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1001 classiques
25 août 2012

Bouvard et Pécuchet de Flaubert : ISSN 2607-0006

 

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 "Le roman a plus de libertés" ( p. 218) : Avec Bouvard et Pécuchet, Flaubert entreprend une "débalzacionisation" du roman (Biasi). Selon l'auteur lui-même, en le comparant à Nana sorti depuis peu, le livre aura autant de volupté qu'un ouvrage de mathématiques. Bouvard et Pécuchet sont deux anti-Emile, qui après toute une vie de modestes copistes, décident de se retirer à Chavignolles pour y étudier sans maître et avec anarchie toutes les disciplines et toutes les sciences de leur temps en puisant les savoirs dans les livres...

"Une tour de Babel de la sciences " ( Maupassant)  : Après l'achat d'une ferme, nos "deux vieillards abécédaires" ( Thibaudet) s'improvisent agronomes, puis horticulteurs. Mais leur jardin devient un anti-jardin romantique " effrayant" où une pagode chinoise côtoie une cabane brûlée et un tombeau étrusque ayant l'apparence "d'une niche de chien" au milieu des épinards. Après cet échec, ils se consacrent à la chimie : "les bouteilles de chablis, coupées avec du moût, éclatèrent d'elles-mêmes. Alors ils ne doutèrent plus de la réussite" ! Ainsi voguant d'échecs en d'échecs, ils lisent des ouvrages sur la politique, la philosophie et l'éducation... constatant à chaque fois une inadéquation entre les livres et le monde. N'est-ce pas le syndrome du bovarysme ? Ils constatent que le fixisme de Cuvier s'oppose aux théories de Darwin, différentes des théories de Saint-Hilaire ou de Lamarck. En ce qui concerne les gouvernements qui croire ? Rousseau  ou Helvétius ? Faut-il être neptuniste ou plutoniste ? Renvoyant dos à dos tous les discours, les deux cloportes constatent le vacillement de toute vérité et de toutes connaissances.

" Une espèce d'encyclopédie de la bêtise humaine" (Flaubert, Correspondance): Nos deux cloportes s'approprient physiquement ces connaissances, l'un s'affublant d'une couverture et prenant des airs mystiques pour figurer un saint et l'autre se couvrant d'un casque pour figurer un chevalier lorsqu'ils s'improvisent historiens. Que font-ils pour s'approprier des connaissances archéologiques ? Ils créent un musée et entassent un Saint-Pierre, des tuiles rouges, des chaînes, plus proche d'une "quincaillerie" que de pièces authentiques. Ils échouent dans l'éducation de deux enfants qu'ils ont adoptés : les personnages sont-ils bêtes ? La bêtise est-elle dans les livres ? Est-ce un défaut de méthode ? Bien que l'ironie et le discours indirect libre empêchent toute certitude, on constate que ce sont moins Bouvard et Pécuchet les imbéciles que les Chavignollais qui les entourent ou leur manque d'esprit de synthèse. Ne dit-on pas au chapitre VIII qu'ils perçoivent la bêtise " des réclames de journaux", des bourgeois et des propos saisis au hasard et en sont affligés.

"Le comique d'idée" (Flaubert, Correspondance) : cet anti-roman sérielle n'est pas aussi ennuyeux que l'on pourrait l'imaginer même si certains passages sont fastidieux à lire de par leur érudition. L'ironie mordante et le comique sont omniprésents et apte à renverser les idées reçues. Bouvard et Pécuchet s’entraînent à la gymnastique. Voilà comment ils sont décrits : "La campagne étant plate on les apercevait de loin ; - et les villageois se demandaient quelles étaient ces deux choses extraordinaires, bondissant dans l'horizon". Et Pécuchet voit tout en noir car il a attrapé la jaunisse faute de pouvoir trouver une définition du beau... S'ajoutent à cela Le sottisier et le dictionnaire des idées reçues : une deuxième partie, inachevée, aurait été consacrée à la copie de citations par nos deux cloportes. Voici quelques perles :

- " Je comparerais volontiers le cultivateur au moment de la moisson à un général d'armée au moment de la bataille ( A. de Roville, La maison rustique).

- " De quel filtre les Parisiennes se servent-elle pour être toutes jolies au mois d'avril, même celles qui ne le sont pas ? Est-ce un don qu'elles tiennent du serpent qui les a tant aimées depuis le jardin d'Eden ? Amédée Achard, L'illustration.

