Le stratagème du corbeau de Yoon Ha Lee : ISSS 2607-0006
Que sont devenus le capitaine Kel Chéris et le traître Shuos Jedao après leurs combats narrés dans le premier tome Le gambit du renard de Yoon Ha-Lee ? Le général Jedao a réussi à échapper à une mort certaine après le massacre de la forteresse des Aiguilles Diffuses. Le colonel Kel Brezan doit à tout prix l'arrêter. Mais pour quelles raisons ? Que fomentent les 6 hexarques ?
A nouveau les questions se multiplient dans ce nouvel opus. L'univers de space opera est toujours aussi dément, on se pose tout autant de questions que dans Le Gambit du renard, au fur et à mesure de la lecture. Cependant, dans Le stratagème du corbeau, les combats sanguinaires sont moins présents et font place à des intrigues politiques pas plus compréhensibles. Les moeurs de différents personnages et surtout leur corruption sont longuement dépeintes et dénoncés. On en apprend davantage sur leurs coutumes, leurs costumes, leurs langues même si l'ensemble reste flou et qu'on a bien de la peine à imaginer ce monde fictif.
Un incroyable retournement de situation nous attend vers le denier tiers du roman. Malheureusement, nous n'en saurons pas davantage car le troisième tome - Revenant gun - de la trilogie des machineries de l'empire n'a pas encore été traduit en français... et la traduction de ce dernier tome ne semble pas être prévu de sitôt...
Le stratagème du corbeau, Yoon Ha Lee, Folio SF, Barcelone, Février 2021, 509 p.
LC coréenne avec Rachel ici
Le gambit du renard de Yoon Ha lee : ISSN 2607-0006
Le Gambit du renard de l'auteur coréen Yoon Ha-Lee est un livre complètement curieux, étrange, mystérieux, destabilisant... Soit l'auteur n'a cure de son lecteur, soit il le maintient dans un flou et un mystère intentionnel.
Tout d'abord, on est projeté dans une bataille dans laquelle le capitaine Kel Chéris doit défendre un générateur dans un milieu hostile. Mais au moment où accompagnée de sa compagnie, Chéris l'atteint, on lui demande d'abandonner sa mission car elle a utilisé une formation de combat "hérétique". Voici le troisième paragraphe de l'incipit: "D'après le rapport, les Anguilles possédaient un générateur directionnel des tempêtes. Les tempêtes brouillaient les radioguidages. L'effet était localisé, mais c'était problématique lorsque des colonnes parallèles se retrouvaient aux extrêmités d'une route, à une centaine de kilomètres de distance et carrément fatal lorsque les mouvements sur la surface planétaire vous envoyaient dans les tréfonds du sous-sol". Rassurez-vous, vous ne saurez jamais à quoi ressemble les Anguilles !
Qui sont les hérétiques ? Qu'appelle-t-on la Forteresse des Aiguilles diffuses ? Qu'est-ce que le pourrissement ? Le point de vue est celui de l'héroïne donc on n'en sait jamais davantage que le personnage,c'est-à-dire peu. Vous pensez certainement que les explications viennent après, dans la suite du roman ? Pas du tout ! A aucun moment, l'auteur prend la peine d'expliquer le monde futuriste de space opéra qu'il a construit. On comprend tout de même que le capitaine Kel fusionne avec un "traitre", gardé prisonnier, général vainqueur de toutes les batailles qu'il a menées et sorte de fantôme. Tous deux doivent arrêter le pourrissement de la Forteresse prise par des hérétiques.
Croyez-vous qu'on a envie d'abandonner le roman ? En fait pas du tout ! On est tellement intrigué par cette histoire absolument folle que l'on continue à chercher les réponses à nos questions. On comprend vaguement que les hérétiques défendent la démocratie (le mot n'est dit qu'un à seul moment, il faut réellement être attentif...)et que l'Hexcarcat a réprimé le monde des philosophes. Quant à Chéris, elle sert sous l'emblème du faucon, qui n'est pas sans rappeler l'aigle impérial ou d'autres symboles du même type...
Construit comme une gigantesque partie d'échec, le fameux "gambit" du titre, ce roman, qui n'est pas complaisant envers son lecteur, vous laissera soit échec et mat, soit vous mènera jusqu'à la fin de la première partie, étant donné que ce n'est que le premier opus d'une trilogie. Aura-t-on des réponses à la fin de la trilogie ?
