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26 mai 2010

Le treizième conte de Diane Setterfield : ISSN 2607-0006

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 Margaret travaille dans le magasin de livres rares et anciens de son père et a écrit une biographie sur les frères Goncourt. Un jour, elle reçoit une étrange lettre qui provient d'une romancière de best-sellers, entourée de mystère : Vida Winter a inventé plus de 32 versions différentes de sa vie... Malade et âgée, elle a enfin décidé de dévoiler son histoire sans mensonge. Mais dit-elle réellement la vérité ? Commence pour Magaret une enquête sur la véritable vie de Vida, qui commence d'ailleurs par un un autre mystère : elle a publié un recueil de 13 contes qui n'en contient que douze. Quel est ce treizième conte ?

Margaret entretient une relation passionnée avec les livres et on prend plaisir à déambuler dans le magasin de livres qu'elle tient avec son père. Plus proche des romans du XIXeme siècle que des personnes qui l'entourent, elle avoue que "les mots ont un étrange pouvoir. Entre les mains expertes, manipulées avec adresse, ils vous retiennent prisonniers". 

Quant à l'histoire, elle contient de nombreux rebondissements comme dans Les hauts de Hurlevent ou Jane Eyre. Chaque personnage cache un secret. Quel est celui de Vida Winter ? Au fil de la narration de la vieille dame, la jeune fille enquête, hantée par ses propres fantômes et bientôt par ceux de la romancière. Dit-elle la vérité ? Est-ce que le manoir dans lequel elle dit avoir grandi existe véritablement ? Qu'est devenu son oncle Charles disparu soudainement ? Connaîtra-t-elle la clé du mystère du treizième conte ? Alternant différents récits et narrateurs, le mystère s'épaissit... Des ruines, la folie des personnages, des fantômes, des enfants perdues, des disparitions soudaines, un incendie, l'allusion aux romans La dame en blanc de Wilkie Collins ou Jane Eyre des soeurs Brontë, rendent hautement britannique cette histoire mystérieuse. Un récit captivant de la première à la dernière page...

Setterfield, Le treizième conte, Pocket, 526 p.

Livre voyageur de Mango que je remercie ! Son avis ici. D'autres avis : Lilly, Clarabel, Fashion, Lou., Titine.Choupynette,...

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24 mai 2010

Into the wild de Krakauer : ISSN 2607-0006

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" Toujours plus loin. Toujours plus au nord. Toujours plus seul. Inspiré par ses lectures de Tolstoï et de Thoreau, Cristopher McCandless a tout sacrifié à son idéal de pureté et de nature. En 1990, une fois son diplôme  universitaire en poche, il offre ses économies à une association caritative et part sans un adieu vers son destin. Celui-ci s'achèvera tragiquement au coeur des forêts de l'Alaska...

Jon Krakauer évoque aussi à travers cette échappée belle ceux qui, un jour, ont cherché à quitter la civilisation et à dépasser leurs limites. Magistralement porté à l'écran par Sean Penn, Into the wild s'inscrit dans la grande tradition des road movie tragique et lumineux, une histoire aux échos universels".

" Je désirais le mouvement et non une existence au cours paisible. Je voulais l'excitation et le danger, et le risque de me sacrifier pour mon amour. Je sentais en moi une énergie surabondante qui ne trouvait aucun exutoire dans notre vie tranquille", Le bonheur conjugal de Léon Tolstoï ( p. 33)

Journaliste, Krakauer retrace les déplacements du jeune homme en s'appuyant sur des témoignages, des lettres envoyées à des gens rencontrés sur la route et des extraits du journal intime écrit à la troisième personne. Dans de nombreux chapitres, le travail fouillé du journaliste permet de suivre le périple de Chris : une enquête à rebours, de la mort de Chris à ses diverses rencontres. Pour lui, il ressemble à Dedalus, personnage de Joyce : "Il était seul, méconnu, heureux, jeune, obstiné, libre, seul dans un désert chargé d'air vif et d'eau saumâtre, parmi la moisson marine des coquillages et des algues, dans la lumière gris pâle du soleil". Jeune homme intransigeant et sensible, généreux et travailleur, il ne semble pas être un désaxé, comme le sous-entendait beaucoup de personnes, mais un homme en quête d'idéal, à la quête de soi.

