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15 mai 2019

La mémoire assassine de Kim Young-ha : ISSN 2607-0006

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http://www.editions-picquier.com/ouvrage/ma-memoire-assassine-2/

Parmi les auteurs sud-coréens, voici encore un auteur à découvrir, dont vous trouverez la biographie sur le site Picquier et une bibliographie.

Un ancien tueur en série, Kim Byeong-su, croit qu'on veut tuer sa fille adoptive Eun-hee. Ce narrateur écrit dans un carnet comment malgré la maladie d'Alzheimer et ses soixante-dix ans, il décide de la sauver et de supprimer cet homme. Mais comment faire lorsqu'on ne souvient même plus de son nom ? "Ce matin, j'ouvre les yeux et me retrouve dans un endroit inconnu. Je me lève d'un bond et enfile à la va-vite mon pantalon avant de sortir en courant de la maison. Un chien que je vois pour la première fois aboie en me voyant. Tandis que je m'agite en tous sens pour retrouver mes chaussures, j'aperçois Eun-hee qui sort de la cuisine. En fait, je suis chez moi. Heureusement que je me souviens encore de Heun-Hee. (p. 51)".

A personnage atypique, histoire atypique. Tout en philosophant et en écrivant de la poésie, le vieillard qui cite Montaigne ("Nous troublons la vie par le soin de la mort, et la mort par le soin de la vie". (p. 12)) tente tant bien que mal - et plutôt mal - de commettre son dernier meurtre. La narration est fragmentaire, parcellaire et nous n'avons accès qu'à ce que note Kim. Rien de morbide, ni de macabre, l'auteur faisant de l'humour noir : " Lorsqu'on voit du sang goutter du coffre d'une Jeep de Chasse, on peut penser qu'il s'agit d'un chevreuil mort, mais moi, dans un cas comme celui-là, je pars plutôt de l'hypothèse qu'il contient un cadavre humain. Ca me paraît plus probable." ( p. 20). On retrouve beaucoup du ton et du style des films coréens comme The stranger de Na Hong-Jin ou Memories of murder, de Bong Joon Ho - cité par le narrateur - qui ont su renouveler le cinéma de genre. Ce court récit, savamment construit mais qui déconstruit les codes du roman policier, vous mènera à une fin surprenante  et donne envie de découvrir d'autres récits de cet auteur.

Kim Young-Ha, La mémoire assassine, Picquier Poche, 151 p.

Sur le web : A girl from earth,

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28 mars 2019

Sept yeux de chats de Choi Jae-hoon : ISSN 2607-0006

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http://www.editions-picquier.com/ouvrage/sept-yeux-de-chats/

Auteur coréen, Choi Jae-Hoon a publié un recueil de nouvelles Le baron du comte Curval en 2010 et Sept yeux du chat en 2012. Vous ne connaissez pas cet auteur ? N'hésitez pas à lire son roman ! 

Tout commence comme Les dix petits nègres coréens : 7 personnes sont réunis dans un chalet, ayant été invités par le Diable, qui tient un site web sur les tueurs en série. Leur hôte est absent et une tempête de neige les empêchent de quitter les lieux. Que faire ? Après une première nuit passée ensemble, un des hommes est retrouvé mort. Qui est le coupable ? Vous pensez que c'est un whodunit classique, mais il n'en est rien : " - Le jeu... a commencé" (p.33). A la fin de la première nouvelle ou chapitre " sixième rêve", commence un chapitre "Equation d'une vengeance" où nous comprenons que la première histoire est en réalité une pièce. Vraiment ? Mais c'est aussi l'histoire que traduit un certain M dans le troisième chapitre, intitulé "Pi". Le dernier chapitre "Les sept yeux de chats", parle du destin du livre qui a disparu... Mais ceci n'est pas un bon résumé. Dans chaque nouvelle, nous retrouvons des éléments similaires mais agencés de manière différente.

