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1001 classiques
9 novembre 2013

Au lieu-dit de Noir-Etang... de Thomas H. Cook : ISSN 2607-0006

 

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 "La vie ne vaut d'être vécue qu'au bord de la folie" :  Fils du directeur de la Chatham school, Henry est un enfant solitaire, tourmenté, qui découvre avec l'arrivée de son professeur de dessin, Miss Channing - d'une Afrique qui paraît qui lointaine de la Nouvelle Angleterre - une nouvelle vision de la vie : " Nulle règle pour régler la vie". Son père, Arthur Griswald lui apparaît comme le modèle de l'ennui et d'un conformisme morne qu'il rejette au profit de visions de liberté.

Au fil d'une histoire proleptique - on connaît le dénouement tragique - se développe l'imaginaire de cet adolescent lié à deux destins dignes des héros de Bronte. Miss Channing et son amant, un professeur marié, incarnent pour cet adolescent révolté de véritables héros de romans gothiques, la passion absolue. Mais l'imagination exaltée du héros lui permet-elle de percevoir les événements de manière objective ?

Souvenirs après souvenirs, Henry reconstitue la sombre histoire de meurtres autour du lieu-dit du Noir-Etang.  Que s'est-il passé véritablement entre les deux amants ? Le procès de Miss Channing a-t-il été équitable ? Henry est-il un témoin fiable ? Dans l'atmosphère brumeuse de ce cap battu par les vents, un vent de folie semble s'abattre sur tous les personnages : Mr Pearson, le procureur, s'acharne sur la femme adultère, Henry construit des châteaux en Espagne, une petite ville est aveuglée par le puritanisme...

Plusieurs destins se nouent et se dénouent autour des trois protagonistes principaux : une jeune domestique rêve d'être cultivée, le désir d'ordre et de vertu d'Arthur Griswald s'effondre, une petite fille devient orpheline... Lecteurs, retenez votre souffle, pour suivre ce récit haletant, passionné, passionnant, pour enfin découvrir la vérité sur le drame du mystérieux Noir-étang.

billet de Titine et celui de Margotte !

Cook, Au lieu-dit de Noir-Etang, Editions Points, 378 p.

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25 décembre 2011

Cartes sur table d'Agatha Christie : ISSN 2607-0006

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Il n'y a que dans l'imaginaire britannique et plus particulièrement dans celui d'Agatha Christie que pouvait naître un personnage tel que Shaitana et une intrigue étrange, reposant entièrement sur la psychologie des personnages, comme celle de Cartes sur Table. En effet, cet excentrique sadique et diabolique décide de rassembler des meurtriers potentiels  - un médecin, une jeune femme voleuse Miss Dawes et sa mère Mrs Loreemer, sorte de veuve noire, et l'aventurier écrivain le major Despars - qui surtout auraient échappé à la justice : Shaitana sous-entend qu'un accident est tellement vite arrivé ! Poirot ainsi que trois autres spécialistes du crimes sont présents à cette soirée où un terrible drame va se dérouler : Shaitana mourra mais quelle est la main qui l'a frappé ? Le médecin Roberts qui aurait tué une maîtresse encombrante ? Miss Dawes dont la patronne est morte après avoir avalé un poison malencontreusement ?...

Voici un opus tout à fait surprenant où le meurtre est quasi provoqué pour tester les chères cellules grises du célèbre et vaniteux Hercule Poirot. Mais un autre personnage fait contrepoint à la rigueur et la logique de  Poirot : Mrs Olivers, personnage récurent des romans d'Agatha Christie, aussi amusante que farfelue : voici ce qu'elle imagine pour résoudre l'énigme : " Une idée ? J'ai des tas d'idées. c'est justement mon problème. Je n'ai jamais été capable d'imaginer un scénario à la fois. Il m'en vient toujours quatre ou cinq, et c'est un drame à avoir à choisir entre eux. J'ai six explications merveilleuses du meurtre. L'ennui, c'est que je n'ai aucun moyen de savoir laquelle est la bonne. Primo, Mr Shaitana était peut-être un usurier. il avait un côté très onctueux. il tenait Roberts dans ses griffes et celui-ci l'a tué parce qu'il ne pouvait pas le rembourser. Ou alors, shaitana avait ruiné sa soeur ou sa fille. Ou encore Roberts était bigame, et Shaitana le savait. Il n'est également pas exclu que Roberts ait épousé la petite cousine de Shaitana et que, grâce à elle, elle devait hériter de toute sa fortune. Ou bien...". Son imagination fertile n'est pas sans rappeler celle de sa créatrice. Il est assez évident qu'il y a une mise en abîme de l'écriture des romans policiers parallèlement à l'enquête menée.