Lors de la publication d'un article de Krakauer dans Outside, lorsque le corps de McCandless a été retrouvé en 1992, les gens ont réagi négativement à la mort de ce jeune homme qu'on considéra comme un écervelé, un farfelu, un ingrat qui faisait souffrir inutilement sa famille par son décès dû à ses négligences. Krakauer entreprend de rechercher les causes de la mort et évoque la vie de différentes personnes idéalistes ayant quitté la société de consommation. Est-il un jeune homme orgueilleux qui est allé au-delà de ses limite ? A-t-il fait preuve de légèreté en allant vivre dans l'Alaska sans carte et sans boussole ? Quel est le rôle de ses parents dans son départ brusque, dans ce renoncement à la civilisation ?

Into the wild retrace un magnifique portrait, reposant sur de nombreux documents, dans la lignée des personnages d'un London ou d'un Tolstoï, un plaidoyer pour les esthètes de la nature sublime, nature superbement décrite à travers des extraits littéraires, s'inscrivant dans une histoire de la société américaine.

 Krakauer, Into the wild, 10/18, domaine étranger, 285 p.

23 mai 2010

A mon coeur défendant de Thibaut de Saint Pol : ISSN 2607-0006

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A mon coeur défendant est l'histoire de trois destins croisés : En 1940, à Paris, les Allemands sont aux portes de Paris. Madeleine est une jeune fille de 24 ans, travaillant au Quai d'Orsay, qui est chargée d'une mission très importante et secrète : protéger et amener en lieu sûr le traité de Versailles qui a humilié l'Allemagne. Madeleine raconte sa fuite à travers le pays. Dans son journal, Henrich, un officier de la Wehrmarcht, poursuit la jeune fille pour récupérer le fameux dossier. En 2003, Théo, un allemand, un professeur d'histoire, retrouve des papiers dans le bureau de son grand-père. Mais qui est-il ? Pourquoi toute sa famille refuse de parler de lui ? Il retrouve la trace d'une femme, vivant dans le sud de la France, liée à Henrich, son grand-père, qui accepte de lui parler.

Croisant les genres littéraires et des personnages, l'originalité du fond historique connu est de montrer des points de vue opposés sur  les mêmes événements. Tandis que Madeleine vit dans la peur et le chaos, et la honte d'une France qui tombe comme un "château de cartes", Henrich agit, sûr de lui et de la bonne cause de sa mission. Un roman historique passionnant, très rythmée, qui nous emmène de Paris à Toulon. Madeleine réussira-t-elle à sauver le Traité ? Théo connaîtra-t-il enfin la vérité sur ce grand-père qu'il n'a pas connu ?

Lecteurs, vous trouverez parfois que les sentiments des personnage assez lisses manquent un peu de profondeur, de nuances ou de complexité, que l'histoire d'amour entre les deux personnages use de topos mais la narration est originale et très bien menée et on ressort charmé de ce livre. Un récit haletant, une écriture fluide entretenant le suspense et un dernier retournement de situation font de ce roman une lecture agréable et ambiguë.

Merci Alice de m'avoir fait partager cette lecture.

Saint Pol, A mon coeur défendant, Plon, p. 204.

 

15 mai 2010

Les travailleurs de la mer de V. Hugo : ISSN 2607-0006

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Premier roman de l'exil de V. Hugo ( une exposition virtuelle est consacrée à Victor Hugo sur le site de la BNF), depuis le 2 décembre 1851, Les travailleurs de la mer est un récit peu romanesque, mais une oeuvre foisonnante, étrange, à la limite de la démesure baroque.

