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1001 classiques

23 juin 2012

Le mariage de Maria Braun de Fassbinder : ISSN 2607-0006

Le Mariage de Maria Braun ( bande annonce VOST )

Si vous avez déjà vu un film de Fassbinder, vous n'aurez certainement pas oublié son esthétique si particulière, son anticonformiste... ni ses scénarios souvent cruels et cyniques. Après avoir vu Tous les autres s'appellent Ali, j'ai visionné Le monde sur le fil. C'est une oeuvre atypique de ce réalisateur, étant donné que loin de se faire le " secrétaire de la société Allemagne", il développe un monde futuriste dans lequel Fred stiller est un scientifique qui découvre un ordinateur "le simulacron" permettant de prévoir virtuellement le comportement des gens dans le futur. Assez vite, des questions sur la cybernétique, le réel et le virtuel, les progrès technologiques surgissent. Si l'intrigue est assez éloignée de l'univers traditionnel de Fassbinder, l'esthétique peu conformiste de Fassbinder qui privilégie des scènes sans personnages secondaires, avec des acteurs dans des poses artificielles est bien présente....

Mais de tous ses films, Le mariage de Maria Braun reste son chef d'oeuvre ou son film le plus populaire : pas étonnant du reste, vu le classicisme de l'image plus froide et directe. Les premières séquences du film montrent une photographie d’Hitler au moment même où le maire demande à Maria et Hermann : Promettez-vous de jurer fidélité ?". Maria Braun y figure une sorte d'Allégorie de l'Allemagne post-nazie où des ruines surgit le miracle économique allemand des années 50. L'actrice fétiche de Fassbinder - Anna Schygulla - y incarne avec force une femme passionnée, poussée sur les chemins de la vie, par l'amour, mais c'est aussi le destin de l'Allemagne qui se déroule sous nos yeux, illustrant une citation de Edgar Reitz  :" L'Allemagne est un livre d'histoire avec des pages arrachées". On y retrouve la même critique de la société bourgeoise que dans Tous les autres s'appellent Ali... Ne manquez pas ce très bel hommage à l'enfant terrible du Nouveau Cinéma allemand...

Un cycle sur arte présente les oeuvres cinématographiques d'un des réalisateurs les plus féconds de l'Allemagne de l'après-guerre. Vous pouvez encore visionner Le mariage de Maria Braun, Fassbinder, 1978, 115 min et un documentaire "il était une fois le mariage de Maria Braun".Et plus de renseignements ici sur le site d'Arte et sur le site de Dasola.

Autres oeuvres: Tous les autres s'appellent Ali

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20 juin 2012

The duchess de Saul Dibb : ISSN 2607-0006

Bande annonce The Duchess

Le biopic de Geiorgiana Spencer* devenue duchesse du Devonshire est une romance historique, inspirée du livre biographique sobrement intitulé Geiorgina, duchesse du Devonshire d'Amanda Foreman, qui était présente sur les lieux du tournage. Malheureusement, le réalisateur s'intéresse davantage à la romance qu'à l'histoire. Si l'histoire sentimentale est filmée dans ses moindres détails, la participation de cette illustre femme du XVIIIeme siècle au parti libéral est traitée à la légère, entre deux scènes passionnées avec Charles Grey, futur premier ministre. Surnommée la" duchesse scandaleuse", elle influence la mode, fait les gros titres des journaux à scandales, joue et boit pour oublier un mariage malheureux et douloureux.

Tournée sur les lieux réels, le manoir de Chatswoth, cette biographie reste une belle reconstitution notamment pour les sublimes décors et les extravagants costumes qui ne sont pas sans rappeler une certaine caricature de Montesquieu : "Quelquefois les coiffures montent insensiblement ; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même : dans un autre, c'était les pieds qui occupaient cette place ; les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire?".

Oscar des meilleurs costumes, ce film est classique et plat, si plat qu'on s'ennuie légèrement malgré tous les scandales de la duchesse et le jeu des acteurs. Keira Knightley incarnent très bien une femme souffrante mais très en vue et Ralph Fiennes, un mari brutal et odieux....

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* portrait de Geiorgiana Spencer par Gainsborough

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The duchess, Saul Dibb, avec Keira Knightley, Ralph Fiennes, 2008, 1h45.

Participation au challenge " Back to the past, organisé avec Lou.

19 juin 2012

L'avare, adapté par Girault : ISSN 2607-0006


L'avare bande-annonce

Harpagon est devenu une antonomase : il désigne un avare... créé par Molière. Ledit Harpagon est obnubilé par sa cassette contenant 10 milles écus, au point d'en être mal habillé et de vouloir obliger ses enfants à se marier par intérêt ; sa fille Elise à un vieux barbon qui accepte une mariée sans dot et son fils à une vieille fausse douairière, très riche mais aussi très laide. Ce personnage caricatural et ridicule est incarné par Louis de Funes qui ne se prive pas de ses habituelles mimiques... avec un excès qui finit par enlever l'aspect désopilant qu'a ce personnage au premier abord.

La mise en scène oscille entre un grotesque burlesque avec arrachage de cheveux véritable - le texte moliéresque est pris à la lettre -  et un aspect plus littéraire avec des passages de l'Avare sur les murs de la maison du vieux pingre, ou l'apparition du roi assistant à la scène comme dans la tradition des théâtres du XVIIeme siècle. Si le texte est respecté à la lettre, et on ne peut que louer cette bonne intention, de nombreuses scènes farcesques sont rajoutées comme une nonne poursuivant notre avare pour avoir la pièce de sa quête, ou le vêtement en paon lorsque Harpagon fait la cour à Mariane... Je crains que la diction très rapide des personnages ne rende difficilement compréhensible les paroles des personnages, pour qui n'a pas lu la pièce, et l'aspect comique est excessivement développé au point de faire rire de manière sarcastique à la énième grimace de Funes.

