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1001 classiques
19 septembre 2010

Le perroquet de Flaubert, Julian barnes

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Parlons tout d'abord un peu de Flaubert ( biographie Larousse) puisqu'il va être question de lui dans le roman de Barnes. Flaubert qui ambitionnait d'écrire sur rien a donc écrit Madame Bovary, L'éducation sentimentale mais aussi la brève nouvelle Un coeur simple. Flaubert, avec une précision documentaire - il n'a pas volé son classement d'auteur réaliste - raconte la vie de Félicité, une servante qui finit par confondre, à la fin de existence, son perroquet et l'esprit saint : dans cette nouvelle, Flaubert fait à la fois la satire d'un monde étriqué et montre son anticléricalisme. Ce perroquet tient une grande place dans la vie de Félicité et dans le livre : elle finit par l'empailler lorsqu'il meurt pour le garder près d'elle, ainsi "enfin il[le perroquet] arriva, - splendide, droit sur une branche d'arbre, qui se vissait dans n socle d'acajou, une patte en l'air, la tête oblique, et mordant une noix, que l'empailleur par amour du grandiose avait dorée" et " L'[image d'Epinal]ayant acheté, elle le suspendit à la place du comte d'Artois, de sorte que du même coup d'oeil, elle les voyait ensemble. Il s'associèrent dans sa pensée, le perroquet se trouvant sanctifié par e rapport avec le Saint Esprit, qui devenait plus vivant à ses yeux et intelligible". Si vous prenez le temps de lire la préface, lecteurs, vous découvrirez une anecdote assez amusante où on dit que l'auteur de Salammbô a fait des recherches ornithologiques, à propos de son perroquet, et il a emporté chez lui un perroquet empaillé : " je le garde pour m'emplir la cervelle de l'idée de perroquet". (Un coeur simple de Flaubert, Livre de poche, 94 p.)

Le perroquet de Flaubert, Barnes, roman stock, 341 p.

Dans Le Perroquet de Flaubert, J. Barnes met en scène un narrateur médecin en pèlerinage à Rouen qui n'est guère ému par les souvenirs de la guerre où pourtant certains de ses amis sont morts, en revanche, il s'attendrit devant la vision du perroquet de Flaubert à l'hôtel de Rouen. Pourtant lorsqu'il voit le même perroquet dans le pavillon de Flaubert à Croisset, il va chercher à savoir quel est le perroquet légitime... Notre cher docteur ne manque pas d'humour et le grotesque flaubertien semble déteindre sur le texte de Barnes. Mais sous sa drôlerie, apparaissent des questions bien plus sérieuses : quelles sont les limites de l'interprétation d'un texte ? Peut-on tout faire dire aux mots ? Il aborde aussi la question délicate de l'écriture d'une biographie. On apprend ainsi des éléments sur la vie de l'auteur notamment sa liaison avec Juliet Hebert et analyse" l'oursinité" de Flaubert : posture littéraire ou véritable solitude de cet auteur ?  Les interrogations amusantes de l'auteur n'en sont pas moins pertinentes.

Cette étude des lettres, des romans et de la vie de Flaubert, qui inclut de nombreuses recherches étymologiques, est un essai qui n'en porte pas le nom. A l'image de l'écriture de Flaubert, Barnes mêle sérieux et comique et des réflexions fines sur les raisons d'écrire. Lecteurs, vous apprécierez ce livre, si vous aimez l'humour british, Flaubert... (ou les perroquets !) car sous forme de digressions désinvoltes et jubilatoires, Barnes nous promène dans l'oeuvre de ce romancier majeur du XIXeme siècle. Un essai vraiment original !

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29 août 2010

Le secret de la ferme-grise de M-E Braddon : ISSN 2607-0006

 

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Dans la seconde moitié du XIXeme siècle, l'Angleterre victorienne voit l'essor du roman policier, épigone des romans gothiques où s'illustrent Collins ou Braddon. "Le vent d'automne soufflait avec des hurlements tristes et étranges, et des sons inarticulés et plaintifs s'élevaient des champs plats et nus. Le brouillard sortait de ces terres dépouillées et des prairies basses, et s'étendaient comme un funèbre voile, sous lequel la rivière coulait lentement pour aller se jeter au loin dans la mer." Le décor est planté, celui d'une campagne anglaise humide, peu accueillante et cachant de terribles secrets. Le récit s'inscrit d'emblée sous le signe de la mort avec l'enterrement de Martin Caldéon, mort étrange en vérité car Martin, le gentilhomme fermier de la Ferme-grise, meurt d'une maladie inconnue alors qu'il était jeune et de robuste constitution. Agnès, sa future fiancée, hait Dudley, le frère du défunt. Pourquoi ? Est-elle folle comme le sous-entend Dudley ? Cette lande abrite des personnages inquiétants tel l'intendant Purvis, qui suit comme un fantôme chaque pas de son nouveau maître Dudley Carléon. L'avoué de Dudley le met en garde contre cet individu. Est-il en danger comme le pense l'avoué ? L'auteur entoure peu à peu de mystère ses personnage principaux : de nombreux faits sont elliptiques ou inexpliqués comme le départ de Purvis et de sa soeur à Londres, le comportement étrange de Dudley envers ce dernier...