Quatrième de couverture :

" Pour pouvoir reconstruire un nouveau bateau à vapeur après le naufrage de la Durande, il faut sauver la précieuse machine du navire dont le constructeur est mort. Donc qu'un homme seule, matelot, mais aussi forgeron, ait l'audace de risquer plusieurs jours jusqu'aux rochers de Douvres où repose l'épave - et d'affronter la mer. L'homme qui accepterait ce péril serait plus qu'un héros. "Je l'épouserais" dit Déruchette, la nièce de l'armateur. Et parce qu'il s'est épris de la jeune fille, Gilliatt va tenter l'entreprise.
Mais suffit-il d'une idylle pour construire un roman d'amour ? celui-ci en tout cas ne saurait bien finir, car le coeur humain dit Hugo, est une "fatalité intérieure". Les travailleurs de la mer, dont l'action se déroule dans l'archipel de la Manche, sont d'ailleurs aussi bien un roman d'aventures, à l'époque de la machine et de la révolution industrielle, que la fable épique d'un homme seul face aux éléments. Et bien avant de le faire paraître en 1866, Hugo n'avait pas sans raison choisi de l'intituler L'Abîme.

"Se faire servir par l'obstacle est un grand pas vers le triomphe" :

Cette quatrième de couverture annonce le ton, ce roman "marin" est aussi un témoignage de la vie de l'époque, doublé d'un roman d'amour. Les chapitres sont courts mais très disparates. L'histoire ressemble à un assemblage de morceaux de bravoure. Ne cherchez pas la vraisemblance, lecteur, vous entrez dans l'étrange univers des travailleurs de la mer.  La lecture de ce long roman est malaisée car V. Hugo, entrecoupe son récit de digressions à l'infini, emboitant des emboitements : il suffit de regarder la structure du roman labyrinthique : chaque "livre" est subdivisé en "partie", elle-même découpée en chapitres. Certains passages portent sur la langue, Il mêle les expressions latines et les expressions locales guernesiaises, tel que "veuvier" à la place de "veuf". A peine lu, on se souvient à peine de la moitié des détails et du vocabulaire. Les passages historiques, font place à des descriptions géographiques ou techniques.

L'écriture se révèle d'autant plus complexe que les références bibliques, historiques se multiplient et qu'une écriture de la formule côtoie des phrases amples... On perçoit d'ailleurs l'écriture du poète dans des rythmes binaires. Tel un nouveau Homère, Hugo multiplie les catalogues  comme celui des écueils, puis celui des vents etc... Il ne faut pas moins de dix pages pour raconter le naufrage de la Durande, ou les écueils : " Pour ceux qui, par les hasards des voyages, peuvent être condamnés à l'habitation temporaire d'un écueil dans l'Océan, la forme de l'écueil n'est point chose différente. Il y a l'écueil pyramide, une cime unique hors de l'eau ; il y a l'écueil cercle, quelque chose comme un rond de grosse pierres ; il y a l'écueil corridor. L'écueil corridor est le plus inquiétant"... (p. 390).

Roman foisonnant, les personnages se croisent dans ce sombre univers : Contrebandiers, homme honnête comme Clubin, qui se révèle être, en fait, un génie du mal, Mess Lethierry, sa fille Déruchette et Gilliat... Pour l'amour de cette fille, Gillliat accepte, après le naufrage de la Durande, d'aller chercher le moteur de ce bateau à vapeur. Coiffé de son bonnet de galérien, il devra affronter une tempête, une pieuvre, la faim, la soif pour finalement se sacrifier, car la beauté chez le héros romantique est intérieure. Mais, l'auteur développe aussi l'esthétique du laid avec la description de la pieuvre, faisant ainsi se côtoyer le grotesque et le sublime.

