Frida Kahlo de Maria Hesse : ISSN 2607-0006
Qui ne connaît pas Frida Kahlo ? Cette artiste mexicaine est devenue une légende de son vivant et son destin tragique a fait l'objet de nombreuses biographies. Dès l'introduction, Maria Hesse nous met en garde sur cet ouvrage : elle n'a pas voulu retracer de manière fidèle la vie de Frida Kahlo, mais elle a fictionnalisé la vie de cette artiste : " ce livre ne retrace pas sa vie réelle, ni celle que Frida s'inventa. Il s'agit d'un mélange des deux" (p. 9)
Elle mêle d'ailleurs une écriture à la troisième personne, plutôt factuelle, à une écriture à la première personne, qui sont des extraits de journaux, de lettres de F. Kahlo, changement perceptible dans le choix des caratères (Planche 1). De chaque page émane l'intensité des sentiments de l'artiste à travers des illlustrations colorées et des citations. On peut d'ailleurs regretter la joliesse des dessins, là où les tableaux de l'artiste mexicaine présentent une certaine violence et une grande noirceur. La biographie est chronologique mais quelques pages font des synthèses autour de certains thèmes, notamment les amours de Frida Kahlo ou les réinterprétations des tableaux apparaissent à la fin de l'ouvrage. Certes le texte est simple mais bien documenté ( une biographie est présente à la fin de l'ouvrage).
Au-delà de la fictionnalisation de la biographie, on peut admirer la part de poésie dans la présentation de cette femme dans ce roman graphique : des illustrations servent à indiquer les nouveaux chapitres (illustration 2). Des dessins entourent le texte, l'accompagnent et créent un écrin pour le récit. Evidemment ces illustrations s'inspirent de l'esthétique de F. Kahlo et reproduisent certains de ses tableaux les plus célèbres tout en les personnalisant. Voyez comment on reconnaît des éléments récurrents des tableaux de F. Kahlo - comme la nature, les animaux, les détails anatomiques (Planche 2)... Voici aussi quelques citations de Frida Kahlo qui expriment sa pensée :
"Je m'en fiche, je m'aime comme je suis" (p. 32).
"Pourquoi voudrais-je des pieds puisque j'ai des ailes pour voler" (p. 132).
"Emmurer sa propre souffrance c'est courir le risque qu'elle vous dévore de l'intérieur" (en exergue)
"Je ne peins jamais des rêves ou des cauchemars. Je peins ma propre réalité".
Avec ce bel ouvrage, Maria Hesse nous emmène talentueusement au coeur de l'imaginaire de l'artiste mexicaine. Suivez son conseil : " Perdez-vous dans chacun de ses tableaux, là où elle nous a laissé de petites pistes sur qui elle fut. C'est dans ses peintures que réside la véritable Frida".
Hesse Maria, Frida Kahlo, Presque lune, mars 2019.
Illustrations 1 et 2 Frida Kahlo © PRESQUE LUNE
Literary life, Scènes de la vie littéraire de Posy Simmonds : ISSN 2607-0006
quatrième de couverture : " Ces chroniques ont paru chaque samedi entre 2002 et 2005 dans The Guardian Review. Ma seule consigne était que tout devait tourner autour de la vie des lettres. Je travaillais en flux tendu - recherche d'une idée le lundi, fol espoir de l'avoir trouvée le mardi, et le mercredi, jour de remise, frénésie de travail matinal, en robe de chambre parmi les miettes de toast. Puis à 11hh50, course jusqu'aux bureaux des journal, au bout de ma rue ( mais pas en robe de chambre) pour livrer ma planche. Le reste du mercredi était en général consacré à un lunch bien mérité".
Cette présentation par l'auteur lui-même reflète bien le contenu de ses planches : " la vie des lettres". Simmonds aborde le problème de la page blanche qui guette tous les auteurs, la commercialisation du livre, la fausse modestie ou la concurrence entre romanciers, le changement des tailles des librairies, du comportement des lecteurs, la dépréciation de certains genres comme le roman jeunesse... Que pense un auteur des séances de dédicace ? Ou rangez-vous vos livres ? Comment se comporte un romancier à succès ? Aucun aspect, gravitant autour du milieu littéraire, n'a échappé à l'acuité de Posy Simmonds.
L'humour dont elle fait preuve dans la présentation de ses dessins est aussi présent dans ses vignettes : " soudain, une des brebis de Jacob partit en vrille, poignardant, tranchant et taillant un chemin sanglant en...", écrit un écrivain devenant enragé devant sa page blanche ! Certaines de ces planches sont des parodies hilarantes comme celle du roman noir ( "Rick Raker, agent spécial", ou "Sherlock Holmes à Paris" ou celle de B. Potter ( ci-dessous), qui est particulièrement désopilante. Quelques personnages sont récurrents : on suit les tentatives d'écriture d'une mère de famille, les missions de Rick Raker ou les conseils du docteur Derek ( le seul à m'avoir passablement ennuyée)...
En quelques traits, P. Simmonds dresse un panorama, certes caricatural mais ne manquant pas de véracité, du monde des lettres. Elle a su saisir, avec justesse, les métamorphoses du paysage littéraire. Ces satires sont à découvrir dans un petit format folio, plein plus pratique que celui des BD traditionnelles ! Réjouissant !
Simmonds, Literary life, Scènes de la vie littéraire, 90 p.
Autres BD : Tamara Drewe et Gemma Bovery.
Partenariat folio
Les quatre soeurs de Malika Ferdjouk et Lucie dubiano : ISSN 2607-0006
Le roman graphique oscille entre deux genres, comme l'indique son nom, mais le travail du texte est plus développé que dans une BD. c'est un genre où s'est illustré Posy Simmons*. Celui de M. Ferdjouk est particulièrement réussi et plaisamment illustré par L. Dubiano : les illustrations sont empreintes de légèreté, de couleurs vives, dans surcharges de détails tout en étant très précis sur les expressions du visage, rendant avec justesse les sentiments des protagonistes.
Les quatre soeurs :
C'est une série de romans jeunesse parue à partir de 2003. Je ne l'ai pas lue encore mais j'ai pu apprécier la prose et les intrigues de M. Ferdjouk dans Minuit-cinq ou Aggie change de vie. Contrairement aux récits précités, Les quatre soeurs se passe dans le monde contemporain. Enid, Hortense, Geneviève, Bettina, Charlie sont des orphelines. Elles vivent dans une grande maison au bout d'une falaise escarpée et dépendent de leur horrible et avare tante Lucrèce qui ne semble capable que d'offrir d'hideux tableaux...
Les quatre soeurs raconte le quotidien des filles : Quels sont les problèmes de ces adolescentes ? Comment leur cohabitation se déroule-t-elle ? Quel est le caractère de chacune des soeurs ? Vous pouvez le découvrir grâce à des petites anecdotes illustrées sur une double planche. Elles développent un petit récit se terminant par une chute - chacune peut se lire indépendamment des autres - et elles forment au final, une intrigue qui se complète par touches...
L'amour, les relations entre soeurs, les relations amoureuses, les tâches quotidiennes, tous les sujets sont abordés avec humour. J'ai particulièrement aimé la propension à la rêverie de ces cinq jeunes filles, très attachantes, un imaginaire peuplé de références filmiques ( allusion à Donny Jepp dans Corsaires des Antilles), livresques et d'inventions langagières comme le "supernoelman". Une vraie bouffée de légèreté et d'humour !
Ferdjouk, Les quatre soeurs, Je bouquine, 145 p.
*Posy Simmonds, Gemma Bovery, Tamara Drewe