"Le nombre Pi se prolonge à l'infini sans qu'aucune de ses décimales ne se répète." (p. 324)

L'auteur nous invite dans un roman labyrinthique où les mêmes motifs et les mêmes personnages sont repris de manière vertigineuse et où on ne sait jamais quelle est la bonne version de l'histoire. Le narrateur est-il un fou enfermé dans une mine qui se raconte des histoires pour ne pas mourir ou est-il un traducteur qui change l'histoire des romans qu'on lui demande de traduire ? Tout en voulant créer le roman à suspense parfait ( p. 324), l'auteur coréen réfléchit sur la littérature, les pouvoirs de la fiction et notamment sur les sources de la création et de l'inspiration. Les personnages de fiction peuvent prendre vie et les références - Alice aux pays des merveilles, La jeune fille et la mort de Munch, Le baiser de Klimt - montrent talentueusement un jeu sur la fiction, la mort et le réel :  "Quelle différence entre la réalité et le fantasme du moment qu'on survit ? (p. 247). Le lecteur peut essayer de trouver la vérité, peut jouer et imaginer trouver la solution. Oui, c'est bien le roman à suspense parfait !

Jae-Hoon Choi, Sept yeux de chats, Espagne, Edition Phillippe Picquier, 2014.

Sur le web : A girl from earth, Niki,

21 mars 2019

Le Maître et Marguerite de Boulgakov : ISSN 2607-0006

 

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http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-classique/Le-Maitre-et-Marguerite

En ouvrant le roman Le Maître et Marguerite de Boulgakov, on découvre deux personnages, Berlioz, rédacteur en chef d'une revue littéraire et Bezdomny, un poète, qui dialoguent et font la rencontre d'un individu qui a toutes les caractéristiques du diable : il aurait connu Ponce Pilate et raconte une anecdote sur Ponce Pilate, dont il aurait été témoin (chapitre II) tout en annonçant la mort de Berlioz. Evidemment, nos deux littérateurs refusent de le croire et pensent plutôt avertir la police politique. Cet incipit, ancré dans Moscou, est donc fantastique et plutôt étonnant. A cela s'ajoute un questionnement métaphysique :  " Si Dieu n'existe pas, alors, dites-moi, qui est ce qui gouverne la vie humaine et plus généralement l'organisation des choses terrestres ?" (p. 54), demande l'inconnu diabolique.

Mais continuons avec Likhodeïev, directeur des Variétés qui se retrouve face à l'inconnu, qui se fait appeler Woland. Il a deux comparses, dont un énorme chat noir qui marche sur ses deux pattes arrières. Likhodeïev partage justement son appartement avec le défunt Berlioz à cause de la crise du logement. "Ces derniers temps, d'ailleurs, Monsieur se conduit comme un fieffé cochon. Monsieur se saôule, Monsieur profite de sa position pour avoir des liaisons, Monsieur n'en fiche pas une rame et d'ailleurs il ne pourrait pas en ficher une rame car il ne connaît rien à la besogne qui lui a été confiée. Monsieur est un bluffeur qui trompe ses chefs !", dévoile le comparse de Woland (p. 161, chapitre XI). Et pour se débarrasser de lui, Woland le téléporte à Yalta. Nikanor Ivanovitch Bossoï, le président de l'association des occupants de l'immeuble 302 accepte un pot de vin de Woland, qui veut loger dans l'appartement de Likhodeïev, et se retrouve dénoncé pour trafic de devises étrangères.

Au chapitre XII, Woland devenu "mage" fait un spectacle avec ses deux acolytes et crée une hystérie collective, tout en dénonçant publiquement les hypocrisies d'Arkadi Apollonovitch Sempleïarov, le président de la Commission d'acoustique des théâtres de Moscou, aussitôt arrêté par des Miliciens. Vous l'aurez compris, la satire des milieux littéraires est féroce et celle de la police politique aussi, faisant disparaître tout le monde, sur simple dénonciation.