L'intrigue est hautement symbolique et Hugo laisse percevoir son anticléricalisme, et son goût pour le progrès, incarné par la Durande. Ce livre singulier est à lire lentement, prenez votre souffle avant d'entrer dans l'univers particulier des Travailleurs de la mer... Ce livre devait être intitulé" L'abîme" : "Gillliat avait un abîme, Déruchette". Abîme de la mer qui engloutit les hommes, l'abîme du mal incarné par Clubin mais aussi abîme du lecteur qui se perd dans la complexité narrative, les retours en arrière et les multiples sujets !

Cette édition contient de belles esquisses de V. Hugo, en adéquation avec l'atmosphère assez sombre du roman...Lire d'une traite ce roman est une gageure, tant il est foisonnant et je n'ai d'ailleurs pas lu L'archipel de la Manche, l'introduction à l'oeuvre. La lecture est assez pénible mais j'ai tout de même apprécié cette oeuvre atypique.

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Hugo, Les travailleurs de la mer, Livre de poche, 668 p.

Autre oeuvre de l'auteur : Ruy Blas

Lu dans le cadre d'une lecture commune avec Choupynette (son billet est ici)

12 mai 2010

Aurora Floyd Elizabeth Braddon : ISSN 2607-0006

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Qui a dit que l'Angleterre victorienne était prude ? Toutes les héroïnes de nos chers auteurs victoriens se font un plaisir de mettre en scène des femmes avec des secrets inavouables, avec des caractères épouvantables... Il suffit de lire Aurora Floyd pour s'en convaincre.

quatrième de couverture : " Aurora Floyd est la fille choyée d'un richissime banquier. Une violente dispute l'oppose à son père lorsqu'elle revient d'une longue promenade à cheval avec son palefrenier. Aurora est envoyée à Paris dans un pensionnat pour faire ses études. On la retrouve un an plus tard, à nouveau chez son père. Réconciliée mais distante, marquée à tout jamais par un drame qui a éloigné d'elle l'homme qu'elle aime... comme dans tous les romans à suspense de M.E. Braddon, le lecteur pressent ce qui est à l'origine du drame sans que cala soit explicite, et il est entraîné malgré lui, et sans pouvoir s'arrêter, dans un maelström excitant qui le pousse à connaître le déroulement et la fin de l'énigme.

Une comparaison avec Wilkie Collins serait tout à fait justifiée : un meurtre, un secret, un mariage, une héroïne au caractère bien trempé, les médisances... Le style ne manque pas de mordant avec les traditionnelles adresses aux lecteurs. Une belle jeune fille trouve deux prétendants mais assez rapidement surgit un terrible secret : un mystérieux personnage semble persécuter la jeune et belle femme. Mais l'élan romanesque est souvent rompu par de nombreux portraits, des généralités sur le caractère des personnages. L'héroïne principale est peu attachante, et ne semble avoir que deux attitudes possibles : soit avoir le regard flamboyant, soit taper du pied de colère... Le deuxième personnage féminin n'a guère plus de chance : blonde et effacée, elle symbolise la parfaite  petite femme d'intérieur victorienne, n'ayant d'yeux que pour son orgueilleux mari. Si l'intrigue amoureuse semble assez vite menée, l'intrigue policière n'apparaît que tardivement et est diluée dans des considérations plus générales. Les nombreuses références littéraires sont plaisantes, cependant les multiples rebondissements ne compensent pas la lenteur et la langueur de l'histoire.

Autres avis : Cécile, Méalenn,

Premier roman lu dans le cadre du challenge Braddon de Lou

Lecture "swap portrait of lady", bilan sur le site de Lou et Titine.

Braddon, Aurora Floyd, Edition Joelle Losfeld,  555 p.