- "c'est dommage que Molière ne sache pas écrire" ( Fénelon)

- "Cygne : chant du cygne parce qu'il ne chante pas. /  blanc comme un cygne, attendu qu'il y en a des noirs."

" L'ineptie est de vouloir conclure ( Flaubert) : Peut-on apprendre quelques choses dans les livres ? Selon Barthes, les savoirs dans les romans existent mais ils sont transmis d'une manière indirecte, " étoilés". L'écriture de Bouvard et Pécuchet avec la représentation de connaissances instables et des vérités inatteignables n'aboutit-elle pas à la construction d'un savoir, de facto une critique du figement des savoirs ? N'est-ce pas ce qui transparaît dans le passage suivant : "L'art, en de certaines occasions, ébranle les esprits médiocres; - et des mondes peuvent être révélés par des interprètes les plus lourds". (p. 211)

Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Folio, 565 p.

Autre roman : Madame Bovary

Quelques ouvrages à consulter :

Tibaudet Albert, "Bouvard et Pécuchet", Gustave Flaubert, Gallimard, Paris, pp. 202-220 [en ligne]. URL : https://fr.wikisource.org/wiki/Gustave_Flaubert_%28Thibaudet%29/Bouvard_et_P%C3%A9cuchet

Les nouveaux chemins de la connaissance. 2011. "La bêtise2/5 :  Barthes, lecteur de Flaubert". Animé par Adèle Van Reeth. Diffusé le 30 octobre 2011.

Leçon littéraire sur Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert, par Jean-Paul Santerre, 130 p.

Lecture commune avec Céline. Son billet ici.

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23 août 2012

Agnes Grey d'Anne Bronte : ISSN 2607-0006

978-88-541-3831-5

A Haworth, dans le Yorkshire, près du petit cimetière où est enterrée leur mère, les soeurs Brontë imaginent des romans aux résonances surprenantes, pleines de passions et de mystère, pour ces filles de pasteurs, élevées loin du monde. Ce n'est pas tout à fait le cas d'Agnès Grey, le roman d'Anne Brontë, la plus jeune des soeurs. Son livre est beaucoup moins romanesque et d’inspiration autobiographique : comme elle, l'héroïne est fille de pasteur, une déclassée lorsqu'elle voudra enseigner à des enfants de riches parvenus, les Bloomfield, qui lui montrent le même irrespect que leurs parents ou à des aristocrates vaniteux, les Muray.

L'écriture simple et fluide confère à la narration un aspect plus informatif que romanesque : des portraits se succèdent à des scènes de pédagogie pour finalement laisser place à une romance. Quittant le monde idyllique de son enfance, l'héroïne naïve et candide des débuts découvre ainsi des personnages hypocrites, d'autres malfaisants. Bien que souffrant de sa condition inférieure, elle fait preuve de courage et persévère malgré de nombreuses plaintes sur son "bien-être"... 

Par rapport aux Hauts de Hurlevent et Jane Eyre, le roman Agnès Grey souffre de la comparaison de prime abord. Dès les premières lignes, le ton est moralisateur : " toutes les histoires vraies portent avec elles une instruction, bien que dans quelques-unes le trésor soit difficile à trouver, et si mince en quantité que le noyau sec et ridé ne vaut souvent pas la peine que l'on a eue de casser la noix". Et tout au long du roman, elle prêche des valeurs de bonté et d'amour de manière assez ennuyeuse, mais heureusement rehaussée par d'amusantes caricatures de ladies vaniteuses dont elle a la charge. Dans le chapitre "Le bal", on peut donc voir Miss Mathilde Murray dire : "j'étais réellement charmante, du moins maman l'a dit et aussi Brown, Williamson. [...]Je sais que vous me regardez comme une fille frivole et engouée d'elle-même ; mais je n'attribue pas tout à mes attraits personnels. Je fais la part de mon coiffeur et aussi un peu de celle de mon exquise toilette[...]" .

Le témoignage de la vie d'une préceptrice de l'époque et plus globalement de la condition, de l'éducation et du mariage des femmes de l'époque bien qu'intéressant, ponctué de beaucoup de passages plaintifs et d'un ton comportant une certaine fatuité - le plaidoyer pour la condition des gouvernantes paraît bien maladroitement défendue sous la plume d'Anne Brontë - n'a pas la force passionnée des romans des deux autres Brontë mais est plus subtilement humoristique et mélancolique : la noix vaut bien la peine d'être cassée et le noyau n'est ni si sec, ni si ridé !