Nous arrivons au chapitre XIII, intitulé "Apparition du héros" ( p. 235). Nous sommes à nouveau en compagnie de Bezdomny, qui entre-temps a été interné ( chapitre VI). Jugez un peu : Ivan Nikolaïevitch ( dont le surnom est Bezdomny) déclare qu'il est dans cet asile à cause de Ponce Pilate, à un écrivain qui peut se promener dans la clinique psychiatrique, en passant par des balcons. "La description  de la mort horrible de Berlioz suscita de sa part [celle de l'écrivain] cette remarque énigmatique [...]. Puis dans un cri passionné mais étouffé il ajouta : " poursuivez !". Le chat essayant de payer sa place à la receveuse divertit le visiteur à l'extrême, et il étouffait silencieusement de rire tandis qu'Ivan, tout excité par le succès de sa relation s'accroupissait et bondissait sans bruit, mimait le chat tenant sa pièce de dix kopecks contre sa moustache" (p. 239). L'écriture est souvent comique et les personnages burlesques contribuent à la satire des milieux littéraires. Nous apprenons aussi que l'écrivain se faisant appeler le "Maître" a écrit un roman refusé par tous.

Mais j'en ai déjà trop dit tout en passant sous silence un nombre impressionnant de détails ! Ce roman foisonnant et satirique semble difficile d'accès mais il n'en est rien. Une fois entrés dans cet univers fantastique, réaliste et burlesque, nous rions - parfois jaune lors de la description en rêve des grands procès publiques, ou des lieux de détentions ( chap. XIX) ou de l'obligation de faire des activités collectives ( chap. XVII) - de la peinture de la vie moscovite des années 20-30. Un plan à la fin du livre permet de repérer les lieux évoqués. L'introduction par Françoise Flamant et une notice proposent des analyses sur la dimension religieuse du texte, sur l'histoire du manuscrit, sur les autobiographèmes et sur l'intertextualité.

L'écriture, rendue extrêmement visuelle par des annotations de gestes est aussi très érudite, même si la culture russe évoquée peut échapper sans les notes de bas de page : "Là ! Là ! Derrière l'armoire ! C'est lui ! Regardez, il rigole ! Il a même son lorgnon... Arrêtez-le ! Aspergez la pièce d'eau bénite !" (p. 278) est une parodie du Faust de Gounod et "sombre ciel où la tempête" (p. 145) est le premier vers d'un poème de Pouchkine... C'est la rencontre improbable entre le non-sense carrollien, la satire voltairienne sur fond de mythe faustien. Mais quelle oeuvre ! Une oeuvre incroyable !

Boulgakov, Le Maître et Marguerite, Edition et traduction de Françoise Flamant, Malesherbes, Folio, 2018.

Partenariat Folio.

28 février 2019

L'unité alphabet de Jussi Adler Olsen : ISSN 2607-0006

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https://www.audiolib.fr/livre-audio/lunite-alphabet-9782367627823

Jussi Adler Olsen s'est-il lancé sur le même sentier que les autres auteurs de polars nordiques, à savoir des romans ayant pour arrière-plan la Seconde Guerre Mondiale comme Dans l'ombre d'Indridason ?

C'est ce que laisse penser le début du roman : deux officiers britanniques, Bryan et James, survolent les infrastructures allemandes lorsqu'ils sont repérés et leur avion touché. Roman d'espionnage ? Roman de guerre ? Ni l'un, ni l'autre ! Les deux hommes arrivent à prendre un train en marche où ils découvrent des officiers SS considérés comme fous. Là, ils sont soignés avant de regagner le front. Bryan parvient à s'échapper et apprend que l'hôpital psychiatrique a été bombardé. L'intrigue reprend en 1972, en Angleterre, où Bryan a abandonné son métier de médecin et s'occupe de produits pharmaceutiques. Lorsqu'on lui propose d'aller comme consultant aux J.O. de Munich et qu'il rencontre un homme ayant visité les sanatoriums à la fin de la Guerre, il reprend espoir : peut-être va-il retrouver James.

"Ce livre n'est pas un roman de guerre", nous indique l'auteur dans une note. Effectivement, l'auteur s'attarde davantage sur les méthodes employées dans les asiles que sur les faits historiques. D'ailleurs, le père de J. Adler Olsen était un psychiatre et le romancier a fréquenté des asiles d'aliénés dont les traitements radicaux de l'époque l'ont frappé. De même, la question de la pseudo-maladie de certains patients l'a longtemps fasciné. Une grande partie de l'intrigue repose sur des simulateurs, de criminels Nazis qui arrivent à s'en sortir. Et c'est la meilleure partie du roman.