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11 mai 2010

Derrière le masque de Louisa May Alcott : ISSN 2607-0006

 

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Derrière le masque est un roman, qui vient singulièrement briser l'image sage de la romancière Louisa May Alcott. Mlle Muir, gouvernante de son état vient d'arriver dans la famille Coventry. Elle apparaît comme une créature pauvre, serviable, et sait se faire aimer de tous mais elle semble avoir parfois des regards ou un comportement étranges. Dès la fin du chapitre I, le lecteur apprendra avec stupéfaction qu'elle n'est pas ce qu'elle paraît  : la jeune fille si réservée, si blonde, et si charmante se métamorphose d'un coup : " Toujours assise par terre, elle dénoua et ôta les longues et abondantes tresses qui lui entouraient la tête, essuya le rose de ses joues, retira plusieurs dents de perle et enleva sa robe ; elle apparut alors telle qu'elle était, en effet : une femme d'au moins trente ans, décharnée, usée, ténébreuse." Quel secret cache la jeune fille ? Tour à tour, telle une sirène d'Homère, elle séduit, Mr John, le maître des lieux, puis le jeune Edward... Quel but poursuit cette créature changeante ? Mlle Muir sème le doute dans l'esprit du lecteur : quel est le rôle de Sidney,  ami de la famille Coventry et fils de Lady Sidney qui a introduit la jeune gouvernante dans la famille ? Quel dessein l'a amenée chez les  Coventry ? Pourquoi ce déguisement ?

Louisa May Alcott sait tenir le lecteur en haleine même si les ficelles de l'intrigue sont peu subtiles."  Elle s'en alla, et sir John allait se retirer aussi silencieusement qu'il était venu quand l'étrange conduite de Mlle Muir l'arrêta. Elle lâcha le livre, étendit les bras sur la table, y enfouit la tête et éclata en sanglots convulsifs, comme incapable de se contenir davantage. Bouleversé et confondu, sir John s'esquiva. Mais toute la nuit, le gentilhomme au coeur si tendre se perdit en conjectures au sujet de l'intéressante jeune gouvernante de sa nièce, ignorant tout à fait qu'elle avait eu l'intention qu'il en fût ainsi". Tel un nouveau Tartuffe, elle semble cacher un terrible secret et perturbe toute la famille : est-ce un amour malheureux avec Sidney, comme semble bientôt le croire Gérald, l'aîné des Coventry ? On peut donc reprocher à ce roman certaines facilités et notamment le manque de délicatesse et de finesse psychologique : les personnages passent de la rage au désespoir, de la haine à l'amour, en un clin d'oeil. Tout est outré, excessif et pourtant la magie opère et le lecteur reste suspendu aux pas de Mlle Muir.

Surtout l'étrange fin et le caractère atypique de l'héroïne participent du charme de ce petit roman, qui se lit avec plaisir, mettant l'intrigue extravagante au-dessus de la vérité psychologique et de la vraisemblance des événements. L'héroïne est à rapprocher d'une Lady Susan austennienne, même si l'écriture n'en n'est pas aussi subtile... Lecteurs, vous passerez quelques heures surprenantes en compagnie de ce roman agréable et léger de Louisa May Alcott.
Différents avis sur ce roman : Lou, Bladelor.
Alcott, Derrière le masque, Interférence, 213 p.

3 mai 2010

Les cinq cents millions de la Begum de Jules Verne : ISSN 2607-0006

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Dans Les cinq cents millions de la Begum, point de voyages en ballon ou dans un sous-marin, mais ce roman aborde des questions de la science et de la morale, illustrées par l'affrontement de deux personnages antinomiques : le docteur Sarrasin et le savant Schultz. Le savant français Sarrasin, à Brigthon, participe à un congrès lorsqu'il apprend soudainement, qu'il est le seul héritier d'une immense fortune, léguée par un grand-oncle, s'élevant à cinq cents millions de francs, somme considérable. Comment Sarrasin va-t-il employer tout cet argent ? Intègre, il décide de fonder France-ville, une cité où l'hygiène permettrait un mieux-être de la population. Cette utopie va-t-elle se réaliser ? Déjà, un savant allemand, Schultze, prétend à la moitié de l'héritage, dont l'intention est "la destruction de tous les peuples qui refuseraient de se fusionner avec le peuple germanique".