Lecteurs, vous cherchez du mystère, des secrets cachés par des gentlemen victoriens et de la noirceur, alors ouvrez Le secret de la ferme grise... E.Braddon a su merveilleusement peindre la désolation du lieu, sinistre et sombre à souhait. la ferme-grise basse et sombre semble un tombeau pour ceux qui s'en approchent. On soupçonne, sous ce récit, un secret annoncé par différents indices disséminés - comme l'aveu d'Agnès, les pressentiments de Judy - dans le texte mais qu'on ne comprend qu'à postériori ou qui ne sont confirmés que plus tard. Cette histoire elliptique nous permet d'entrevoir la vérité qu'à la fin de la nouvelle, qui se lit trop rapidement contrairement à ses romans un peu bavards, mais dont l'intrigue nous fascine jusqu'à la dernière ligne. Vous trouverez, dans ce roman, les jalons de ce qui a contribué au succès de certains romans victoriens...

 Braddon,cLe secret de la ferme grise, Labyrinthes, 92 p.
L' avis de cécile et celui de Lilly, Allie.

Lu dans le cadre du challenge Braddon de Lou;

22 août 2010

Est-ce ainsi que les femmes meurent ? de Didier Decoin : ISSN 2607-0006

 

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A mi-chemin entre la fiction et le reportage, Didier Decoin relate lentement avec beaucoup de précisions l'histoire de Catherine Genovese qui s'est déroulée dans les années 60 en Amérique et qui a défrayé la chronique. Lorsque celle-ci se fait poignarder à plusieurs reprises par un dément, aucun de ses voisins ne réagit. Pourquoi les gens ne se sont-ils pas portés à son secours ? Pourquoi personne n'est venu aider cette pauvre femme ? Minutieusement, à travers la bouche d'un des voisins de Catherine, absent le soir du crime, le lecteur assiste à son meurtre puis à l'arrestation et au procès du meurtrier.
Cette situation qui a montré la lâcheté, l'égoïsme des hommes a donné son nom à un syndrome : "le syndrome Kitty Genovese" désigne le fait de ne pas intervenir lorsque l'on pense qu'un tiers peut aussi réagir dans une situation donnée. Voici les conclusions d'un psychosociologue du XXeme siècle, Stanley Milgram : " Cette affaire touche à quelque chose d'essentiel de notre condition humaine. Si nous avons besoin d'assistance, ceux qui nous entourent vont-ils rester à ne rien faire en nous regardant disparaître, ou bien vont-ils voler à notre secours ? Ces autres créatures sont-elles là pour nous aider à sauver nos vies et nos biens, ou ne sommes-nous les uns pour les autres que des particules de poussière flottant dans le vide ?".

La narration de ce crime tend ainsi à analyser le comportement, non pas du tueur, mais celui du témoin. Qui est le plus coupable ? Ce drame horrible et odieux révèle une facette pessimiste de l'âme humaine.  Didier Decoin a su judicieusement et objectivement rendre compte d'un drame révélateur du comportement humain tout en l'ancrant dans l'histoire américaine :  ainsi s'ajoute à l'enquête policière une étude sociologique sur la vie du quartier, de la perception de l'homosexualité à 'époque, la question de la criminalité... Avec lenteur, précisions et réalisme, grâce à ce récit génériquement diversifiée - l'enquête menée par un journaliste, procès, évolution des personnages -  il réussit à captiver l'attention du lecteur et à l'informer d'un fait divers majeur, tout en l'amenant à réfléchir sur ses actes. Est-ce ainsi que les femmes meurent ? est une réflexion sociologique et psychologique captivante, ancrée dans l'Amérique des années 60, amenée par un récit sombre mais juste.

Decoin, Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, Livre de poche, 186 p.
Merci à BOB et à livre de poche pour ce partenariat.