A travers cette intrigue alambiquée, elle n'oublie jamais de mentionner au passage le racisme ambiant, les préjugés sociaux et la misogynie des hommes de son époque.  Mais la solution est souvent contraire au apparence... Dans une courte préface l'auteur pose la question suivante : "Pour ajouter un dernier argument en faveur de cette histoire, je préciserai qu'elle fait partie des affaires préférées d'Hercule Poirot. Et pourtant lorsqu'il l'a racontée à son ami le capitaine Hastings, celui-ci l'a trouvée extrêmement ennuyeuse. Je me demande bien avec lequel des deux mes lecteurs tomberont d'accord ?" Je fais partie des lecteurs qui, comme Poirot, ont trouvé cette intrigue tout à fait intéressante et atypique et l'adaptation par la série Granada est toujours aussi parfaitement soignée. On passe un moment très plaisant en compagnie de notre célèbre détective aussi bien en être de papier qu'incarné par David Suchet.

 Cartes sur tables, Sarah Harding, série TV granada, avec David Suchet 2005

Christie, Cartes sur table, Livre de poche, p. 221.

LC pour le challenge le mois anglais organisé par Lou, chryssilda et Titine.

6 novembre 2011

Le crime d'Halloween d'Agatha Christie : ISSN 2607-0006

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Le titre, la quatrième de couverture et les premières pages de ce roman induisent les lecteurs en erreur : "Halloween", "Les sorcières s'envolent sur leur manche à balais"...  Mais Halloween n'est qu'un simple décor inaugural avant de tomber complètement aux oubliettes pour aborder un cadre plus idyllique, celui d'un jardin d'une grande beauté qu'on dit maudit. Le soir du 31 Octobre, où surgissent sorcières et appartitions, donc, un abominable meurtre d'une enfant de douze ans, prétendant avoir vu un crime, est commis en présence de l'écrivain Mrs Adriadne Oliver. Mais cette fillette Joyce, dont on a maintenu la tête dans une bassine, est une fieffée menteuse : qui la croit ? Certainement une des quinze personnes présentes à ce moment-là, sinon comment expliquer ce meurtre ? Voilà l'interrogation, le crime et l'énigme que soumet l'écrivain Mrs Olivers à Hercule Poirot, appelé à la rescousse.

Si l'intrigue est habile, Le crime Halloween ne fait pas partie des enquêtes originales comme celle du Crime de l'Orient Express ou des dix petits nègres. Le seul charme de cette histoire est le portrait d'Adriane, présentée comme une romancière à l'imagination incorrigiblement débordante - grande mangeuse de pommes - et quelques pistes fantaisistes. Un des jeunes présents à la fête propose une solution improbable mais amusante : " Et le vicaire ? demanda Desmond, plein d'espoir. Il est peut-être un peu siphonné. Tu vois ça d'ici, le péché originel et le reste, l'eau, les pommes et puis... [...] Il n'y a pas longtemps qu'il est dans le secteur. Personne ne sait rien de lui. Suppose que le Snapdragon lui soit monté à la tête. Le feu de l'enfer ! Toutes ces flammes qui montent ! Alors, il prend Joyce par la main et lui dit : " viens avec moi, je vais te montrer quelque chose", il l'emmène dans la pièce aux pommes et il lui ordonne : "agenouille-toi". Et il se met à bramer : " avec cette eau, je te baptise", et il lui plonge dans la tête dans la flotte. tu vois, tout colle. Adam et Eve, la pomme, le feu de l'enfer, le Snapdragon, et un nouveau baptême pour se laver du péché." Pauvre vicaire, il n'est mentionné qu'une fois !

