Les Monuments men de Edsel : ISSN 2607-0006
Forfuitement, j'ai écouté une émission sur France culture " question d'éthique" ( par Monique Canto-Sperber) intitulée "Les oeuvres d'arts volés par les nazis : les enjeux moraux des restitutions" avec Elizabeth Royer, marchance d'art et historienne, alors que je lisais Monuments men. Cette écoute m'a permis d'avoir un regard critique sur ma lecture. J'avais d'ailleurs vu un documentaire sur "Gurlitt et le trésor nazi" mais qui n'apportait pas vraiment de faits nouveaux.
Monuments men relate la genèse, la biographie et les actions de ce groupe d'hommes envoyés pour protéger les oeuvres d'art pillées pendant la Seconde Guerre Mondiale et les monuments bombardés lors des combats. Qui sont-ils ? Quels étaient leurs moyens ? En quoi consistaient leurs actions ? En s'appuyant sur des essais, sur des biographies, sur des lettres envoyées par ces hommes tels que Georges Stout, Rose Valland, Romirer... et sur des archives reproduites à la fin de chaque chapitre, Edsel reconstruit la trajectoire de ces hommes qui se vouaient à l'art. Comme les Monuments men n'oeuvraient pas à chaque instant au sauvetage des oeuvres art, on les voit aussi participer au combat. Très clairement, il souligne la difficulté de cette entreprise: " Aucune ville n'a mieux que Saint-Lô illustré la complexité de la mission des Monuments men censés trouver le juste milieu entre la protection du patrimoine et la réalisation des objectifs militaires" (p. 128). Par exemple, Romirer a essayé d'empêcher que le jardin des Tuileries soit saccagé par les camions, les chars de l'armée présents lors de la libération de Paris. De manière factuelle, Edsel resitue leurs actions dans la guerre, décrivant le débarquement en Normandie, la libération de Paris, l'invasion de l'Allemagne et la découverte des camps de la mort.
Cet essai restitue de manière très fouillée le destin de ces hommes. C'est clairement un éloge de leur travail, qui longtemps n'a pas été reconnu : il soulige leur courage, luttant sans cesse contre les décisions militaires, le manque de moyen, l'incompréhension des soldats devant leur mission et leur rôle capital dans la découverte de la mine de Altausee. L'auteur souligne d'ailleurs que l'oubli de leur rôle n'a pas permis de renouveler la création de la MFAA lors de guerres suivantes ( comme en Irak).
L'art pourrait être considéré comme mineur quand des vies de soldats sont en jeu : pourtant, il a un autre enjeu comme le montre les paroles de ce jeune Monument man Harry Ettlinger, juif allemand ayant fui son pays : " Je n'ai pris vraiment conscience de ce que signifiait l'Holocauste, qu'en me rendant compte que les Nazis avaient privé les juifs non seulement de la vie ( au fond, je ne l'ai saisi que bien plus tard) mais aussi de leurs biens personnels [...] Neusschwanstein m'a ouvert les yeux sur cet épisode de l'histoire qu'il ne faut surtout pas laisser sombrer dans l'oubli" ( p. 510).
Edsel n'idéalise pas le comportement de tous, il évoque notamment le pillage des Russes ( "Aux troupes soviétiques [...], se joignaient des officiers des brigades financières dont la mission consistait à s'emparer des richesses de l'ennemi [...] pour racheter les souffrances de son peuple" (p. 393), du peuple Allemand, et des Américains, dans le dernier chapitre " L'après-guerre", il s'attache à chaque Monument man pour décrire leur destin, tout en laissant un peu de côté le fait que beaucoup d'oeuvres n'ont pas été restituées, ni retrouvées... Cet ouvrage, très richement documenté sur l'histoire de cette période ( même si l'auteur a romancé certains dialogues comme l'indique dans la présentation de l'ouvrage, et effectivement, il n'hésite pas à créer du suspense autour des révélations de Rose Vallant), découpés en brefs chapitres facilitant la lecture, permet de faire la lumière sur un sujet peu abordé mais passionnant et qui soulève bien des problèmes éthiques...
Edsel, avec Bret Witter, Monuments men, A la recherche du plus grand trésor nazi, Folio, 598 p.
Participation au challenge mélange des genres de Miss Léo, ( catégorie essai, mon bilan)