J. Adler Olsen rompt avec le ton acerbe et sarcastique de sa série des Enquêtes du département V. Cela rend son roman un peu plus banal. Certes, la toile de fond est intéressante, mais la deuxième partie, qui consiste en une quête du corps de James, devient complètement invraisemblable et repose sur des facilités narratives. Un des personnages constate que tous ces événements - multiples meurtres en une ou deux heures, coincidences multiples - "dépassent l'entendement" ( "Il y avait vécu trop de choses dans cette dernière heure"), et celle du lecteur aussi. L'histoire s'écoute facilement mais ce n'est pas le meilleur opus de J. Adler Olsen. Cependant, la voix de Benjamin Junger ( on peut écouter un extrait ici) sait bien donner vie à tous ces personnages.

L'unité Alphabet, de Jussi Adler Olsen,  lu par Benjamin Jungers, Audiolib, 16h33, 2018.

Partenariat Audiolib .

Autres romans de l'auteur : Promesse, Selfies

19 février 2019

Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain : ISSN 2607-0006

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http://www.folio-lesite.fr/Catalogue/Folio/Folio-cinema/Les-amants-diaboliques-Le-facteur-sonne-toujours-deux-fois

Ce roman noir de J.M. Cain se construit autour d'une passion intense entre un vagabond, Frank, et une femme, Cora, mal mariée, vivant dans un endroit isolé. Elle est mariée à un Grec, qu'elle déteste. Dès qu'il la voit, il sait qu'il ne pourra plus la quitter. Au bout de vingt pages, les deux amants projettent de tuer le mari. Malheureusement, le meurtre est empêché par l'électrocution du chat et le mari sort presque indemne de cette première tentative. Frank propose à Cora de s'enfuir avec lui, mais elle refuse de vivre sur les routes. Le hasard les réunit à nouveau. Vont-ils réussir à se débarrasser du mari encombrant ?

"Cora, c'est le destin. Nous avons tout essayé" (p. 51)

Cette sordide histoire d'adultère a une intrigue très resserrée. Plusieurs tentatives de meurtres, un procès, des séparations, créent une tension qui ne s'éteindra qu'au dénouement. Le narrateur, Frank, ne raconte que les faits et son point de vue. Ce récit, qui est la confession de Frank, par sa concision, ne laisse aucune place à psychologie, aux remord. Frank parle de meurtre comme de mécanique et Cora ne cherche qu'à s'enrichir. C'est un personnage singulier qui préfère le nomadisme à la vie de petit-bourgeois que Cora choisit. Alors qu'il choisit la liberté, être sur les routes, Frank ne cesse d'accuser le destin, présentant sa passion pour Cora comme une tragédie. Mais la fatalité a-t-elle un rôle dans leur histoire ? Peut-être, puisque le récit s'achève sur l'ironie du sort qui frappe le personnage masculin... Ce récit est une telle réussite qu'il a été adapté à quatre reprises !

OSSESSIONE - LUCHINO VISCONTI - 1943 - TRAILER

Comme dans Mort à Venise, Visconti métamorphose complètement la nouvelle de J.M. Cain. Au-delà de l'italianisation des noms et des lieux, le réalisateur Des amants diaboliques ne garde que l'histoire du couple adultère, qui veut se débarrasser du mari, et certains éléments comme le métier du Grec, appelé Bragana, ou le dénouement. On est proche des amants zoliens dans Thérèse Raquin avec l'amant hanté par le mari et sa dimension psychologique, absente de la nouvelle.

Surtout, Visconti initie le néoréalisme avec ce film. Pendant une période où le cinéma italien présente surtout un cinéma " téléphone blanc", symboles d'élégance, avec des comédies divertissantes, Visconti introduit les classes populaires, la pauvreté, la prostitution et la violence dans ce long-métrage. Là où la nouvelle présente une intrigue resserrée, Visconti amplifie des scènes populaires comme le bal dans la trattoria ou le concours de chant lyrique. C'est bien une recréation et non une simple adaptation.

Ossessione, Visconti,1942, avec Clara Calamai, Massimo Girotti et Juan De Landa,140 min

Cain J.M., Le facteur sonne toujours deux fois, folio cinéma, 151 p.