Participation "un roman avec dans le titre un nom d'animal" #challengepapothé de @du_cote_de_chez_gael
L'appel de Cthulhu de Lovecraft : ISSN 2607-0006
👾 Déclinée en série télévisée comme Lovecraft country de Misha Green ou en manga avec Les chefs d'œuvre de Lovecraft illustrés par Gou Tanabe chez @ki_oon_editions, l'œuvre lovecraftienne ne cesse de fasciner.
👾 Parmi les textes cultes de ce Lovecraft universe, on trouve L'appel de Cthulhu. On reconnaît assez vite les éléments de la mythologie lovecraftienne comme des êtres venus avant les hommes sur terre, des êtres innommables et abominables et des faits indescriptibles et terrifiants...
👾 Lorsque son grand-oncle décède de manière suspecte, un jeune homme est attiré par un bas-relief aux inscriptions énigmatiques qui va l'amener à découvrir un culte horrifique. Une enquête avait été menée sur les "grands anciens" et le culte de ce monstre. La mort de L'oncle est-elle naturelle ? Qui est cette créature ?
On suit avec angoisse les aventures du pauvre neveu confronté à des horreurs indescriptibles, "indicibles" comme aime à le répéter Lovecraft, à la folie et au fameux Necronomicon...
👾 Cette très courte nouvelle est incontournable pour découvrir la cosmogonie fictive lovecraftienne et par sa forme d'enquête par un véritable commissaire rend la quête encore plus surnaturelle par contraste. Une nouvelle à découvrir en frissonnant, parfaite en cette période d'Halloween !
Participation Lovecraft et ses Dérivés, contes et nouvelles et USA au haunted reading bingo du @challengehalloween organisé par Lou et hilde.
Billet récapitulatif ici
Ken Liu, la ménagerie de papier : ISSN 2607-0006
19 nouvelles sont rassemblées dans La ménagerie de papier aussi dissemblables les unes que les autres. Quel foisonnement ! "La plaideuse" est une enquête policière. "Le peuple de Pélé" ou "Renaissance" racontent la rencontre avec d'autres peuples extraterrestres. "Trajectoire" médite sur la mort et "L'oracle" ou "Faits pour être ensemble" abordent les nouvelles technologies.
Pourtant, ces nouvelles se cristallisent autour de l'altérité et les différences de culture, de l'imagination au pouvoir, de la mémoire et de la langue. En introduisant des thèmes originaux, Ken Liu arrive à renouveler le genre de la SF. Certains sont plus classiques. Prenons, par exemple, "L'algorithmes de l'amour" : cette nouvelle s'interroge sur l'âme des androides. Une poupée semblable à l'homme peut-elle remplacer un enfant mort ? Quant à "Faits pour être ensemble", ce court récit fait penser à 1984 ou le film The circle : l'ultrasurveillance est-elle acceptable ? "L'oracle" dans la nouvelle éponyme permet de prédire les crimes futurs (comme les précop de P. K. Dick). Cependant, ces nouvelles ont toujours un aspect surprenant, une chute qui permet de ne pas avoir l'impression de relire de pâles copies du genre.
L'auteur, né en Chine, a émigré aux EU à 11 ans nous informe la succincte biographie dans l'ouvrage Folio : cet élément ne semble pas anodin. La rencontre avec d'autres cultures extraterrestres est au coeur de nombreuses nouvelles : cohabitation ou incompréhension, l'auteur imagine différents scénarii, sans tomber dans l'idéalisme, la diabolisation... C'est justement là où réside l'art de cet écrivain qui sait nuancer les caractères, les situations, ses univers. Prix Hugo, prix Nebula, prix Seiun, World fantasy award, Grand prix de l'imaginaire ont bien été mérités pour ce recueil.
Ken Liu, La ménagerie de papier, folio SF, 503 p.
Autrres romans de Ken Liu : L'homme qui mit fin à l'histoire, Le regard.