C'est de manière plaisante que J. Verne nous conte son histoire, grâce à des commentaires, parfois railleurs d'un narrateur omniscient,  des personnages caricaturaux et certaines scènes comiques. Voici la description du Lord, qui préside le congrès : " Une face blafarde et glabre, plaquée de taches rouges, une perruque de chiendent prétentieusement relevé en toupet sur un front qui sonnait le creux, complétait cette figure la plus comiquement gourmée et la plus follement raide qu'on put voir. Lord Glandover se mouvait tout d'une pièce, comme s'il avait de bois ou de carton-pâte. Ses yeux même semblaient ne rouler sous leurs arcades orbitaires que par saccades intermittentes, à la façon des yeux de poupée ou de mannequin" ou description d'une foule de savants apprenant une bonne nouvelle : " " Je [Sarrasin] vous fais juges, et vous-mêmes vous déciderez du meilleur emploi à donner à ce trésor !... (Hurrahs, Agitation profonde. délire général. Le congrès est debout. Quelques membres, dans leur exaltation, sont montés sur les tables") etc...

La narration simple, sans complexité, n'est pas dénuée de suspense et de rebondissements multiples : Marcel, un jeune homme, qui aide Sarrasin à lutter contre son rival allemand,  cherche à déjouer les plans diaboliques de Schultze et s'infiltre dans la cité de l'ennemi : il cherche à percer, inlassablement, le secret de ce dernier. Mais quel est ce secret ? Les digressions historico-géographiques et scientifiques n'alourdissent pas ce récit. Elle souligne la rivalité des deux pays, avec en arrière-fond la guerre de Franco-prussienne de 1870. Ce roman témoigne d'ailleurs du curieux sentiment nationaliste, présent dans maints romans européens de l'époque et s'exprimant à travers des préjugés.

Le livre est agréable à lire, comportant cette part de " bonne humeur railleuse" ou de "légèreté aimable", qui caractérisait Verne dans la vie, et est d'autant plus agréable à feuilleter qu'il est  accompagné des délicieuses illustrations originales des éditions Hetzel, de L. Bennet : fidèles au récit, elles agrémentent la lecture et créent une atmosphère désuète. Cette lecture vous fera passer, chers lecteurs, un agréable moment...

Lecture pour le défi "J'aime les classiques" , mois de mai, organisé par Marie L
Verne, Les cinq cent millions de la Begum, Livre de Poche, 242 p.

1 mai 2010

Drôle de temps pour un mariage de Strachey : ISSN 2607-0006

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" Le 5 mars, Mrs Tatcham, veuve de la bourgeoisie, mariait sa fille aînée, Dolly, âgée de vingt-trois ans, à l'honorable Owen Bigham. Il avait huit ans de plus qu'elle, et appartenait au corps diplomatique". Toute sa famille est présente le jour du mariage, un cousin ivre, son oncle, le chanoine Bob Dakin, les domestiques... et Joseph un ancien camarade, que Dolly a aimé, l'été précédent. Elle est consciente de rejouer avec lui, Le Bonheur conjugal de Tolstoi :

" Quoi, tu n'as jamais goûté de croquants ! s'était écrié Joseph à côté d'elle, la dévisageant sous son grand chapeau d'été. Mais tu dois absolument y goûter ! tu adorerais !" Or, en réalité, à travers sa physionomie, et principalement ses yeux, Joseph proclamait de tout son être, avec une ferveur violente, non pas " tu les adorerais" mais je t'adore". (Exactement comme le héros de la nouvelle de Tolstoï, Le bonheur conjugal, se tourne soudain vers l'héroïne pour lui parler de grenouilles, et qu'elle comprend, durant son récit, qu'il est en train de lui dire qu'il l'aime...". Dans le tapage des préparatifs du mariage, un drame se noue. Joseph lui avouera-t-il ses sentiments ?