8 août 2010

Chez les heureux du monde d'Edith Wharton : ISSN 2607-0006

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"Lily savait qu'il n'est rien dont la société se venge plus durement que d'avoir couvert de sa protection des gens qui n'ont pas su en profiter : c'est pour avoir trahi sa complicité que le corps social punit le coupable qui se laisse prendre. Et, dans le cas présent, il n'y avait pas de doute sur l'issue"...

Edith Wharton a su délicieusement peindre la société new-yorkaise, pour l'avoir fréquentée. Elle la décrit admirablement dans Chez les heureux du monde, qui raconte la destinée de Lily Bart, jeune fille sans appui et sans argent, évoluant dans les hautes sphères de l'aristocratie New-yorkaise : elle est admirée pour sa beauté "décorative" et adulée par tous les hommes qui l'approchent. "Au-delà" - devise de Lily - des dorures, des faux-semblants et des artifices se cachent des codes impitoyables à ne pas transgresser. Les rumeurs et les médisances de sa propre classe sociale briseront sa réputation pourtant sans tache.

Il y a un peu de Proust dans cette description d'une société new-yorkaise, qui vit régentée par ses propres codes, comme la coterie des Verdurin, le côté de Guermantes... Féroce satire des arrivistes, des aristocrates, la plume sans concession et ironique d'Edith Wharton n'épargne personne, pas même son héroïne lucide mais attachée à des valeurs qui la perdront. Les splendeurs et les misères de Lily sont le reflet d'une aristocratie décadente, bientôt supplantée par une nouvelle caste. Sous les froufrous des jupes, les grandioses réceptions, les bals, les masques tombent.
Il y a un peu de Jane Austen dans la destinée de l'héroïne, qui oscille au-dessus d'un gouffre, entre argent et mariage. Tragédie sociale, Chez les heureux du monde est aussi un tragédie de l'amour. Entre le riche mariage qu'elle rêve de faire et son amour pour Selden, elle hésite mais le poids de la société et ses choix, faits en dépit des conventions, transformeront sa vie en une poignante tragédie.
Cependant l'écriture d'E. Wharton est inimitable dans sa poésie et dans sa mélancolie et on souffre, on frémit et on pleure en même temps que l'émouvante miss Bart.  On ressort de cette lecture, ébloui par la fluidité et la beauté de l'écriture de cette romancière mais aussi étreint par une grande tristesse pour le sort de l'héroïne. Un livre à lire absolument pour sa délicate peinture des moeurs américaines du début du XXeme siècle et découvrir une héroïne hors du commun...

Wharton, Chez les heureux du monde, Livre de poche, 427 p.

Autres romans : Xingu, Le triomphe de la nuit

Challenge Edith Wharton  de Titine. Lu aussi par Lilly.

13 juillet 2010

La femme de hasard de Jonathan Coe : ISSN 2607-0006

 

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Ma chère Lou,
Le billet écrit à quatre mains sur Catalène Roca m'a si bien amusée, que je te propose un échange de mails autour d'un auteur anglais, cette fois-ci. Après la lecture de testament à l'anglaise que j'ai fort apprécié, je me suis donc lancée dans un nouveau roman de Jonathan Coe : La femme de hasard. Que n'ai-je eu raison d'ouvrir ce petit livre me suis-je dis tout d'abord ! C'est bourré d'humour, avec des interventions de l'auteur et un personnage principal, Maria, dont on nous raconte l'adolescence, qui a pour modèle philosophique la vie de son chat : " Cette créature, un petit matou marron et blanc nommé Shefton, n'avait que deux ans, mais son attitude et sa philosophie de la vie contredisait son jeune âge. Maria l'aimait sincèrement, d'un amour fondé, comme il se doit sur un profond respect. Shefton semblait avoir tout compris à la vie, sur tous les plans. Les buts de son existence étaient peu nombreux, et tous admirables : se nourrir, rester propre, et par-dessus tout dormir".

Et puis passées les premières pages, ma lecture est devenue fastidieuse. La femme de hasard, c'est l'histoire d'une vie mais d'une vie gâchée et l'infinie suite des déboires de notre chère Maria finit par lasser.  Il est aussi question du bonheur et bien sûr de hasard. Mais cette réflexion sur le bonheur n'est guère plaisante : " Honnêtement, je commence à en avoir marre de Maria et son histoire" dit le narrateur. Comment l'auteur a-t-il fait pour deviner mes sentiments ? Moi aussi je ressentais cet ennui. Mais je ne veux pas en dire trop et je vais te laisser le plaisir ou le déplaisir de découvrir ce livre : Les pensées de Pascal paraissent presque un divertissement devant le désintérêt que m'a causé le livre ! J'ai donc fini ma lecture agacée. Quel ennui ! Quelle déception ! Vraiment j'ai hâte de connaître ton avis pour savoir comment tu perçois cette histoire : va-t-elle t'amuser ? Ou le livre va-t-il te tomber des mains ?