Partenariat Folio
Le regard/ L'homme qui mit fin à l'histoire de Ken Liu : ISSN 2607-0006
L'homme qui mit fin à l'histoire commence comme un livre de SF avec tout un jargon scientifique pour décrire la manière dont les voyages dans le temps ont été rendus possibles. Mais ce n'est pas un voyage dans le temps typique : les personnages ne veulent pas changer le passé, découvrir leur futur ( comme La machine à explorer le temps, de HG Wells) mais témoigner !
En effet, ce récit nous réserve une double surprise : tout d'abord la forme du récit est celle d'un documentaire aves les témoignages de personnes interrogées, et de séquences sur les deux chercheurs principaux, leurs lieux de travail... Ensuite, l'auteur pose un questionnement sur la mémoire et l'éthique : est-on responsable des actes de ses parents ? doit-on s'en souvenir ?
La dimension historique se prolonge par la découverte de ce passé, de l'unité 731 : en Chine, pendant la seconde Guerre Mondiale, des Japonais ont effectué des vivisections sur des Chinois. Le thème est très dur mais le roman vaut le détour.
Liu, L'homme qui mit fin à l'histoire, Le bélial, p. 106
Alors que sur nos écrans a déferlé Blade Runner 2049, qui comme le film de Ridley Scott aborde la question des replicants, Ken Liu a imaginé une détective Ruth Law dont la particularité est d'être augmentée : elle a un régulateur, l'empêchant de sombrer dans la dépression et des muscles renforcés... Elle doit enquêter dans une sombre affaire de meurtres de prostituées : ces dernières sont toutes énucléées.
Ce bref récit sobre semble influencé par les nouvelles de P. K. Dick (biographie sur le site Larousse) et montrent des points de ressemblance avec Les larmes sous la pluie de Rosa Montero. Les dérives des nouvelles technologiques ne sont pas une nouveauté mais Ken Liu arrive tout de même à nous attirer dans son univers pas si éloigné du nôtre. Est-ce la simplicité de son écriture ou l'humanisme irréductible de son enquêtrice qui nous séduit alors que le thème n'est pas original ? Ken Liu a réussi à écrire une courte enquête prenante où les technologies ont une grande place.
Liu, Le regard, Belial, p. 93
Vient de paraître La ménagerie de papier aux éditions folio - que je suis en train de lire - pour ceux qui voudrait découvrir ce talentueux auteur, né en Chine et qui a émigré aux Etats-Unis.
La littérature post-apocalyptique : ISSN 2607-0006
Dans un article du Monde diplomatique, Catherine Dufour s'interroge sur la SF : " Dépassée, la science-fiction ?". Elle distingue deux types, "la science-fiction romanesque" ( par exemple, La horde de contrevent, de Damasio) et "la science-fiction de proximité". Ce n'est pas de cette dernière dont je vais vous parler. C. Dufour la qualifie "d'habituation", c'est-à-dire qu'elle anticipe l'évolution technologique, comme dans 1984 d'Orwell pour ne citer qu'un paradigme.
Selon l'auteur, "la science-fiction romanesque" a de beaux jours devant elle et c'est d'elle dont je vais vous entretenir.
Le film Le mur invisible est adapté d'un roman allemand du même titre, écrit par l'Allemande Marlen Haushofer. Contrairement à beaucoup de ce roman de ce type, on ne saura pas les raisons pour lesquelles un mur indestructrible et invisible s'est formé au-dessus d'une petite maison isolée dans la montagne. Une femme y vit seule, enfermée. Un film ennuyeux ? Pas du tout ! tout d'abord, le film est assez court (1h30) pour éviter les longueurs. On nous raconte le quotidien de cette femme, forcée de s'habituer à ces nouvelles conditions : comment faire pour subsister lorsqu'on n'a plus accès à toutes les commodités d'une ville ? Comment survivre lorsqu'il ne reste pas une seule personne pour vous parler ?
Le suspense est maintenu : va-t-elle découvrir d'autres survivants ? Réussira-t-elle à trouver des ressources pour s'alimenter ? etc... On remarquera toutefois, le ryhtme assez lent du film : l'héroïne contemple souvent cette nature vidée d'hommes, qui finalement l'aide à vivre. Comme, le mystère autour du mur reste entier, on peut se demander alors s'il n'y a pas une valorisation du retour à la nature, d'une vie simple... En outre, ce film évite le cliché des survivals horrifiques avec zombies, hordes d'humains se battant entre eux pour survivre... L'actrice porte le film sur ses épaules, avant l'arrivée de toutes les héroïnes de post-apocalyptique comme Katniss ou Triss... Un film étrange dont le mystère reste entier...