"Il vaut mieux avoir aimé et perdu que ne pas avoir aimé du tout".
Avec une écriture délicate, élégante et fluide, Julia Strachey dessine des portraits comme un peintre, grâce à de magnifiques notations de couleurs. Mais elle sait être féroce pour décrire le passage du temps, le changement des sentiments et la stupidité des esprits bourgeois, matérialistes dont Mrs Tatcham en est le parfait exemple. Comparaisons animales et florales se combinent pour décrire cette galerie de portraits. Elle pose son regard d'artiste, sur  une journée et sur la faune petite bourgeoisie, présente ce jour-là. Elle a su admirablement dans le tumulte des préparatifs du mariage, mêler le tumulte des sentiments qui secouent Dolly et Joseph. A travers la banalité des conversations, dans "le bruit et la fureur", un drame psychologique se déploie, teintant d'une note de désespoir, un jour peu ordinaire. Un étrange roman sur l'opacité des consciences et l'inconstance des sentiments : " Pour compléter le tableau, le visage blanc de Dolly, avec ses lèvres épaisses et fortement ourlées, au-dessus de sa robe de laine mouchetée noire, scintillait d'une lueur pâle devant les fougères, telle une orchidée phosphorescente qui fleurirait isolée dans un marais crépusculaire.
Durant cinq ou six minutes, l'orchidée pâle et lumineuse demeura immobile, au centre de la surface sombre du miroir. Le plus étrange, c'était cette manière dont les yeux n'arrêtaient pas d'aller et venir, de changer de direction, de vagabonder, inlassablement, partout dans la pièce. De bouger constamment. c'était bizarre : ce visage d'apparence si passive et lointaine, et ces yeux si agités".

Lady swap, récapitulatif des lectures sur le site de Lou et Titine.. Avis de Titine, Lilly, Cathulu...

 Strachey, Drôle de temps pour un mariage, La petite Vermillon, 117 p.

26 avril 2010

Laura voyage dans le cristal de George Sand : ISSN 2607-0006

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Loin des romans du terroir comme la célèbre Mare au diable ou Les maîtres sonneurs, mais toujours dans une veine romantique, George Sand ( biographie ici) a écrit une nouvelle fantastique plutôt surprenante par son thème : Laura, voyage dans le cristal mêle poésie et science.
Le narrateur raconte sa rencontre avec Mr Alexis Hartz, qui lui conte comment jeune, il faillit être victime d'un cristal ! Jeune homme, regrettant la vie insouciante qu'il menait jusqu'alors, Alexis se désintéresse des cours de sciences de son oncle bègue : " Quant à moi, je me soustrayais au bienfait de cette méthode en m'endormant régulièrement dès la première phrase de chaque séance. De temps en temps, une explosion aiguë de la voix chevrotante du vieillard me faisait bondir sur mon banc ; j'ouvrais les yeux à demi, et j'apercevais, à travers les nuages de ma léthargie, son crâne chauve où luisait un rayon égaré du soleil de mai, ou sa main crochue armée d'un fragment de rocher qu'il semblait vouloir me lancer à la tête".  Il se met soudainement à étudier les sciences, pour plaire à sa cousine Laura. Mais celle-ci est promise à Walter, un compagnon d'études d'Alexis. Ce dernier sombre, sous le choc,  dans des hallucinations, qui l'amène à voyager au coeur des géodes, qu'il étudie.
Cette nouvelle fantaisiste s'inscrit dans la lignée des contes fantastiques d'Hoffmann, cité dès les premières pages. Les références littéraires se multiplient et le voyage à l'intérieur de la géode, tient à la fois du voyage au centre de la terre de J. Verne et est une réminiscence du Frankenstein de Mary Shelley. Dès le chapitre III, apparaît le personnage inquiétant de Nasias, proche du vieillard fantastique et diabolique, très balzacien, du Chef d'oeuvre inconnu ou de La peau de chagrin.