Maggie

 

Dear Maggie,

C’est avec un affolement certain que j’ai reçu ton mail contenant ces quelques lignes sur Jonathan Coe. Bien évidemment, je n’avais toujours pas ouvert La Femme de Hasard qui menaçait de s’écrouler dans un carton (où j’ai a priori laissé se glisser quelques objets dont j’ai un besoin impératif, mais c’était couru d’avance !). J’étais par ailleurs en train de suer sang et eau sur une autre lecture, l’esprit passablement ailleurs puisque, au risque de me répéter, je devais quitter mon appartement ce week-end et j’ai été assez (pré)occupée ces derniers temps. Toujours est-il que j’ai décidé de saisir le taureau par les cornes, de ne pas remettre au lendemain ce qui pouvait être fait le jour-même (sur ce coup, je me suis impressionnée), puis je suis courageusement partie travailler sous un soleil de plomb en glissant ce petit roman dans mon sac et en croisant les doigts pour ne pas être déçue, car je n’ai pas envie de lire grand-chose en ce moment et mes livres et moi boudons régulièrement dans notre coin depuis le début de l’été.

Bref, pour ceux qui vont débarquer sur nos blogs en ce moment et se demander s’il n’y a pas par ici une erreur de transmission, une fausse manip ou une preuve manifeste de la théorie du complot, cette femme de hasard est donc une certaine Maria, héroïne assez atypique en ce sens qu’elle mène une vie follement ennuyeuse, se fait trois amis en dix ans (nous croiserons donc peu de personnages en cours de lecture), va à Oxford sans que le lecteur n’ait d’information bien précise sur la formation qu’elle suit (diantre ! c’est Oxford tout de même ! mais avec l’enthousiasme forcené de Maria, on pourrait tout aussi bien se trouver à Cardiff). Voilà une personnalité curieuse, que le narrateur s’amuse à décortiquer en intervenant en effet fréquemment via divers commentaires à l’attention du lecteur, lui précisant les conditions météorologiques afin de satisfaire son caractère tatillon, lui expliquant qu’il en a maintenant assez d’utiliser le temps présent ou que, puisque Maria se souvient de certaines époques sous un soleil d’été, tel et tel chapitre seront exempts de pluie, même si l’histoire se déroule en Angleterre (cela se passe de commentaire). Maria ne s’enthousiasme jamais, ne voit pas pourquoi il faudrait toujours sourire ou s’emporter, ni en quoi il est nécessaire de faire partager à ses congénères un état de satisfaction en faisant preuve d’une spontanéité excessive. C’est un personnage morne d’apparence et dont on suit les pas avec une certaine appréhension, ne voyant pas bien comment l’histoire pourrait s’éclairer avec une héroïne aussi sinistre – et si banale que l’on finit par s’interroger sur ses propres passe-temps et réactions afin de déterminer si elles ressemblent un tant soit peu à celles de Maria.

Personnellement j’ai une nouvelle fois été séduite par cet écrivain, qui maîtrise divinement l’art de la narration, produit des textes très divers et a su me surprendre au cours de mes deux lectures. En revanche, je pense que c’est un roman à lire plus ou moins d’une traite : en s’attardant, on risque de trouver que l’histoire stagne et je dois avouer que s’il avait été plus long, je l’aurais peut-être trouvé un peu ennuyeux moi aussi. En l’occurrence, mon seul regret concerne la fin : la chute un peu brutale laisse presque penser que Coe ne savait plus quoi faire avec cette héroïne statique, pas assez passionnée pour se suicider ou trouver une occupation digne d’intérêt, pas assez résolue pour changer réellement de vie et pas assez sociable pour nous faire croiser de nouveaux personnages plus intéressants (constat également fait le narrateur qui s’excuse de la platitude avec laquelle sont abordés les seconds rôles). Enfin, malgré ça, j’ai enfin réussi à savourer un roman en cette période peu propice à la lecture… tout ça grâce à ton mail anxiogène au départ… alors merci à toi !