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5 février 2019

La dénonciation de Bandi : ISSN 2607-0006

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http://www.editions-picquier.com/ouvrage/la-denonciation/

 Bandi est un pseudonyme d'un auteur nord-coréen : l'anonymat de l'auteur est nécessaire dans un pays où la censure ne permet pas de publier tous les textes. Comment avons-nous eu connaissance de ce recueil composé de 7 nouvelles ? Il aurait fait passer deux recueils grâce à une femme qui a fui le pays. 

Un enfant pleure dès qu'il voit des images immenses de Marx ou du " cher leader" : les parents décident donc de mettre les double rideaux pour ne pas l'effrayer. Cela n'est pas pour aider sa mère qui doit préparer l'événement 1, c'est-à-dire une fête nationale. Cependant, on leur interdit de mettre ces double rideaux : ils sont alors dénoncés comme espions. la cérémonie ne semble plus possible car une tempête empêche tout rassemblement. Et pourtant, en quelques minutes, un million de personnes se réunit lorsque les haut-parleurs leur intiment l'ordre de venir. Pourquoi une telle obéissance ? "Le moindre comportement considéré comme ayant été nuisible à la bonne tenue des célébrations fut pointé du doigt et durement condamné. La sanction la plus grave était l'expulsion. Les gens étaient chassés sans pitié, comme des saletés jetées au loin à coup de pelle" (p. 70). Un homme veut se rendre au chevet de sa mère mourante mais on l'en empêche, un autre meurt de froid dans sa propre maison alors qu'il a consacré sa vie à la collectivité... Toutes ces nouvelles mettent en exergue la peur de la répression, les injustices et l'envie de fuir de son propre pays.

L'écriture est simple, voire maladroite, avec son vocabulaire pauvre et répétitif, et peu subtile : les symboles qui peuplent ces récits sont toujours lourdement explicités. Cependant, ce témoignage de la dictature n'en est pas moins poignant. Rédigé dans les années 70 et publié en 2014, ce texte est-il obsolète ? Il suffit de regarder des documentaires comme Corée du nord  la famille Kim ou écouter des émissions pour savoir que les textes de Bandi sont encore d'actualité. Considérée comme "une dictature d'opérette", comme les intervenants de l'émission du grain à moudre le rappelle, dans l'émission "comment raconter la Corée du Nord ?", néanmoins tous soulignent la souffrance des habitants (ci-dessous d'autres liens vers des émissions qui montrent la dureté du régime).

Bandi, La dénonciation, Picquier poche, 281 p.

Autres romans coréens : billet de Marilyne Celui qui revient Han Kang

Sur le web : Les idées claires, France culture. 2014. " Corée du Nord, terrifiant anachronisme". Animé par Bruce Couturier. Diffusé le 26 décembre 2014.

 Du grain à moudre. 2012. "L'univers concentrationnaire en Corée du Nord". Animé par Hervé Gardette. Diffusé le 1er mai 2012.

Franceinfo. 2016. "Bandi, écrivain critique... en Corée du Nord". Animé par F. Ojardias. Diffusé le 2 mars 2016.

Grappe Marjolaine, Les hommes de Kim, prix Albert-Londres, 2018. URL : https://info.arte.tv/fr/coree-du-nord-les-hommes-des-kim

28 septembre 2018

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit de Céleste NG : ISSN 2607-0006

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Tout ce qu'on ne s'est jamais dit est un drame familial : dans les années 70, en Ohio, Lydie Lee est une jeune fille à qui tout semble réussir. Elle a d'excellents résultats et semble bien intégrée dans son lycée. Le jour où on la retrouve dans le fond d'un lac, commence une enquête qui permet à la romancière d'analyser les rapports sociaux dans cette famille, où le père est américain d'origine chinoise. Ce dernier est professeur dans une petite université et sa femme, mère au foyer. Est-ce Jack, son petit-ami et voisin, qui l'a tuée ? Est-ce que c'est un tueur en série qui sévit dans la région comme le pense la mère ?