Le mur invisible, de Julian Polstler, 108 min avec Martina Gedeck
Le paradoxe de Fermi est certainement le roman post-apocalyptique le plus réaliste qu'il soit. Ce que nous lisons est le journal intime d'un homme esseulé, survivant dans la montagne. Le narrateur décrit une catastrophe monétaire, qui progressivement amène le chaos. Il décrit alors comment s'organise la vie des survivants. Certains pensent encore pouvoir maintenir des savoirs pour pouvoir reconstruire le monde alors que d'autres s'acharnent à tout piller et détruire.
"La bête humaine survivra-telle ? Je ne sais pas. Sans la civilisation, nous sommes moins que des animaux"( p. 197) : dépassant le genre du survival, le roman se double de réflexions physiques et métaphysiques. L'auteur y a ajouté la question de l'évolution de l'espèce et il semble s'appuyer sur les analyses d'un darwiniste pour expliquer sa théorie (Darwin et les grandes énigmes de la vie, S. Jay Gould). Qu'est-ce le Paradoxe de Fermi ? Le temps humain serait très court au regard de l'univers : c'est pourquoi l'homme n'a pas trouvé trace d'autres vivants sur les planètes. Sommes-nous seuls dans l'univers ? L'homme est-il responsable de sa propre destruction ? Boutine donne sa réponse au paradoxe à la dernière page, avant, il faudra lire tout ce roman de SF très prenant...
Boutine, Le paradoxe de Fermi, Folio SF, 211 p.
Paru en 1954, ce roman s'inscrit dans la longue mode des récits de vampires : un virus a peu à peu décimé la race humaine, les transformant en êtres assoiffés de sang. Seul Neville, un homme mordu par une chauve-souris, réussi à survivre. Ce roman est des plus pessimistes : les causes de la pandémie semble être d'origine humaine, et c'est la faiblesse du personnage principal qui le ménera à sa perte. Point de héros pour reconstruire la civilisation après la mort de quasiment tous les humains.
En effet, nous avons affaire à un héros faible, buvant pour oublier les horreurs qu'il voit quotidiennement. Par rapport aux romans antérieurs portant sur le même sujet, Matheson a introduit une dimension plus scientifique, puisque Neville cherche des solutions en analysant le virus qui transforme les êtres en vampire. Quelques clichés demeurent comme l'utilisation de l'ail. L'auteur a-t-il cherché à renouveler le mythe des vampires ? Donne-t-il sa vision de l'humanité ? J'ai trouvé le livre vide et le personnage sans intérêt ( excepté, pour montrer les bas instincts de l'homme...)
Matheson, Je suis une légende, Folio SF, 228 p.
Le poids du coeur de Rosa Montero : ISSN 2607-0006
A la page 152, le personnage principal, la répliquante Bruna Husky, des Larmes sous la pluie fait elle-même un bilan de la situation : " Tout un coup le monde entier semblait être devenu radioactif. D'où l'intérêt de cette ancienne mine d'uranium. Un diamant volé, une fausse veuve, une épouse morte, un accident simulé, deux cadavres réels, un bras amputé, un rapport d'incident sanitaire escamoté et de la radioactivité partout" (p. 91). Ainsi Bruna enquête sur un cimetière nucléaire tout en faisant face à de nombreux problèmes, notamment ses problèmes existentiels. Alors que les heures de la répliquante sont comptées ( il ne lui reste que 3 ans à vivre), elle se bat pour plus de justice.
Ce nouvel opus lorgne vers le space-opéra puisque la répliquante doit poursuivre son enquête sur Labari, planète artificielle : là on découvre une société médiévale en quelque sorte, qui en imite l'esthétique mais qui permet à l'auteur de dénoncer un système de castes, notamment la place accordée aux femmes. Non seulement ce roman de SF aborde de multiples sujets passionnants (écologique, téchnologique, politique) mais en plus, il ne manque pas d'humour avec quelques personnages secondaires bien campés. Il faut aussi savoir que les remarques scientifiques sur la radioactivité, présents dans ce roman, reposent sur des faits réels et dans les remerciements, Montero nous conseille Into Eternity, un documentaire de Michael Madsen. On attend la suite des aventures passionnantes de l'androïde !