Cette manière romanesque de percevoir le meurtre, cette propension à l'imagination se doublent de nombreuses références littéraires et antiques assez réjouissantes, avec le retour de proverbes - comme la comptine des petits nègres - qui mettront Hercule Poirot sur le chemin d'un criminel peu banal. Un livre vite lu, avec des étranges réflexions réactionnaires sur la société et les meurtriers, et pas un inoubliable d'Agatha Christie ( biographie sur le site Larousse)...

 Christie, Le crime Halloween, Livre de poche, p. 254.

Lu aussi par Niki en BD par allie... et vu par à l'heureduthé...

Autres romans : Poirot joue le jeu, La mystérieuse affaire de style, L'homme au complet marron,

Participation au challenge Halloween de Lou et Hilde.

Participation au mois anglais de Chryssilda, Lou et Titine.

26 juin 2011

Rebus et le loup garou de Londres de Ian Rankin : ISSN 2607-0006

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 Voici notre célèbre enquêteur écossais appelé à travailler à... Londres : un tueur en série sévit, assassinant sauvagement des femmes en laissant une morsure sur leur ventre. Cependant le modus operandi ne présente aucun point commun : différents lieux, différentes professions, les victimes ne semblent pas avoir de lien. Mais les difficultés ne font que commencer pour Rebus car ses collègues ne semblent pas apprécier un étranger ( = écossais) dans l'équipe et la communication n'est pas l'apanage de Rebus. Outre ses déboires professionnels, à Londres, vivent aussi son ex-femme et sa fille qui a pour ami un jeune homme qui déplaît à Rebus...

 Si vous avez aimé L'étrangleur d'Edimbourg, vous serez assez surpris par ce troisième opus. Rebus est un personnage très différent et a beaucoup évolué en un quidam assez insignifiant. Il tombe amoureux au premier regard, il est bien évidemment en froid avec son ex-femme, et correspond plus à un cliché qu'à un personnage avec sa propre psychologie. Voilà le hic : cette enquête est très proche des séries télévisées, ce dont l'auteur est conscient et y fait quelques allusions. "Rebus lui-même se faisait l'effet d'un spectateur et pensait à tous ces films et séries policières qu'il avait pu regarder, où la police débarque en masse dès la première minute (détruisant au passage les indices matériels) et résout l'affaire à la cinquante-neuvième ou quatre-vingt-neuvième minute. ridicule à vrai dire. Le travail d'enquêteur n'était que ça : du travail. Acharné, répétitif, besogneux, frustrant, et surtout de longue haleine".

Heureusement, l'humour pince-sans-rire de Rebus et un regard moqueur sur la psychologie, l'atmosphère londonienne - où traine un ou deux excentriques dont un dentiste exalté et une scène spectaculaire dans la National Gallery - et une intrigue infaillible - impossible de deviner qui est le tueur avant les dix dernières pages - permettent de compenser un style qui regorge de comparaisons incongrues et de clichés même si c'est pour mieux s'en moquer...

 Rankin, Rebus et le loup Garou de Londres, Livre de poche, p. 349.

Lecture dans le cadre du mois kiltissime organisée par Lou et Cryssilda.

1 mars 2011

Oeil du serpent d'Oates : ISSN 2607-0006

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 Même en s'éloignant de récits de faits divers comme En eaux troubles ou des descriptions des milieux sociaux comme dans Délicieuses pourritures, on retrouve une atmosphère malsaine, que maîtrise parfaitement J. C. Oates, qui explore les pans inavouables de la psyché des hommes, dans son thriller psychologique Oeil de serpent. "Lee Roy Sears est-il, oui ou non, un meurtrier ?", demanda Geena O'Meara, femme de l'avocat Michael qui doit défendre ce dernier surnommé "Oeil de serpent". Ancien combattant du Vietnam, cet homme indigent et de surcroit aux origines indiennes pourra-il s'en sortir ? Michael, homme intègre et militant contre la peine de mort, réussit à faire commuer la peine de mort de Lee Roy en condamnation à vie. Sept ans plus tard, grâce à sa bonne conduite et à son travail d'art-thérapie, Lee Roy est libéré et va travailler dans le Connecticut, là où habite la famille O'Meara. Là Michael vit paisiblement avec sa femme et ses jumeaux. Mais le rêve américain qu'ils incarnent va être troublée par Lee Roy.