Progressivement, on apprend à connaître cette famille, qui fonde tous ses espoirs sur la petite Lydia, centre du foyer, qui a pourtant un grand frère brillant et une petite soeur effacée. Le père projette ses rêves d'intégration sur sa fille aux yeux bleus, espérant qu'elle échappera au racisme qu'il a subit depuis l'enfance. Sa mère rêve d'en faire une physicienne, un médecin, la femme qu'elle n'a pas pu devenir dans cette société patriarcale. Au fur et à mesure de l'avancée de l'enquête et de la remontée des souvenirs de chacun des membres de la famille, on découvre la réalité vécue par Lydia, qui déclare à Jack : "Les gens décident comment tu es avant même de te connaître [...] Ils pensent tout savoir de toi. Sauf que tu n'es jamais ce qu'ils croient" ( p. 224).

"Il comprend ce que c'est que d'être différent" (p. 50) :

Alternant les points de vue qui montrent une incompréhension et une incommunicabilité entre les êtres, Céleste NG analyse finement les relations familiales. Cette histoire, qui peut paraître banale, est enrichie de multiples thèmes gravitant autour de la cellule familaile comme l'intégration, la différence, les souffrances de l'adolescence, le destin des femmes, les préjugés raciaux... Céleste NG dresse un subtil tableau de la société américaine dans les années 80. Un excellent roman !

NG Céleste, Tout ce qu'on ne s'est jamais dit, Pocket, 344 p.

21 septembre 2018

Les revenants de Kasischke : ISSN 2607-0006

 

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"La scène de l'accident était exempt de sang et empreinte d'une grande beauté.[...] La pleine lune était accrochée dans la ramure humide et nue d'un frêne. L'astre déversait ses rayons sur la fille, dont les cheveux blond étaient déployés en éventail autour du visage [...]" (p. 11 prologue), ainsi commence le récit du point de vue de Shelly, une enseignante de musique de la petite université de Godwin Honors College. Elle a vu Nicole Werner et Craig Clement avoir un accident de la route, ce qui provoquera le décès de la jeune fille. Pourtant, ce n'est pas ce qu'a constaté Shelly.

A ce premier point de vue, s'ajoute celui de Craig, un jeune étudiant riche et cynique, qui ne cherche qu'à coucher avec des filles, jusqu'au jour où il rencontre Nicole, dont il tombe éperdument amoureux. Perry, le meilleur ami de Craig, est l'une des voix polyphoniques de ce récit. Excellent étudiant, il croit avoir vu Nicole vivante. De fait, il va consulter un professeur, spécialiste des cultes funéraires, Mira Polson. Cette dernière se débat entre sa difficile vie privée et une thèse qu'elle n'arrive pas à commencer. Elle accepte d'aider Perry dans sa quête de la vérité sur la mort de Nicole. Est-elle réellement revenue des morts comme le prétendent plusieurs étudiants ? Quel lien existe-t-il entre des morts et la sororité des Omega Thêta Tau ? 

Habilement, avec fluidité, Kasicshke tisse ces différents points de vue et différentes temporalités pour déployer les trois thèmes de la thèse à venir de Mira Polson : Superstition, sexualité et mort sur un campus américain. La romancière américaine déploie tous les caractères, les sentiments et les illusions liés à la jeunesse, aux sororités, à l'amour, "au délire collectif" des foules comme dans d'autres campus novels tels que La physique des catastrophes de Pessl, Délicieuses pourritures de Oates ou Le maître des illusions de Donna Tartt. Dommage, la fin s'essouffle un peu dans des invraisemblances. La mise en exergue des faux-semblants et de l'hypocrisie diffuse une image sombre et désespérée. Un bon campus novel à découvrir !

Kasischke, Les revenants, Livre de poche, 664 p.

10 septembre 2018

Captive de Margaret Atwood : ISSN 2607-0006

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S'inspirant d'un fait divers qui a fait grand bruit au Canada, dans les années 1840, Margaret Atwood a imaginé la confession d'une jeune femme Grace Marks, condamnée à mort avec un jeune homme qui l'aurait aidée à tuer ses deux maîtres. Cependant, elle réussit à échapper à pendaison et sa peine est commuée en prison à perpétuité. Mais l'auteur de La servante écarlate ne rend pas compte de ce fait divers à la manière de l'historienne Kate Colquhoun dans Le chapeau de Mr Briggs : elle imagine là où les archives et témoignages font défauts. Elle cite d'ailleurs au début des 15 chapitres, des journaux, la déposition de Grace et de James, le témoignage de l'écrivain S. Mooddie...