Lou, pleine de courbatures et prête à se plonger dans la préparation de son voyage en Angleterre (oh yeah)

PS : nous n’avons pas dû lire la même version des Pensées, ou alors… mmh, Maggie, de gros soupçons pèsent désormais sur toi concernant le contenu de la théière posée près de toi lorsque tu as affronté Pascal…

Ma chère Lou très chanceuse d’aller en Angleterre,

Permets-moi de riposter en deux lignes, sinon aucun lecteur ne s’aventurera à lire ce billet fleuve, genre cher aux romanciers du XIXeme siècle que plus personne ne lit : tout d’abord, je suis ravie de voir que ce livre t’ait plu et deuxièmement, non, quelques gouttes de whisky ne sont pas tombées par inadvertance, dans ma tasse, pendant ma lecture des Pensées ! Qu’insinues-tu ? Quoique à bien y réfléchir, ça m’aurait rendu la lecture de Pascal moins pénible !

Sur ce je t’embrasse et je souhaite beaucoup de soleil pour ton séjour londonien.

Maggie

Correspondance avec Lou.

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11 juillet 2010

Série Z de J. M. Erre : ISSN 2607-0006

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"Plus il ne paye pas de mine, moins il n'est pas coupable". Lecteurs, regardez-vous des films de Série Z ? C'est le cas de Félix Zac, anti-héros de série Z de J.M. ERRE, qui maîtrise sur le bout des doigts, Retour des tomates tueuses, L'attaque des sangsue géantes, des clowns tueurs de l'espace, Les rats de l'Apocalypse...

Félix, trentenaire, ayant une femme, une fille,  écrit des scénarios de films inachevés où des septuplés se clonent pour monter une équipe de foot ou bien un détective narcoleptique enquête tout en dormant 20 heures par jour... Situation très banale me diriez-vous ! Cependant, le dernier scénario, qui a pour titre l'Hospice de l'angoisse, a été repéré par Boudini, un réalisateur-boucher. Félix, l'artiste maudit, va-t-il enfin réaliser son rêve ?

Ainsi les héros de son film sont des acteurs retraités ayant la fâcheuse manie de disparaître. Enlèvement par extraterrestre ? Diminution de taille ? Invisibilité ?
Vous l'avez compris : ce livre parle de série Z, défini par l'auteur lui-même : "Au cinéma on désigne sous le nom de série Z une catégorie de films moqués pour leur budget insignifiant, leur médiocrité technique et leur pauvreté artistique. " Mais Félix n'écrit pas seulement des intrigues de films "bis", il tient un blog et devient enquêteur malgré lui lorsque la réalité rejoint la fiction et que de véritables disparitions ont lieu dans la Niche Saint Luc, une maison de retraite d'acteurs de série Z. Commence alors une enquête délirante...
Difficile de ne pas rire devant cette parodie de blog, de scénario de film Z et la caricature de la vieillesse. Clins d'oeil, jeux de mots, l'auteur use allégrement  d'humour noir et d'humour potache... Série Z est aussi une parodie de romans policiers. Divertissant ? Distrayant ? Non, complètement hilarant et J.M. Erre, par de nombreux rebondissements et par ce livre peu sérieux, voire irrévérencieux, sait nous faire rire jusqu'à la dernière page ! Cependant, à lire à petite dose pour ne pas faire de cauchemars sur les dentiers, charentaises, pacemaker et déambulateurs, accessoires indispensables de la Niche Saint Luc !

Erre, Série Z, Buchet et Chastel, 366 p.

Lu par Lou...

5 juillet 2010

Rébecca de Daphné Du Maurier : ISSN 2607-0006

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Ma chère Océane,
Tu nous demandais, pour ton challenge Daphné du Maurier, de te raconter nos impressions sur les romans de cette romancière britannique : voici celles que j'ai ressenties à la lecture de Rebecca. Je ne gardais qu'un vague souvenir du film de Hitchcock que j'ai vu, il y a une éternité, et qui a immortalisé l'oeuvre la plus célèbre de Daphné du Maurier. Ai-je aimé ce film ? Ai-je frissonné  ? Je n'en sais rien car mon souvenir est très vague bien que je sois certaine de l'avoir vu. J'ai d'ailleurs bien envie de le revoir, maintenant, une fois le livre refermé.
Lorsque j'ai commencé ma lecture j'ai tout de suite été séduite par l'atmosphère de ce roman : les premières pages m'ont évoqué un château de conte de fée, celui de la belle au bois dormant mais en plus inquiétant. J'ai beaucoup apprécié cette narration à la première personne qui nous permet d'être plus proche du personnage principal, cette jeune fille pauvre qui est obligée de se plier aux caprices d'une vieille dame vaniteuse : elle est bien moins oie blanche qu'on ne le croit... J'ai aimé tout de suite cette héroïne réservée, à la limite de la naïveté, due à son jeune âge et à son humble condition. Mais lorsqu'elle analyse le comportement de Mrs Van Hopper, on perçoit bien le fait qu'elle n'est pas dupe de la comédie sociale de cette dernière : "J'aurai voulu avoir le courage de redescendre par l'escalier de service et gagnant de là le restaurant, le [Mr de Winter] prévenir du piège. Mais le souci des convenances me paralysait et puis je ne savais pas comment formuler mon avertissement. Il n'y avait rien d'autre à faire que de m'asseoir à côté de Mrs Van Hopper, tandis que, semblable à une grosse araignée satisfaite, elle tisserait son filet d'ennui autour de l'étranger". J'ai beaucoup aimé aussi la manière dont elle aborde la question du souvenir, la conscience du temps qui passe, sa sensibilité et son imagination très romanesque lors de sa rencontre avec Mr de Winter, le propriétaire de Manderley...