Dans ce roman policier, comme dans tous ses romans, J. C. Oates regarde l'envers du rêve américain. Michael représente justement l'américain type qui a réussi sa "vie très américaine et sans histoire" (p. 22), malgré un sentiment de culpabilité qui le ronge. L'auteur décrit longuement ce modèle familial, peut-être un peu trop longuement, mais n'est-ce pas pour mettre en valeur la descente vertigineuse et soudaine vers une réalité cauchemardesque ?

Michael, travaillant comme avocat pour la firme Pearce, une industrie pharmaceutique, est confronté à de nombreux cas juridiques liés à des maladies psychologiques et aux réactions aux médicaments : Les problèmes psychologiques, l'inconscient ainsi que la place des fantasmes dans chaque individu permettent à l'auteur de développer tous les aspects sombres et obsessionnels de l'homme. D'ailleurs le lecteur ayant accès aux pensées de Lee Roy pressent et redoute de terribles événements. Ce roman policier atypique, sans enquête traditionnelle mais montrant plutôt la naissance d'un monstre, est efficace et est agréable à lire, même si  des longueurs et une deuxième intrigue sur la gémellité semble interférer inutilement avec l'intrigue principale.

Oates, Oeil du serpent, Archi poche, 369 p.

Merci à BOB et à Archi poche pour ce partenariat.

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28 février 2011

Premières enquêtes de Simenon : ISSN 2607-0006

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Les aventures de Maigret sont nombreuses : dans cette dernière parution du livre de poche, Premières enquêtes, sont rassemblés deux romans particuliers, l'un parce qu'il raconte la première enquête de Maigret alors qu'il n'a que 26 ans (publié en 1949) tandis que l'autre est le premier roman publié sous le nom véritable de Simenon, en 1931 .
Pietr le letton : Un escroc d'envergure internationale, Pietr le Letton, est attendu à Paris. Dans ce train, un homme est tué qui ressemble à s'y méprendre à Pietr le Letton. pourtant Maigret voit ce dernier sortir du train et rejoindre un homme d'affaire américain. Qui est l'homme mort dans le train ? Maigret va suivre Pietr le Letton découvrant des aspects surprenants de sa personnalité, se comportant tantôt comme un dandy, tantôt comme un mendiant... Mais qui est-il réellement ?
La première enquête de Maigret. Secrétaire du commissaire Bret, appartenant au beau monde, Maigret mène sa première enquête aidé par un musicien, témoin d'un meurtre. De quel meurtre d'agit-il ? Le musicien aurait entendu des coups de feu dans un riche hôtel privé parisien. Mais dans le milieu mondain, on n'aime pas les scandales et la condition sociale de Maigret l'empêche d'enquêter ouvertement sur la riche famille Balthazar. Une enquête difficile commence...

Reconnaissable par ses éléments traditionnels, comme l'ambiance pluvieuse, la description de la routine et du quotidien, Simenon se démarque du Whodunit traditionnel en laissant de côté les indices et en étudiant " l'homme souterrain, celui qui se dissimule sous la façade sociale"*. Ces deux romans sont plus surchargés et plus rocambolesques que les autres enquêtes simenoniennes : surcharge de meurtres, beaucoup de personnages et de lieux. On constate que Simenon va vers une simplification des enquêtes et vers une épuration de son style.

Mais quel est l'intérêt de découvrir ces nouvelles enquêtes de Maigret ? Dans ces deux romans, toute l'originalité du commissaire Maigret apparaît : dès l'enquête sur Pietr Le letton, il ne cherche pas à faire la justice ou à débusquer le mal mais on perçoit ce futur Maigret qui s'interroge sur les hommes : la fin de l'enquête est aussi atypique que dans L'Affaire Saint-Fiacre. Dans La première enquête de Maigret, on découvre ce personnage  faisant ses preuves, dans un cadre où la dimension sociale est très présente. Deux enquêtes pleines de rebondissements permettant de découvrir les débuts du plus célèbre commissaire du Quai des Orfèvres.

Simenon, Premières enquêtes, Livre de Poche, 381 p.