Dans ce documentaire, le réalisateur s'interroge sur le stockage des déchets racioactifs. Qu'en faire ? En Finlande, se construit un tunnel qui permettraient de les stoquer pendant 100 000 ans. En attendant, dans quelles conditions sont-ils gardés ? Comment protéger les générations futures de ce lieu ? En s'appuyant sur des images tournées à Onkalo même (où une partie du livre se déroule), sur des interviews de scientifiques, Madsen livre un intéressant documentaire, bien qu'un peu lent et répétitif. On peut regretter, marketing oblige j'imagine, la mention sur la jacquette de "meilleur film de SF depuis 10 ans" ! Into eternity n'est ni une fiction, ni de la science-fiction.
Madsen, Into Eternity, 1h15, 2011
Rosa Montero, le poids du coeur, Métaillié, 357 p.
Du même auteur : Les larmes sous la pluie.
Sept secondes pour devenir un aigle de Thomas Day : ISSN 2607-0006
Sept secondes pour devenir un aigle est un recueil de SF plutôt surprenant étant donné que toutes les nouvelles ne me paraissent pas appartenir à ce genre. En effet, le premier court récit parle de la découverte de Mariposa par Magellan et fait cohabiter une intrigue politique et écologique, à la limite du fantastique. En outre, le récit repose sur différentes époques ( relation du récit de voyage de Magellan, la Deuxième guerre mondiale et les années 1950) et différents styles de langage, qui déçarsonnent le lecteur, sont assez éloignés de l'écriture de la littérature d'anticipation.
Ce sont des caractéristiques que l'on retrouve dans d'autres nouvelles. "Ethologie du tigre" (Un homme a cessé de se battre pour les derniers tigres du Cambogde) et "Sept secondes pour devenir un aigle" affirment nettement leur message écologique : dans un road-movie initiatique l'amenant jusqu'en Californie, un jeune indien, sorti par son père de sa réserve, apprend à ouvrir les yeux sur les dévastations industrielles ( "Garée sur le bas-côté de la route, l'Impala se trouvait au centre d'un paysage de désolation : une terre noire à perte de vue, hérissée de pompes à pétrole - celles, très cinématographiques, dont la partie sommitale, tournoyante, évoque les mécanismes de roues des vieux trains à vapeur. Une terre gorgée de pétrole, d'huile, de cambouis, de poussière métallique. Une lande morte, stérile, juste coupée en deux par la route à quatre voies").
En revanche, deux nouvelles s'inscrivent bien dans la littérature d'anticipation : "Tjukurpa" montre le choix d'un groupe de jeunes arborigènes choisissant de retrouver la nature primordiale, grâce à des rêves virtuelles et la dernière nouvelle "Lumière noire" nous laisse découvrir un monde dominé par une intelligence artificielle. Il est intéressant, parmi tous ce matériau composite et déroutant de voir des pistes de réflexion diversifiées, des choix d'action très différents d'un personnage à l'autre face un futur menacé. On n'a pas une vision aussi radicale et pessimiste que dans Soleil vert. on peut juste regretter l'irruption de moments violents et de mots crus qui détonnent par rapport à la narration globale.
Day, Sept secondes pour devenir un aigle, folio SF, 374 p.
Le cycle des robots et et 2 d'Asimov : ISSN 2607-0006
" Que des machines perfectionnées puissent nous succéder un jour, c'est, je m'en souviens une idée très commune sur la Terre. Elle est courante non seulement parmi les poètes et les romanciers, mais dans toutes les classes de la société. C'est peut être parce qu'elle est ainsi répandue, née spontanément dans l'imagination populaire qu'elle irrite les esprits supérieurs. Peut-être est-ce aussi pour cette raison qu'elle renferme une part de vérité. Une part seulement : les machines seront toujours des machines", disait Ulysse Mérou, dans La planète des singes ( P. Boulle). Effectivement, c'est une topique de la littérature d'anticipation de faire des robots les successeurs des hommes. On pense notamment à Phillipe K Dick, Rosa Montero.
