement, la chambre des lords, que connaît bien son auteur pour la fréquenter. Et pourtant l'écriture minutieuse, quasi journalistique, nous entraîne à travers les très courts chapitres, dans une histoire très sombre et très mystérieuse. Jamais l'ennui ne s'installe malgré les longues descriptions. Ce n'est pas un roman historico-policier à proprement parler car l'intrigue se passe dans le monde contemporain mais de nombreuses références aux moeurs victoriennes sont souvent évoquées et comparées à la société actuelle permettant à la romancière de montrer l'évolution des moeurs et de la condition de la femme.
" Une autre élément curieux de cette affaire me vient à l'esprit. Henry devait connaître les Henderson avant de monter le coup de main de Gower street, et il n'aurait pu les connaître qu'en menant des recherches à leur sujet. A-t-il eu recours à une agence de détectives privés ? A un personnage similaire à Sherlock Holmes ? J'ai en tête l'image relativement sinistre, très victorienne, un personnage tout droit sorti de Wilkie Collins, suivant Samuel, surveillant sa maison, liant conversation avec le vieux M. Quendon quand il sortait pour son "petit tour", reluquant les jeunes filles depuis le pas de porte d'une boutique. Mais pourquoi ? dans quel but ? "(p. 241) Enquête bien agencée, elle ne manque ni de références littéraires, ni d'humour, ni de suspense car chaque chapitre accumule son lot de surprises et de questions, de découvertes et la vérité éclate encore plus sinistre qu'on ne le croit ! Ruth Rendell a su remarquablement bien mêler vie intime et contemporaine du narrateur, ses doutes et ses interrogations sur sa vie familiale, et une terrible enquête d'un "crime" odieux se déroulant sous l'ère victorienne. Une enquête captivante...
Rendel, Crime par ascendant, Livre de poche, 510 p.
Merci à Bob et à Livre de poche pour ce partenariat.