" J'ai rêvé l'autre nuit que je retournais à Manderley" : dès les premières lignes, mon esprit était tout occupé par Manderley tout en me demandant quel pouvait bien être son secret... Et quel secret ! Au fur et à mesure de ma lecture, j'étais suspendue aux paroles de cette jeune fille et j'ai découvert en même temps qu'elle, à travers son regard craintif et admiratif, le manoir de Manderley... Quel suspense ! A partir de son arrivée dans ledit manoir, j'ai senti une tension, une angoisse, qui ne s'est achevée qu'à l'avant dernier chapitre. "Inquiétant, "troublant", "angoissant", "envoûtant", les adjectifs me manquent pour qualifier ce roman et parler des divers sentiments qui m'ont traversée, au fur et à mesure que je découvrais les multiples rebondissements, et que le voile se levait sur le personnage de Rebecca. 

Merci pour ton challenge qui m'a permis de me plonger dans le monde ténébreux de Daphné du Maurier. Je t'écrirai bientôt pour te raconter mes impressions au sujet de L'auberge de Jamaïque... et peut-être d'autres romans si j'arrive à leur mettre la main dessus !

Maggie

du Maurier, Rebecca, Livre de Poche, 378 p.

Challenge d'Océane

27 juin 2010

Les misfits d'Arthur Miller : ISSN 2607-0006

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"Tout ce qui en vaut la peine est dangereux" (p. 111)

"Ni roman, ni pièce de théâtre, ni découpage cinématographique" : l'auteur présente ainsi le récit des Misfits. Alors quel est le thème de ce récit ? Peu à peu se dresse devant nous une ville typiquement américaine, des années 50, dans le désert du Névada, avec son casino, ses policiers et ses personnages, Roslyn fraîchement divorcée accompagnée d'Isabelle. "Quelques portes plus bas, il y a un casino. Une demi acre de terrain planté de machines à sous pansues, reflétant sur la rue ses néons rose et bleu. Les allées latérales sont presque toutes vides, mais quelques indigènes tôt levés actionnent leur leviers dans cet océan de chrome, fixant les éclairs de métal, tels des poissons dans quelque glauque univers sous-marin. Les deux femmes s'assoient au bar, observant les rares joueurs" : On se croirait effectivement plongé dans une comédie américaine  avec ces personnages de paumés plutôt atypiques : Gay, le cow boy épris de liberté, Roslyn, mystérieuse, naïve et Guido, qui semble vivre sans réel but. Chacun à sa manière refuse cette société : Gay cherche à fuir dans les montagnes, Roslyn fuit les hommes et le mariage... La détresse des personnages est palpable ainsi qu'une tension latente. La rencontre de  ces trois protagonistes et leur incompréhension mutuelle vont les amener au bord du drame.

Ce récit nous emmène loin, très loin dans un ailleurs fait de déserts peuplés de mustangs, sans qu'il y ait vraiment d'intrigue : on suit les pas de ces trois personnages à la poursuite de leurs chimères, même s'ils restent opaques jusqu'aux dernières pages. Comme dans un film, on les observe de l'extérieur....  Est-ce  l'écriture de Miller qui rend ce livre si intéressant. Est-ce la solitude des personnages et l'ambiance douce-amère qui rend ce livre si attachant ? Ou est-ce l'évocation d'une Amérique mythique, les belles descriptions  visuelles du Nevada sauvage qui nous laissent rêveurs ? Les misfits est comme le reflet d'une Amérique légendaire, les dernières lueurs d'un certain Ouest américain et une comédie humaine poignante...

Miller, Les misfits, Robert Laffont, 213 p.