Anne Brontë, Agnès Grey, Archipoche, 276 p.

 Billet de Lou.

8 juillet 2012

Miss Mackenzie d' Antony Trollope : ISSN 2607-0006

 

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Dans sa préface, Jacques Roubaud raconte qu'il lisait "une ration trollopienne" tous les matins... Mais comment as-t-il pu ne lire qu'un chapitre par jour ? Une fois ouvert, on n'a plus envie de refermer un roman de Trollope : les nombreuses apostrophes aux lecteurs et les interventions du narrateur incessantes nous invitent au contraire à poursuivre la lecture de cette prose si romanesque et en même temps si subtilement ironique. Dans Miss Mackenzie, on découvre une héroïne confrontée à un monde qu'elle n'a jamais connue, confinée jusqu'à-là à un rôle d'infirmière auprès de son frère malade. Lorsqu'elle devient une héritière richement dotée, elle attire aussitôt de nombreux prétendants : que fera Margaret Mackenzie ?

"La brebis n'était pas assez moutonnière pour l'écouter" : chacun sait qu'une femme sous l'époque victorienne était peu de chose, exceptée lorsqu'elles avaient de l'argent... A chaque page, on sent combien cette société est guidée par l'argent et le souci de la hiérarchie sociale. Mais l'héroïne échappe justement au stéréotype de l'oie blanche naïve, tout en restant généreuse, faible parfois mais toujours honnête. Le destin de Margaret est semé d’embûche et de quantité de personnages hauts en couleur comme la haïssable Mrs Mackenzie, mère de sir John, ou d'un clergyman plutôt sorti des enfers que d'une église...

" Voyons, ma tante, vous n'allez pas me dire que vous croiriez ce que dit miss Dumpus. D'après miss Dumpus, une jeune fille de plus de quatorze ans ne devrait jamais rire tout haut. Comment peut-on changer sa façon de rire le jour où on a quatorze ans ? Et pourquoi ne pas dire qu'un homme est beau s'il est beau ?". Bien entendu, en bon victorien, A. Trollope ne se contente pas de brosser des portraits mais décrit les mécanismes de cette société en ironisant sur les bienséances et surtout il dresse une inoubliable peinture des Stumfoldiens, (pour qui jouer aux cartes, c'est être dépravé) petite société mesquine, imbue d'elle-même, hypocrite... En vraie Trollopienne, je compte bien lire d'autres romans de cet auteur dont la prose est un ravissement...

 Trollope, Miss Mackenzie, Le livre de poche, 509 p.

Lecture de Titine ici, billet de Céline, d'Adalana, YS, dasola...

6 juin 2012

84 charing cross road d'Hélène Hanff : ISSN 2607-0006

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Si j'avais été Hélène Hanff, en recevant mon livre le 84 charing cross road, j'aurais asticoté mon libraire à cause de la laideur de sa couverture - ce qui n'est pas tout à fait vrai car si elle ne me plaît pas, elle n'est pas hideuse... - et j'aurais écrit pour avoir un autre exemplaire ! Oui, car Hélène Hanff, dramaturge américaine méconnue a entretenu une relation épistolaire avec son libraire anglais pendant une vingtaine d'années...  On pourrait croire que cette correspondance ne parle que de livres, de mandats, de commandes mais grâce à l'écriture pleine de vivacité d' H. Hanff, on ne s'ennuie à aucun moment... Voici 5 raisons d'aimer cette correspondance d'une grande lectrice :

- L'humour dont fait preuve H. H. : " vous me donnez le tournis à m'expédier Leigh Hunt et la vulgate comme ça, à la vitesse du son ! Vous ne vous en êtes probablement pas rendu compte, mais ça fait à peine plus de deux ans que je vous les ai commandés. Si vous continuez à ce rythme-là vous allez attraper une crise cardiaque. Je suis méchante..."