* J. Dubois, Les romanciers du réel, De Balzac à Simenon, Points essai, pp. 314-330.

Merci à Livre de poche pour ce partenariat.

Challenge Maigret organisé par peuple du soleil

14 janvier 2011

Maigret chez le coroner / Maigret à New York de Simenon : ISSN 2607-0006

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Ces deux romans de Simenon, mettant en scène les enquêtes de Maigret se révèlent originaux de part leur cadre : Maigret chez le coroner et Maigret à New-York se déroule en Amérique, continent où a vécu quelques années l'auteur.

Maigret chez le coroner raconte l'histoire d'un procès se passant dans la chaleur de l'Arizona : Bessy, une jeune femme est retrouvée morte, écrasée par un train. Elle avait passé la soirée avec son amant, un sergent de l'Air force, ainsi que quatre autres sergents de l'aviation. Est-ce son amant qui l'a tuée par jalousie ? Il y a cinq  accusés, mais qui est coupable ? Aucun des témoignages ne concordent, chacun ayant bu. Quel est le mobile ? Le procès s'ouvre au début du roman et Maigret y assiste en observateur, curieux de ce fait divers.

Dans Maigret à New-York, on retrouve une atmosphère pluvieuse accompagnant une sombre histoire de meurtre, proche de celle des gangsters. Le mystère s'installe rapidement : Maigret savoure sa retraite, lorsqu'un jeune homme fait irruption pour lui demander de l'aide. Jean Moran, trouve la teneur des lettres de son père vivant en Amérique inquiétante, où il parle de manière à peine voilée de sa disparition prochaine. Quel danger craint-il ? Angoissé, Jean fait appel à Maigret pour enquêter sur place. Dès le débarquement des voyageurs, Jean disparaît. Commence pour Maigret une série de situations cocasses qui va l'amener à enquêter dans le passé de Joachim Maura, père de Jean, et son chemin va être jonché de cadavres.

Dans sa production prolifique, Simenon arrive toujours à diversifier les enquêtes et à les rendre originales : Maigret en Arizona, n'est pas un enquêteur mais un spectateur du procès, avec toujours cette même indifférence face au coupable : " Maigret ne revit jamais Cole, ni Rooke, ni les cinq hommes de l'Air Force.  Il ne connut jamais le verdict". Est-ce que sans juger, Simenon cherche juste à montrer les versants sombres de l'humanité ? Quant à son enquête à New-York, il la mène comme un détective privé puisqu'il ne fait plus partie de la police.

L'écriture très sèche de Simenon, sans lyrisme, sans romanesque n'empêche pas l'auteur, en quelques mots de poser une atmosphère et de camper ses personnages. Bien qu'il y ait peu de descriptions, Maigret à New-York réussit à susciter une image interlope et assez stéréotypée de New-York entre l'élégance et le luxe de la cinquième avenue et la pauvreté du Bronx, le cosmopolitisme de cette ville avec le quartier italien... De même, lorsqu'il évoque l'Arizona, une image folklorique se dessine de l'Amérique, notamment dans une lettre envoyée à Madame Maigret : "Ma chère Madame Maigret, Je fais un excellent voyage, et mes confrères d'ici sont très gentils avec moi. Je crois que les Américains sont gentils avec tout le monde; quand à te décrire le pays, c'est assez difficile, mais figure-toi qu'il y a dix jours que je n'ai pas porté un veston et que j'ai une ceinture de cow-boy autour du ventre. Encore heureux que je ne sois pas laissé faire, car j'aurais des bottes aux aux pieds et un chapeau à large bord comme dans les films du Far-West". Certes, l'Amérique est vue à travers des clichés mais les enquêtes et les analyses sur la nature humaine restent passionnantes.

 Simenon, Maigret chez le coroner, Livre de poche, 189 p.

Simenon, Maigret à New-York, Presse de la cité.

Lu dans le cadre du challenge Simenon, organisé par peuple du soleil.

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Actuellement et jusqu'au 31 janvier, vous pouvez participer au concours " Maigret vous l'avez forcément rencontré quelque part", organisé par le livre de poche.