Dans Les robots, premier tome du cycle, Asimov fonde un classique du genre avec ses trois lois robotiques ( "Première loi ; Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger."). A travers diverses anecdotes, on suit l'évolution des machines vers leur perfectionnement. Entre chaque histoire, intervient Suzan Calvin qui raconte cette évolution à un journaliste. c'est une "robopsychologue", plus rigide que les robots eux-mêmes, chargée de vérifier la dangerosité des machines ou de comprendre leur dysfonctionnement. C'est un personnage qui revient dans Défilé de robots, où de nouvelles histoires d'androïdes sont mises en scène. Les robots peuvent-ils mentir lors d'un procès ? Seront-ils acceptés un jour sur terre ? D'autres personnages réucurrents font leur apparition comme Gregory Powell et Mike Donovan. Ces histoires, parfois amusantes, mettent souvent la lumière sur les faiblesses des hommes. Même si les androïdes d'Asimov ne sont pas près de rejoindre la réalité, l'auteur arrive avec art à leur insuffler vie, à construire un univers cohérent et je continuerai avec plaisir ce cycle commencé ( 6 tomes au total).
Dans la série Emma, diffusé sur TF1, l'androïde cite les trois lois de la robotique. Cette série policière, bien que terriblement vieillote, avec une intrigue faible, amène le thème de la cohabitation des hommes et des machines avec humour. Au contraire, Almost human, qui associe aussi un duo d'homme et d'androïde, présente une esthétique hautement futuriste et un décor crédible. Dommage, cette série policière interroge les bienfaits ou les méfaits de la technologie mais reste tout de même très classique dans ses intrigues.
Asimov, Le cycle des robots, Les robots 1, J'ai lu, 285 p.
Asimov, Le cycle des robots, Un défilé de robots 2, J'ai lu, 247 p.
Retour au pays de Robin Hobb : ISSN 2607-0006
Le mythe de l'Atlantide relate la destruction d'une cité technologiquement avancée : il transparaît dans de nombreux films, comme Le chateau dans le ciel de Miyazaki, ou des récits comme Retour au pays de Robin Hobb. Si vous n'avez pas lu ses cycles cultes de fantasy comme L'assassin royal et Les aventuriers de la mer, ne renoncez pas à lire Retour au pays qui en est le prélude.
Une femme noble, artiste, est obligée de suivre en exil son mari avec d'autres conspirateurs. Le voyage s'avère mouvementé étant donné que Dame Carillon de Rochecarre est enceinte et malheureuse, loin de la cour du gouverneur Esclépius. Arrivés sur les Rivages maudits, les infortunés voyageurs découvrent que l'eau du fleuve est corrosive, qu'elle provoque la folie et que des marécages s'étendent à perte de vue. Ce fleuve des Déserts de pluie est-il le lieu mythique des anciens rois et reines ? Les colons vont-ils survivre dans ce lieu hostile ?
" Comme si l'art vous soustrayait à la vie alors qu'il vous y plonge, la tête la première !"
Adoptant la forme originale, pour un récit de fantasy, d'un journal intime, ces pages révèlent peu à peu le caractère d'une héroïne insupportable, offusquée du manque de considération qu'on lui accorde. Mais ne lâchez pas le roman. Non seulement ce personnage féminin évoluera mais les lieux imaginaires découverts sont terriblement fascinants. Ressemblant à une forêt primaire inhospitalière, le paysage est décrit avec une plume poétique, dans un langage soutenu s'accordant avec la noblesse de la diariste : " La végétation nous est inconnue et la faune que nous avons aperçue vit dans les plus hautes branches. Pourtant, cette luxuriance inextricable recèle pour qui sait la voir une réelle beauté. Le soleil qui filtre à travers le dais des branches baigne d'une lumière tamisée, mouchetée, les draperies duveteuses des mousses qui pendent des lianes".
Revisitant le mythe de l'Atlantide mais aussi de l'Eldorado, à travers une belle écriture, nous entrons dans un monde marqué par une struture féodale et par le merveilleux. Suivez les pas de Dame Carillon pour découvrir un pays magique, étrange, bizarre menant à une réflexion sur l'art et la nature et découvrez grâce à ce roman très court, l'imaginaire envoûvant de Robin Hobb qui donne envie de découvrir ses cycles.
Robin Hobb, Retour au pays, J'ai lu, 121 p.