- son amour des livres, qui semblent parfois plein de clichés, mais qui sous sa plume les rendent plus passionnés : " Seigneur, soyez béni pour ces vies de Walton. c'est incroyable qu'un livre publié en 1840 puisse être dans un état aussi parfait plus de cent ans plus tard. Elle sont si belles, ces pages veloutées coupées à la main, que je compatis avec le pauvre William T. Gordon qui a inscrit son nom sur la page de garde en 1841, quelle bande de minables devaient être ses descendants pour vous vendre ce livre, comme ça, pour une bouchée de pain. bon sang, j'aurai voulu courir pieds nus à travers LEUR bibliothèque avant qu'il la vendent."

- Sa générosité, alors que l'Angleterre subit des restrictions draconiennes, l'auteur, malgré sa relative pauvreté, envoie colis sur colis à tous les libraires...

- son anglophilie :"Vous serez stupéfait d'apprendre que moi qui n'aime pas les romans j'ai fini par me mettre à Jane Austen et me suis prise de passion pour Orgueil et préjugés, que je ne pourrai pas arriver à rendre à la bibliothèque avant que vous ne m'en ayez trouvé un exemplaire". (p. 83)

- Pour les anecdotes sur son métier, sa vie et son époque : "Prenez garde, je viendrai en Angleterre en 1953 si le contrat ellery est renouvelé. Je vais grimper tout en haut de cet escabeau de bibliothèque victorien , bousculer la poussière sur les étagères du haut et la bienséance de tout le monde. vous ai-je dit que j'écrivais des histoires policières pour la série Ellery Queen à la télévision ? tous mes scripts ont pour toile de fond des milieux artistiques ( ballet, concert, opéra) et tous les personnages - suspects ou cadavres - sont des gens cultivés ; en votre honneur, je vais peut-être en situer un dans le milieu du commerce des livres rares. vous préférez être l'assassin ou le cadavre ?"

Les lettres d'H. Hanff alternent avec les différents libraires de Marc and Co, décrite comme "la plus ravissante des vieilles boutiques, sortie tout droit de Dickens", mais c'est avec Frank Doel qu'elle noue une très belle amitié épistolaire et livresque. Ironie du sort, H.Hanff a travaillé toute sa vie à écrire des pièces et des scripts mais ce sont ces fameuses lettres destinées à la librairie de Charing cross Road qui lui apporteront la célébrité... et ce succès n'est pas démérité : on se passionne véritablement pour chaque événement épico-livresque de Hélène Hanff...

billet de Vilvirt

28 mai 2012

Le prince de la brume de Carlos Ruiz Zafon : ISSN 2607-0006

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Tous les zafonmanias devraient être ravis de voir ressortir des textes de jeunesse du célèbre auteur de L'ombre du vent : premier roman d'une trilogie, Le prince de la brume est une enchantement de l'imagination. Beaucoup de thèmes obsessionnels de l'auteur apparaissent, comme une montre qui compte le temps à rebours, un cimetière, une maison isolée et peut-être hantée ; mais avant de transplanter ses romans dans la Barcelone brumeuse, il décrit d'autres brumes plus britanniques, celles-ci.

En 1943, en Angleterre, une famille fuit la guerre et s'installe dans un petit village où de nombreux mystères surgissent. Les questions se multiplient lorsque Max, le jeune héros, découvre un vieil homme habitant seul un phare et unique rescapé d'un naufrage qui cache bien des choses de la vie de son "petit-fils", des statues qui semblent se mouvoir, des anciennes pellicules de film montrant un symbole mystérieux...

Les éléments insolites foisonnent, l'ambiance est crépusculaire et un chat ressemble furieusement à un chat du Cheshire faustien : " La végétation avait envahi le lieu, le transformant en une petite jungle d'où émergeaient ce qui paru à Max être des silhouettes : des formes humaines. Les dernières lueurs du jours tombaient sur la campagne et il dut forcer sa vue. C'était un jardin abandonné. Un jardin avec des statues prisonnières dans cette enceinte qui rappelait un petit cimetière de village"....(p. 30). Pygmalion par amour pour sa créature la fait vivre, Zafon lui aussi rend vivants tous ses personnages mêmes les plus invraisemblables...

Ce qui est appréciable dans les romans de Zafon, qui met en scène souvent des adolescents pour personnages principaux (mais est-ce vraiment le cas ? Les pères zafoniens agissent toujours comme des enfants ou comme des êtres hors de la réalité... Ici l'horloger a l'air le plus farceur et le plus insouciant de tous les personnages), c'est que le jeune héros ne se comporte nullement de manière puérile et la fin ne correspond pas aux normes des films Disney. Des adolescents, de la magie, des rebondissements et une série d'opus : on peut trouver des similitudes dans les thèmes et les destinataires avec la saga Harry Potter mais les héros zafoniens leur dament largement le pion... On suit les pas surgis de la brume du prince sans voir le temps passer...