 

8 janvier 2011

L'affaire Saint-Fiacre et Maigret aux assises de Simenon : ISSN 2607-0006

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Lorsqu'on vous parle de Simenon , tout de suite une image stéréotypée est suscitée, celle d'un milieu populaire, comme le montre Adrien Goetz dans l'incipit de son roman policier Intrigue à l'anglaise : «  "un premier poste, c'est toujours un peu du Simenon". Wandrille, ce play-boy creux et insignifiant, n'avait rien trouvé d'autre à dire. Du Simenon : il veut dire cafés du coin jaunes et enfumés, toiles cirée rouge avec des fleurs, pipe dans le cendrier, habitués au comptoir ». Certes, on trouve bien ces décors du Paris populaire dans ses romans policiers mais aussi une manière particulière de questionner l'humanité. Dans L'affaire Saint-Fiacre comme dans Maigret aux assises, sous des apparences prosaïques, Simenon sonde l'âme humaine.

« Sous le signe de Walter Scott » (chapitre 9, L'affaire Saint-Fiacre)

L'affaire saint-Fiacre commence dans un Paris, pluvieux et glauque, où Maigret reçoit un étrange message : «  Je vous annonce qu'un crime sera commis à l'Eglise de Saint-Fiacre pendant la première messe du jour des Morts ». Maigret se rend donc à Saint-Fiacre, château de son enfance, où son père exerçait le métier de régisseur. La mort de la comtesse de Saint-Fiacre est-elle accidentelle ? Qui pouvait souhaiter sa mort ? Est-ce son fils qui avait besoin d'argent ? Est-ce son régisseur qui avait intérêt à la voir disparaître ? Plongé dans ses souvenirs d'enfance, le commissaire enquête sur un meurtre peu commun où le coupable ne peut pas être dénoncé à la police...

Maigret aux assises : Sous la même lumière froide et pluvieuse, Maigret quelques années plus tard, va assister au procès de Gaston Meurant. L'enquête est menée depuis un tribunal dont on nous décrit les rouages. Gaston Meurant a-t-il commis un double meurtre, celui de sa tante et d'une fillette de 4 ans pour de l'argent ?

Cette série met tout d'abord en valeur une atmosphère pesante, grâce à une écriture sans fioriture, proche du procès-verbal. L'écriture simple, la place des objets quotidiens, le style prosaïque, qui s'attache à décrire les moindres détails, ne sont pas anodins mais ils dénoncent la lourdeur du système judiciaire dans Maigret aux assises ou l'évolution de la société et les mesquineries des gens dans L'affaire Saint-Fiacre. L'écriture sèche arrive merveilleusement à rendre une atmosphère de grisaille.

Comprendre l'âme humaine :

Maigret aux assises et L'affaire Saint-Fiacre sont des romans criminels d'un genre particulier : arrêter le coupable importe peu au commissaire ; il cherche davantage à comprendre ces meurtres sordides.  D'ailleurs, le sort du meurtrier  n'est pas évoqué à la fin du roman, Maigret cherche davantage à questionner l'humanité. Ainsi, mêlée à l'enquête, la vie personnelle de Maigret et ses réflexions permettent d'interroger le monde dans lequel il vivait. Un auteur à relire pour ses enquêtes policières particulières.

Simenon, L'affaire Saint-Fiacre, Livre de poche, 187 p.

Simenon, Maigret aux assises, Livre de poche, p. 191

Lu dans le cadre du challenge Maigret de Peuple du soleil.

ban_partenaire_maigret2Le livre de poche a organisé un jeu concours Maigret : vous pouvez participer en suivant ce lien : "Maigret vous l'avez forcément rencontré quelque part".

 

8 décembre 2010

L'homme au complet marron d'Agatha Christie : ISSN 2607-0006

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Les whodunits d'Agatha Christie (biographie sur le site Larousse) semblent tous se ressembler. Et pourtant, ses intrigues traditionnelles présentent toujours des inventions narratives : dans L'homme au complet marron, comme dans Le meurtre de Roger Accroyd, la célèbre "duchesse du crime", nous emmène de surprises en révélations. Mais quelle est l'originalité de ce roman policier d'énigme ?