Cette confession est faite au docteur Jordan, aliéniste, qui cherche plus à faire avancer la science qu'à la juger. De fait, la narratrice retrace ses souvenirs depuis son enfance pour aboutir au meurtre. Elle raconte ainsi comment ses misérables parents irlandais ont émigré au Canada et comment elle devient une servante au service de différentes familles, jusqu'à atterrir chez Mr Kinnear et sa gouvernante, qu'elle aurait assassinés. Est-elle véritablement amnésique ? Est-elle somnambule ? Aurait-elle une double personnalité ?

Des dossiers concernant la coupable étant déjà lacunaires, voire mensongers à l'époque, cette meurtrière restera jusqu'au bout énigmatique. Parallèlement à l'enquête, on peut découvrir la correspondance et la vie de Simon Jordan, notamment ses réflexions scientifiques. Ainsi le roman, tout en s'attardant sur le témoignage de la détenue, nous dépeint la société de l'époque, en évoquant la condition des femmes en détention, au service des nantis, ou dépendantes de leur mari ainsi que les mariages convenus. Quant à la vie du docteur Jordan, elle nous donne une idée de l'état de la science à l'époque, de la situation politique, du poids de la morale, de la vogue du spiritisme... M. Atwood donne remarquablement vie à cette histoire et à tout un pan du XIXeme siècle au Canada, tout en gardant le mystère entier autour de Grace Marks.

Alias Grace - Trailer - Bande annonce VO Captive | 2017 | saison 1 - Netflix Film HD

Captive a été adaptée en mini-série de six épisodes de 45 minutes par Sarah Polley : elle est particulièrement fidèle au roman malgré une simplication de la construction de l'histoire. Tout est centré autour de la vie de Grace Marks et on s'attarde moins que dans le roman sur la vie du docteur Jordan. L'actrice fait bien revivre l''héroïne principale, notamment ses dons de conteuse. Elle apparaît tout aussi ambigüe que dans le livre. Une bonne adaptation avec une photographie très belle !

Atwood Margaret, Captive, 10/18, 623 p.

Captive, de Sarah Polley, minisérie, Netflix, avec sarah Gadon, Edward Holcroft, 2017, 6 x 45 min

29 juillet 2018

Ada d'Antoine Bello : ISSN 2607-0006

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Vous pensiez avoir tout lu sur les romans traitant des intelligences artificielles ? Bello arrive à nous surprendre avec son récit policier Ada. Le président de Turing corporation, Dunn, demande à Franck Logan d'enquêter sur la disparition d'Ada : cette dernière est un programme informatique inventé pour écrire un roman à l'eau de rose. Enfermée dans une salle, sans connexion internet, elle réussit toutefois à s'évader. Franck Logan pourra-t-il rivaliser d'intelligence face à la machine ? Une machine a-t-elle une conscience ?

Evidemment, le roman aborde le pouvoir et les dangers de la technologie mais sans utiliser la noirceur présente dans ce type de récit décrivant les dérives de la technologie. Au contraire, Bello use de l'humour et d'une tonalité ludique pour dénoncer les travers d'une corporation prête à tout pour engendrer du profit. Quant à l'intelligence artificielle, elle exploite les failles humaines pour arriver à ses fins. Ce sont les propres faiblesses de l'homme qui l'amènent à sa perte. Ada se révèle d'une grande complexité face à tous ces humains caricaturaux et imbus d'eux-mêmes.

Outre ces questions traditionnelles, Bello aborde aussi la littérature : Ada écrit un roman à l'eau de rose comportant des mots arogtiques et des scènes scatologiques. Qu'est-ce qu'un roman sentimental ? Quels sont les ingrédients à utiliser pour vendre 100 000 exemplaires ? Tout en décrivant les caractéristiques de ce type de roman, Bello en profite pour égratigner tout type de littérature reposant sur des clichés, des stéréotypes, les modes mais le sien y échappe. Et dans une dernière pirouette humoristique, le romancier n'hésite pas à commenter ses propres procédés. Un très bon roman !

Bello Antoine, Ada, Folio, 394 p.

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