 Zafon, Le prince de la brume, Robert Laffont, 210 p.

Autres romans : L'ombre du vent, Le jeu de l'ange, Marina,

Lu par Lou, L'irrégulière...

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8 mai 2012

Jeeves, occupez-vous de ça de P.G. Wodehouse : ISSN 2607-0006

9782266132763

 Il faut absolument lire Wodehouse pour découvrir son ton délicieusement décalé et fantaisiste, et un personnage hors norme, pince sans rire comme Jeeves. Il n'est d'ailleurs pas toujours le héros des nouvelles de Wodehouse, qui accorde une large place à des "mollusques", des jeunes gens versatiles souvent sous la coupe d'un oncle à héritage. C'est le cas de "L'escapade de l'oncle Fred". Tout commence au Drones club, où Pongo arrive dans le désarroi : pourquoi est-il si hagard ? Tout simplement parce que son oncle Fred va débarquer à Londres et qu'il ne se passe pas une minute sans qu'il ne crée scandale et excentricité. La décision de l'oncle d'aller en banlieue lui permettra-t-il d'éviter le scandale ? Bien sûr que non ! il entre dans une maison d'un inconnue en faisant passer son neveu pour un toiletteur de perroquet... Les situations burlesques vont s'enchaîner jusqu'à une conclusion faussement métaphysique mais véritablement burlesque.

Quant à la nouvelle "Jeeves, occupez-vous de ça!", on voit l'impertutable Jeeves entrer au service de Bertram Wooster. Ce dernier doit épouser Lady Florence Worplesdon aussi autoritaire et aimable qu'un Cerbère. Bertram doit faire disparaître un manuscrit, les Mémoires de son oncle à héritage, contenant des révélations scabreuses sur le père de Lady Florence. Cette dernière exige la disparition de cet amas de scandales. Commence alors l'histoire de ce crime : en effet, là où Wodehouse excelle, c'est dans la démesure et le décalage de ton : le simple vol de manuscrit se mue en infâme crime dans la tête du pauvre Bertram. " Mais je me souviens parfaitement que le pauvre type passait la majeure partie de son temps précieux à se débarrasser du corps dans des mares, ou à l'enterrer et je ne sais quoi encore ; et tout ça pour le voir se dresser à nouveau devant lui. Ce fut environ une heure après avoir enfermé le paquet dans la commode que je me rendis compte que je me mis exactement dans le même pétrin". Il pense aussitôt à faire comme les soldats en temps de guerre qui mangent les messages : mais comment peut-il manger un Mémoire entier ? Sur un mode héroï-comique, nous suivons les rocambolesques aventures de Bertram, heureusement aidé de Jeeves... On peut difficilement ne pas tomber sous le charme de l'humour et de la légèreté wodehousienne...

 Wodehouse, Jeeves, occupez-vous de ça, Pocket bilingue, 143p.

6 avril 2012

Nuages de cendre de D. Cooper : ISSN 2607-0006

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L'Islande est une " terre de glace" mais aussi de feu, dont Dominic Cooper nous conte une ancienne véritable affaire, une orageuse vendetta nordique. Un vieux médecin mélancolique se rappelle d'un terrible antagonisme entre deux hommes, deux shérifs qui s'affrontent dans l'Islande du XIXeme siècle. La haine qui brûle entre eux est transmise à leurs descendants finissant dramatiquement. Qui peut les juger à travers une histoire lacunaire ?

Les blancs de cette histoire, qui nous est dévoilée peu à peu, sont retransmis par différentes voix, prenant tour à tour la parole pour révéler l'affrontement entre deux hommes et tout un pan de l'histoire islandaise. En 1718, après une terrible épidémie de variole et une éruption volcanique sans précédent, l'Islande croule sous le joug danois. Jens Wium, un shérif danois au passé obscur brutalisent son homologue islandais, Thorsteinn. Peu de temps après un retissant procès d'inceste provoque une dégradation des rapports entre les deux hommes.