A côté d'un père paléontologue, Anne Beddinfield meurt d'ennui, en Afrique du Sud, alors que son seul rêve est de "voir le monde et de courir l'aventure". A la mort de son père, qui la laisse orpheline et sans le sou, Anne est emmenée à Londres par le notaire de son père, Mr Flemming. Peu de temps après son arrivée, Anne assiste à un meurtre : un homme tombe sous les rails d'un métro après avoir vu quelque chose qui l'a effrayé. Le médecin qui a constaté la mort dans le métro ne s'est pas présenté même pas après la publication d'un article sur le double meurtre. L'homme tué sous les roues du métro, n'avait pas de papier : autant d'événements mystérieux qui va amener notre héroïne à enquêter. Quelques heures plus tard, elle apprend le meurtre d'une jeune femme dans le pavillon d'un certain sir Eustache, tuée semble-t-il par un homme portant un complet marron. Ces deux meurtres sont-il liés ? 

Agatha Christie joue avec les clichés littéraires dans ce roman : notre jeune héroïne courageuse rêve de romanesque. Elle compare les personnes qui gravitent autour d'elle avec ses héros de romans comme le Rhodésien farouche et sombre de ses romans qu'elle s'imagine sous les traits du capitaine Race. Puis, elle est malade pendant la traversée, contrairement aux héros de romans, pense-t-elle. Cependant, Anne se révèle être une jeune fille pleine de ressources : "une aventurière qui se respecte ne peut être à cheval sur les principes". Agatha Christie s'est souvent plu à se représenter sous les traits de Mrs Oliver, une romancière, aidant parfois Poirot dans ses enquêtes ; cette fois-ci, elle s'est amusée à faire des réflexions sur l'écriture romanesque à l'intérieur de son histoire : "je soupçonne tout le monde, répliquai-je [Anne], l'air sombre. Si vous avez lu des romans policiers, Suzanne, vous sauriez que le coupable est toujours celui qu'on soupçonnait pas. Les criminels gras et joyeux comme sir Eustache ne se comptent plus".

Contrairement aux romans policiers où les indices sont parfois cachés au lecteur, ici, hypothèses, déductions sont livrées au lecteur. La narration d'ailleurs est menée de front par notre héroïne mais aussi par Sir Eustache : cet homme qui ne songe qu'au confort accumule les ennuis avec des secrétaires zélés : il supplée à l'histoire d'Anne en racontant les mêmes événements dans son journal intime, mais sous un autre angle, pour mettre le lecteur sur de fausses pistes ! Cette enquête est aussi originale par l'exotisme des lieux, et les nombreux rebondissements. L'auteur fait preuve d'une grande inventivité dans l'intrigue et la complique à souhait : déguisements incessants de tous les personnages, retournement de situation, fausses identités et bien sûr un tueur des plus improbables !

Notre jeune héroïne avec beaucoup d'humour nous conte ses aventures. Elle n'a pas le sérieux et l'orgueil du célèbre Poirot, donnant ainsi à son récit un ton pétillant et frais. Ajoutez à cela, le journal de sir Eustache, non moins humoristique, brimé par son secrétaire. Cette enquête effrénée, avec amour idyllique et déguisements rocambolesques, vous entraînera jusqu'en Afrique du sud, sans un moment de répit mais avec beaucoup d'humour : une enquête originale, qui révèle une surprise de taille au niveau de la narration, pleine de drôlerie et de fraîcheur !

 Christie, L'homme au complet marron, Le masque, 252 p.

Autres romans  : Poirot joue le jeu, Les indiscrétions d'Hercule Poirot, La mystérieuse affaire de style
challenge Agatha Christie de George

25 novembre 2010

Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx : ISSN 2607-0006

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"La littérature vous jette dans la bataille , écrire, c'est une certaine façon de vouloir la liberté, si vous avez commencé, de gré ou de force vous êtes engagé", disait Sartre dans Qu'est-ce que la littérature ?. Didier Daeninckx a aussi cette vision de la littérature et dans Meurtres pour mémoire, il dénonce certains dysfonctionnements du système politique. Publié en 1977, ce deuxième roman noir de Daeninckx, aborde l'un des points sensibles, scandaleux de l'histoire contemporaine.