Merci BOB pour ce partenariat et Robert Laffont. L'avis de Fleur, Clara,...

11 juin 2010

Zuleika Dobson de Beerbohm : ISSN 2607-0006

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Sachez qu'un livre à couverture rouge, avec inscrit comme nom d'auteur Beerbohm peut cacher une histoire pleine d'extravagance. A rebours de Huysmans est le bréviaire de la décadence française, de même Zuleika Dobson est celui de la littérature fin de siècle anglaise avec son cortège de symboles : les objets délicieusement raffinés, le primat des sensations sur l'objet nommé, le vocabulaire rare, les références à la littérature antique, les expression latines et l'amour de l'esthétique.

Le narrateur présente son livre par cette mise en garde : " Lorsqu'en 1911 ce livre fut publié pour la première fois, certaines personnes, apparemment, crurent que l'intention satirique et les cibles diverses : instinct grégaire, coquetterie féminine, snobisme, voire même, prestidigitation. Pour moi, je n'y avais vu qu'une fantaisie ; et c'est en tant qu telle, pensé-je, qu'elle devraient être considérée. Mais toute imaginative qu'elle soit, la fantaisie doit s'ancrer dans la réalité ; et mes lecteurs penseront sans doute que le tableau que je brosse de la ve à Oxford est une douloureuse entorse à cette règle. [...] "

Fantaisiste, Zuleika Dobson l'est assurément. L'imagination débridée de l'intrigue met en scène une institutrice devenue prestidigitatrice, entourée par de jeunes gens tous amoureux d'elle, suscitant un suicide collectif qui va décimer tout Oxford ! Autour d'elle évoluent des fantômes, des statues qui transpirent... Toute la première partie du roman est consacrée à deux personnages typiquement fin-de-siècle mais caricaturaux : Zuleika, la femme fatale, l'enchanteresse, la sirène qui va mener au suicide tout Oxford  et le duc Dorset, dandy par excellence : " Elle [Zuleika] l'avait ensorcelé certes : Il était d'autant plus nécessaire qu'il se privât de toute conversation avec elle. Il fallait impérativement la chasser au plus vite de son esprit. Il ne devait à aucun prix diluer l'essence de son âme. Il ne pouvait sacrifier son dandysme à aucune passion. Le dandy doit être célibataire et cloîtré  c'est un véritable moine, avec un miroir comme chapelet et pour bréviaire, un anachorète mortifiant son âme pour la perfection de son corps"... Non sans humour, Beerbohm reprend des poncifs et dénonce ses propres personnages comme insupportables !

Pas de critique ? Rien n'est moins sûr ! Lisez ce passage-ci : "Les notions qu'avait Zuleika de la vie d'Oxford étaient un peu brumeuses. Le duc eut peine à lui faire comprendre qu'il ne pouvait pas, même en vêtement d'homme, comme elle le suggérait, l'inviter à la Junte. [...]. Elle ne pouvait comprendre cette admirable fidélité aux obligations sociales qui est une de ces vertus enracinées dans notre aristocratie". Comment ne pas y voir une critique sous-jacente bien que l'auteur s'en défende ?

De drôles et jolies illustrations de George Him renforcent le charme de cette "fantaisie". Et comme toute fantaisie qui se respecte, il manque un peu de sens à cette histoire et perdu dans les digressions, le lecteur peut trouver cette imagination trop débridée un peu lassante.  Mais les courts chapitres vifs, mettant en valeur la préciosité du langage et l'humour de l'auteur, parfois cynique, rendent plaisante et charmante cette étrange histoire.

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 Beerbhom, Zuleika Dobson, Monsieur Toussaint Louverture, 352 p.

Merci à BOB  et à Monsieur Toussaint Louverture pour cette délicieuse découverte et cette magnifique édition !

 

5 juin 2010

Testament à l'anglaise de Jonathan Coe : ISSN 2607-0006

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Lorsque l'on ne connaît pas l'oeuvre d'un auteur, on s'interroge avant d'ouvrir la première page, sur l'histoire qu'il va nous raconter, sur son écriture... Dans quel genre d'atmosphère va-t-il nous emmener ? Et parfois, on découvre des livres extrêmement drôles, attachants et étranges, comme Testament à l'anglais, qui est une oeuvre foisonnante et caustique.