Thorsteinn est-il mort par la faute de J. Wium ? Leurs enfants reproduisent cette haine... Mais le monde n'est ni tout noir, ni tout blanc et on découvre petit à petit une terrible vérité sur chacun des personnages, nous gardant dans un flou insoutenable tout au long de la narration. Une fois les noms propres assimilés, une fois habitué au changement de voix, on est embarqué d'une traite dans cette tragique histoire de vengeance, sombre, très sombre, tout en étant fasciné par les innombrables descriptions de l'île, des tempêtes de neiges et de landes désertes, arides et brumeuses comme les hommes qui les habitent... Une histoire palpitante !

Cooper, Nuage de cendre, Métailié, p. 236.

Merci Dialogue et Caroline pour ce partenariat.

14 février 2012

La fortune des Rougon de Zola : ISSN 2607-0006

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Quel souffle ce Zola ( une exposition virtuelle est consacrée à l'auteur sur le site de la BNF) ! Mais quelle verve ! Zola est un auteur qui sait emporter son lecteur : dans La fortune des Rougon, il nous dévoile les origines des Rougon-Macquart. Point d'étude de milieux - quoique Plassans, ville provinciale constituée sur le modèle d'Aix-en-Provence joue un grand rôle, notamment comme lieu où sont concentrés de très cupides et ridicules bourgeois - mais Zola étudie sa chère théorie de l'hérédité : Nana se prostitue, Gervaise est alcoolique quant à Lantier, c'est un tueur sanguinaire... Ce n'est pas étonnant, nous dit Zola, car Adélaide Fouque est folle et a des appétits détraqués, comme ses trois enfants dont on nous raconte la chute et l'ascension : il y a tout d'abord Pierre Rougon qui ne rêve avec sa femme que de gloire et d'argent, et ses trois enfants, Aristide, Eugène et Pascal. si Pascal est désintéressé et s'éloigne de sa famille, Aristide et Eugène, eux sont les dignes fils de leur père ! Quant à Antoine Macquart, le fils illégitime d'Adélaide, il est paresseux, traître, bat sa femme et vole ses propres enfants, dont la fameuse Gervaise !

Mais ce n'est pas seulement la généalogie d'une famille que nous dépeint Zola, le futur pamphlétaire, s'attaque aussi à l'histoire : il montre comment le Second Empire qu'il fustige s'est bâtit sur le sang à l'image des Rougon-Macquart, qui ont chacun un cadavre dans le placard. La sympathie de Zola penche nettement pour le peuple, par ailleurs, même si on lui a vivement reproché de peindre sous des couleurs très sombres. Parmi toutes ces débauches, ces veuleries, ces turpitudes, seules deux figures échappent à cette déchéance : Miette et Silvère. Malheureusement, ces deux héros nous font subir des passages mièvrement longs... L'auteur de l'Assommoir ne semble pas taillé pour raconter des histoires d'amour pleine de sensibleries. Mais quelle écriture ! Zola Nous entraîne sur le sillage des insurgés et de cette famille machiavélique et avec lui, même les pierres s’animent, même les objets semblent prendre vie. un incroyable roman et ce n'est que le début du cycle !

Lu par Kali, et par Cleanthe

Les Rougon-Macquart: La fortune des Rougon, La curée, Le ventre de Paris, La conquête de Plassans, La faute de l'abbé Mouret, Son excellence Eugène Rougon, L'assommoir, Une page d'amour, Nana, Pot_Bouille, Au Bonheur des dames, La joie de vivre, Germinal, L’œuvre, La terre, Le rêve, La bête humaine, l'argent, La débâcle, Le docteur Pascal. + Thérèse Raquin

28 janvier 2012

Bel-ami de Maupassant : ISSN 2607-0006

 

9782081249981FS

Comment présenter Bel-Ami ? C'est un héros qui marche dans les pas de Rastignac, c'est l'ambitieux sans scrupules qui se sert des femmes comme d'un marchepied. Égoïste et attaché aux apparences, seuls son appétit de richesse et de pouvoir dictent sa conduite, commandent ses sentiments. Machiavélique, il parvient très bien à ses fins - par les plus abjects moyens - s'accordant ainsi avec la déchéance de toute son époque.