La dimension scientifique des romans de Jules Verne côtoie le pouvoir de l'imagination d'Hoffmann. Cette nouvelle est tout à fait curieuse, dans la production de G. Sand, de par son thème, qui mêle amour et géologie, et de par son intrigue extravagante mais expliquée de manière rationnelle à la fin...  Une découverte surprenante et amusante, qui permet de retrouver l'ambiance des nouvelles fantastiques du XIXeme siècle, teintées de romantisme...
Premier roman lu dans le cadre du challenge George Sand
Sand, Laura, voyage dans le cristal, Pocket, 192 p. (avec dossier)

21 avril 2010

Carmen de Mérimée : ISSN 2607-0006

 

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Carmen, Mérimée, Folio, 154 p.

Tout commence comme dans La Vénus d'Ile, du même auteur ( Biographie ici), excepté le cadre : un archéologue, en Andalousie, sur les traces des batailles de César, rencontre par hasard, un étranger. A la vue de l'agitation de son guide, il s'interroge : est-ce un contebandier ? Un voleur ? Serait-ce le fameux Don José Maria que tout le monde recherche ? Nos deux voyageurs décident d'aller se reposer dans une auberge, mais à la faveur de la nuit, le guide qui a reconnu le célèbre brigand, décide de le dénoncer aux autorités. Quant au narrateur, il sauvera cet homme. Il continue son pélerinage jusqu'au moment où sa route croise la flamboyante Carmen et de nouveau, Don José... Mais lorsqu'ils se retrouveront, Don José doit être exécuté : quels événement ont pu amener ce fatal dénouement ? Il conte alors sa vie...

Deux narrateurs se succèdent dans cette nouvelle pour nous conter leur rencontre avec l'ensorcelante Carmen, la bohémienne. La narration faite par un érudit et dandy est extrêment bien menée et l'intérêt de Mérimée pour le peuple gitan l'amène même à faire une petite étude de leur langue en fin de nouvelle. Carmen est aussi un croisement de multiples références littéraires comme le Cid ou Dom Juan, héros de la terre d'Espagne, dont Carmen garde les traces. On apprécie aussi le pittoresque de la nouvelle, avec tout un lexique espagnol, qui crée une couleur locale, et l'illustration de la passion diabolique et tragique à travers le personnage de Carmen. Un sombre mythe agréable à lire à redécouvrir...

.Mais écoutons plutôt Adrien Goetz qui a écrit une longue et belle préface  à cette nouvelle et qui a analysé ce mythe : "Carmen est devenue un monument : on a restauré aujourd'hui la manufacture de tabacs de Séville "comme elle était au temps de Carmen" et les inspecteurs des Monuments historiques ne trouveraient rien à redire à cette impeccable réalité d'un bâtiment qui ressemble à celui de la fiction. Carmen forgée de toutes pièces à partir de tout ce quipouvait renouveler la mode espagnole en 1845, est devenue un mythe universel, sans lieu, ni date. Gautier avait repris le thème dans Emaux et camées : " Carmen est maigre, - un trait de bistre/cerne son oeil de gitana" pour comparer, à la fin de son poème, sa "moricaude" à la bouche riante " qui prend sa pourpre au sang des coeurs", comme un vampire, à une Venus Anadyomène. [...] Dès lors, tout était dit et le personnage prit son essor, jusqu'à faire oublier la force contenue dans les quelques pages de Mérimée". [...] Carmen, que Mérimée avai voulue en marge des espagnolades de son temps, devient aussi peu espagnole que possible : elle rejoint don Juan, dont on oublie facilement l'hispagnisme originel, parmi les granges incarnations de la séduction, de la fatalité, de la mort."

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