La guerre d'Algérie n'a pas épargné la France car depuis 1954, des mouvements nationalistes luttent pour l'indépendance de l'Algérie. Le 17 octobre 1961 des Algériens, vivant à Paris, manifestent de manière pacifique contre le couvre-feu qu'on leur impose. Face à ces hommes désarmés, des femmes et des enfants, les CRS ouvrent le feu sur la demande du préfet de Paris, Veillut. Profitant de la confusion, un homme abat  Roger Thiraut, un jeune historien dont la femme attend un enfant. Un chapitre plus loin et vingt ans plus tard, son fils devenu lui aussi historien est  tué à Toulouse dans des conditions mystérieuses. L'inspecteur Cadin commence une enquête qui va l'amener sur les traces du passé, remontant jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Quels sont ces meurtres évoqués dans le titre ? Ce sont bien sûr les meurtres des Thiraud mais aussi celui des Algériens : ces hommes sans défense qui sont brutalisés. Ce roman noir dénonce en effet, les exactions commises mais passées sous silence pendant la plus grande manifestation des Algériens, en France à cette époque. Mais ce sont aussi des meurtres plus lointains et anonymes, liés à la seconde guerre mondiale. La scène première, celle de la manifestation, est d'ailleurs racontées par plusieurs témoins, comme le photographe Rosner, la femme de Roger Thiraud ou le réalisateur belge Deril, montrant ainsi par là combien combien cet événement a marqué la vie de ces personnes, par son injustice et sa violence gratuite. En voyant le documentaire de Deril, présent sur les lieux, l'inspecteur Cadin pense : "Les images défilèrent, toutes plus insoutenables les unes que les autres. La première partie du document avait été tournée depuis une voiture roulant à travers Paris. Une multitude d'affrontements opposaient des manifestants désarmés, hébétés, à des groupes compacts de CRS, de gardes mobiles décidés et motivés. L'absence de son donnait plus de poids encore aux scènes de violence".
Roman à clés, Daeninckx dénonce aussi les dysfonctionnements du pouvoir qui a maintenu un homme déjà coupable de crimes. C'est tout d'abord les agissements de Maurice Papon qu'a voulu dénoncer Daeninckx. Il critique aussi le système politique et la loi du silence qui pèsent sur certains conflits. Certes c'est un roman noir avec des meurtres, un mobile, mais aussi un roman historique, étant donné que deux épisodes majeures de l'histoire contemporaine sont évoqués : la plus grande manifestation algérienne en France et la collaboration sous Vichy. Peut-on parler de travail d'historien ? Daeninckx explique qu'il a écrit son livre en s'appuyant sur des articles de presse et des lettres de survivants de la manifestation. L'auteur explique, dans le paratexte, son travail de recherche :

" Je suis allé à la bibliothèque nationale et j'ai dépouillé la presse de l'époque. Il y avait quelques informations datant de 1961 sur le 17 octobre. J'ai lu les pages des faits divers qui racontaient qu'on retrouvait des dizaines de cadavres dans la Seine, dans les écluses, au Havre, à Rouen, et encore un peu partout, comme ça, pendant des mois. Et puis, j'ai rencontré des témoins et j'ai consulté la presse clandestine. Un jour, un Algérien m'a donné un document extraordinaire, des photocopies de lettres : le FLN après la manifestation avait demandé aux survivants d'écrire tout ce qu'ils avaient vu. Il y avait là deux cents lettres poignantes qui ont été les principales sources d'émotion et de vérité de Meurtres pour mémoire. De plus, même s'il n'y avait pas eu de travail historique sur le 17 octobre 1961, de petites choses existaient de façon dispersée : un article dans Les temps modernes, d'autres dans L'express, des articles de Françoise Giroud, de Marguerite Duras et également de Jean Cau.

Les deux premiers chapitres se mettent lentement en place et la temporalité est très complexe, faisant des incursions dans l'Histoire, qui sert la phrase en exergue : "en oubliant le passé, on se condamne à le revivre". Cependant, ce livre est passionnant de part son intrigue policière bien ficelée et surtout par sa dimension historique et la force de la dénonciation. Un roman remarquable qui lutte aussi contre l'oubli...
 Daeninckx, Meurtres pour mémoire, Bibliothèque Gallimard, 378 p.

Lu dans le cadre du challenge histoire.

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