Bel-Ami, c'est aussi la description du second Empire corrompue, d'un milieu de la presse très affairiste, d'une société occupée par le scandale du Maroc - l'affaire tunisienne réelle - avec des spéculations de Walter très proche de celles d'un Saccard Zolien. Oui, ce Maupassant ( biographie sur le site Larousse) s'éloigne assez de l'influence du maître de Croisset pour se rapprocher de celle de Zola. Paris apparaît comme un "colosse apaisé", Walter, le directeur du journal où travaille George Duroy, comme un nouveau personnage de L'argent et la serre dans laquelle G. Duroy attire Suzanne, la fille de Walter, est tout aussi monstrueuse et personnifiée que celle de La curée.

 Bel ami, c'est enfin toute une conception très schopenhauerienne de la femme, soit naïve, soit frivole, et d'une vision pessimiste de la vie. Il y a beaucoup de personnages désespérés dans la comédie humaine maupassantienne que ce soit l'amour excessif et dément de Virginie Walter pour Bel-Ami ou l'agonie abominable de Forestier ou les pensées sur le néant de N. de Varenne. A la richesse des thèmes s'ajoute une écriture sensuelle qui cherche à dépeindre les couleurs et les odeurs : "Il arrivait au dernier salon, et en face d'eux s'ouvrait la serre, un large jardin d'hiver plein de grand arbres des pays chauds abritant des massifs et des fleurs rares. En entrant sous cette verdure sombre où la lumière glissait comme une ondée d'argent, on respirait la fraîcheur tiède de la terre humide et un souffle lourd de parfums. C'était une étrange sensation douce, malsaine et charmante, de nature factice, énervante et molle. On marchait sur des tapis tout pareils à de la mousse entre deux épais massifs de d'arbustes".... Un des meilleurs romans de Maupassant !

Maupassant, Bel-Ami, Livre de poche,  367 p.

Autre roman : Pierre et Jean

21 janvier 2012

Robinson Crusoe de Daniel Defoe : ISSN 2607-0006

9782226238412g

Le buttler de Pierre de Lune de Wilkie Collins ne jurait que par Robinson Crusoe et Rousseau lui donnait une place prépondérante dans sa bibliothèque dans l'Emile. Et on comprend mieux à sa lecture pourquoi. Tout d'abord un petit mot sur la nouvelle traduction : même si vous n'avez pas lu la version originale, on vous explique que nombre de passages sont souvent coupés. Ici, ce n'est pas le cas. En outre, Françoise sorbier a fait un effort pour rester fidèle à la dynamique écriture - sans anachronisme - de Defoe : point de vocabulaire affecté comme dans certaines versions, point de simplification. Cette version se veut fidèle.

Effectivement le dynamisme de l'écriture transparaît dans cette succession d'actions : Robinson, bourgeois de la classe moyenne, pour avoir désobéi à son père, est sauvé miraculeusement de trois naufrages et de l'esclavage dans lequel il est tombé près des côtes africaines. Mais ce n'est pas le moindre de ses problèmes. Lorsqu'il échoue sur une île déserte, il doit tout faire par lui-même : fabriquer son pain, des paniers, des tentes... et ses vêtements. Il n'y a ausun répit pour Crusoé, de même que pour le lecteur...

"Il n'est jamais trop tard pour être sage". Véritable odyssée humaine, Robinson passe par toutes les étapes de la civilisation. Elle se double d'une odyssée métaphysique et philosophique : il réfléchit sur ses erreurs et sa situation, relativisant ses malheurs et les valeurs de la société : " tous les tourments que nous souffrons à cause de ce qui nous manque me paraissent venir d'un manque de gratitude pour ce que nous avons". Lui qui a participé à la traite des nègres devient l'ami d'un sauvage. Ce livre est une belle réflexion autour de la nature et de la civilisation, non sans humour : même dans le désarroi, Robinson se croit gouverneur de son île, se construit une résidence secondaire. Bien qu'il n'y ait personne pour le voir, ce qu'il souhaite le plus au monde sont des bas et des chaussures anglaises. Inspiré d'une histoire vraie, celle d'un marin Selkirk, Robinson Crusoe est une invitation au voyage ; c'est un héros à redécouvrir, malgré des inventaires un peu longs, mais moins pénibles que celle d'une autre Odyssée...

 Daniel Defoe, Robinson Crusoe, Nouvelle traduction de Françoise Sorbier, Edition Albin Michel, p 432.

Merci pour ce partenariat à Ys et Newsbook !

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