Sous couvert d'écrire la fresque d'une famille anglaise, les Winshaw, c'est toute la société contemporaine qui est dénoncée. Jonathan Coe critique le pouvoir néfaste d'une élite abusant de son argent et de son pouvoir. Les pages qui dénoncent l'élevage intensif de Dorothy, l'une des filles de la famille Winshaw, sont insoutenables de cruauté et d'horreur mais se terminent par une pirouette : le mari de Dorothy, George, se suicide, ne supportant plus cette femme sans coeur, massacrant ses bêtes. Le mot de la fin est ce titre d'un entrefilet dans un journal : "un fermier pervers se donne la mort par amour pour un veau !". Henry, homme politique, commente la politique comme une "mascarade", "une farce sinistre". Les situations loufoques se succèdent, notamment, dans les réponses sibyllines de Henry lors d'une interview : ..."Et ainsi, en consultant la transcription de ce débat, j'ai découvert que lorsque le docteur Gillam a soulevé la question d'une restriction délibérée des subventions pour préparer le terrain de la privatisation, la réponse de Winshaw a été : "17 000 000 en cinq ans 12, 3 % du PNB 4 % de plus que la CEE 35 % supérieur à l'URSS 34 000 MG pour chaqueHAS x 19,24 en termes réels 9,586 pour chaque FHSA rectifications saisonnières à 12 900 000 + 54,67 a 19 % incl TVA s'élevant à 57 % dépendant de l'IPR par le IHSM l 4,52 la Sécurité sociale est entre de bonnes mains avec nous"" ! La satire de la politique est féroce et atteint même la politique contemporaine avec un très long chapitre consacré à la guerre du Moyen Orient...

Des excentriques, des excentriques et encore des excentriques ! Chaque chapitre est consacré à un personnage différent mais le rôle de Michael est bien plus important et récurrent : fantasque et vivant depuis des années coupé du monde à cause d'un film qui l'a traumatisé, il a ainsi commencé à écrire la saga des Winshaw :  "Par une curieuse ironie cette même Tabitha Winshaw, aujourd'hui âgée de quatre-vingt-un ans et pas plus saine d'esprit qu'elle ne l'a été durant les quarante cinq dernières années, se trouve être, amis lecteurs, le mécène, du livre que vous tenez en main." Tabitha, considérée comme une vieille folle perd son frère préféré dans la tourmente de la guerre en 1940 : elle croit aussitôt à un meurtre. Sa folie meurtrière est plutôt risible et tendrait à nous faire accroire à sa folie : " Parmi les instruments dont sa violence se munit pour attaquer Lawrence, on compta des chandeliers, des parapluies de golf, des couteaux à beurre, des lames de rasoir, des cravaches, un luffa, un mashie, un niblick, une trompe de guerre afghane d'un considérable intérêt archéologique, un pot de chambre et un bazzoka". 6 pages plus loin et 19 ans plus tard, le manoir des Winshaw est le théâtre d'un deuxième meurtre. Tabitha est internée mais décide de faire écrire l'histoire de sa famille. Lawrence, son frère, a-t-il été capable de commanditer le meurtre de son frère Geoffroy ?

Cette galerie haute en couleurs, avec des personnages aussi farfelus les uns que les autres, permet à Jonathan Coe de débusquer les travers d'une élite dirigeante où un galeriste choisit les tableaux en fonction du minois des jeunes artistes, un monde où tout s'achète... Tous les sujets, finance, politique, le milieu de l'édition, celui de la télévision anglaise passent au crible de l'humour de Coe. Quel talent ! Lecteurs, on croit entrer de plain-pied dans un polar mais qui s'est révélé être une satire du pouvoir et de la classe dirigeante. Ce serait gâcher votre plaisir de lecture que de vous emmener dans de nouvelles et longues citations et remarques, découvrez plutôt l'atmosphère caustique de ce livre en  l'ouvrant...  Testament à l'anglaise est une histoire longue, complexe, foisonnante, qui mêle histoire et fiction,  destin individuel, celui de Michael et la vie sous l'Angleterre du XXeme siècle. Où commence la fiction ? Où prend fin la réalité ? Jonathan Coe brouille les pistes créant un livre assurément original et polémique.

La fin du roman est entièrement constituée de rebondissements, suivie d'une note de l'auteur encore plus surprenante. Article de journaux, extraits de journal intime, récit à la première personne, la narration dynamique nous décrit à la fois les tribulations de l'écriture d'un manuscrit et la rocambolesque aventure d'un anti-héros qui va même être filé par une 2 CV... Ce roman est remarquablement étrange, plein d'humour et imprégné de références cinématographiques et littéraires.  L'illusion baroque n'est jamais loin de ce livre déconcertant et certes inclassable.

Coe, Testament à l'anglaise, Folio, 677 p.

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