L'avare de Jean Girault reste un diversement qui manque de subtilité, même si certaines scènes sont vraiment drolatiques avec des valets rasant les murs pour ne pas montrer leur haut de chausse troué... ou un Harpagon se tenant la main pour s'empêcher de se voler et s'apercevant que c'est sa propre main... Quelques clins d'oeil sont réussis, les apartés sont bien mis en scène, le tout est enlevé mais manque singulièrement de finesse...

 Molière, L'avare, GF.

L'avare, Jean Girault, avec Louis de Funes, 1980, 1h57.

Challenge "en scène" de Bladelor.

 

15 juin 2012

Les soeurs Brontë de d'André Téchiné : ISSN 2607-0006

 

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Les soeurs Brontë est une biopic qui ne suit pas l'imagination d'un cinéaste, en l’occurrence Téchiné, fantasmant la vie des Brontë à travers leurs romans mais une biographie très lacunaire, très documenté et sobre. "Je crache sur l'amour et sa vanité", dit avec force Emily Brontë - incarnée par la talentueuse I. Adjani - la plus sauvage, la plus exaltée des trois soeurs, arpentant la lande habillée comme un homme. Quels portraits de femmes talentueuses et fascinantes ! Le destin des trois soeurs semble tragique, enfermées dans la lande déserte, venteuse et aride. Et pourtant, dans cette nature immense et sauvage, elles ne cessent d'écrire. Si leur vie paraît terne, leur imagination est fertile - chacune ayant écrit un chef d'oeuvre - s'inspirant de leur vécu comme la rencontre avec leur précepteur bruxellois Héger, leur relation avec leur frère, leur propre expérience de préceptrice humiliée par des riches employeurs méprisants...  Sous le ciel menaçant, dans la solitude, les soeurs assistent au désastre de leur frère Branwell : artiste peintre, il est détruit par le manque de reconnaissance envers son art et un amour impossible.

 On imagine une vie flamboyante pour les auteurs des Hauts de Hurlevents et de Jane Eyre, mais la réalité est tout autre : si elles sont habitées par leur passion de l'écriture, elles sont aussi écrasées par ce monde d'hommes, enfermées comme dira leur frère "comme dans une cave", obligées de prendre des noms d'hommes pour écrire. Elles sont contraintes aussi de travailler et de se plier aux normes sociales...

Étonnant que le réalisateur parle, dans le documentaire intitulé "les fantômes de Haworth", d'un film sur le frère alors que c'est le trio d'actrices qui crèvent l'écran, esthétisées comme des femmes de peintures préraphaélites.  Ce ne sont pas seulement Charlotte, Anne et Emily qui apparaissent dans une beauté picturale, les paysages du Yorkshire qui envahissent les petites saynètes sont aussi esthétisés et encadrés comme des tableaux... Dommage que les petites séquences soient si courtes, formant une vie en pointillés... J'ai aimé cette souffrance, cette passion qui affleurent dans le comportement d'Emily Brontë dont le caractère tourmenté est en harmonie avec les tempêtes, les paysages nocturnes et le cimetière baudelairien. Un film fascinant, mélancolique, pour qui aime ces romancières britanniques et qui donne envie d'en savoir davantage sur elles...

Billet de Niki ici.

Les soeurs Brontë, Téchiné, avec Pascal Greggory, Isabelle Adjani, Marie-France Pisier, Isabelle Huppert...

Participation au challenge "Back to the past" organisé avec Lou.

participation au challenge Romantique organisé par Claudia.

11 juin 2012

Nicholas Nickleby de Douglas Mcgrath : ISSN 2607-0006

NICHOLAS NICKLEBY - Bande-annonce VO

Même sans avoir lu l'oeuvre de Dickens ( biographie sur le site Larousse), on prend beaucoup de plaisir à regarder ce film très dickensien justement ! Tout d'abord, on a la mise en scène des bas-fonds de Londres mais surtout d'une école mettant en scène les misères des orphelins, de pauvres enfants sous la coupe d'un précepteur cruel (Squeers) répugnant et complètement immoral. Quand on pense que Albert Wolff se plaignait de la" bas-fondmanie" qui régnait chez les naturalistes, qu'aurait-il dit en voyant les misérables de Dickens ! Les méchants chez Dickens le sont toujours de manière hyperbolique : à part Squeers, il y a aussi l'oncle de Nicholas Nickleby qui est l'incarnation du mal et d'une rare avarice, cherchant à faire tomber toujours plus bas moralement les personnes qu'il fréquente. Il prend plaisir à soumettre sa nièce à des humiliations, à envoyer son neveu chez l'horrible Squeers, après la mort de leur père et de leur ruine... Il n' a qu'un but dans sa vie, avilir les gens.

Fort heureusement, Dickens avait beaucoup d'humour et le réalisateur en a tenu compte. C'est sur un tempo allègre que commence le film, sans compter de nombreux rebondissements comme des enlèvements, des retournements de situations incroyables et nombreux... Si certaines scènes sont pathétiques comme la mort d'un personnage sympathique, d'autres sont complètement loufoques : si vous avez envie de savoir quelle est l'histoire de la famille poney dont le poney père est alcoolique, de découvrir une ambiance shakespearienne - car Nicholas fera partie un temps d'une troupe ambulante - avec un Roméo voulant à tout prix faire une danse écossaise, ou de connaître l’imbroglio d'un ancien amant ( qui avec son frère ressemble fort à des Tweedledum et Tweedledee carrolliens) éconduit qui vient en aide à la fille de son amante tout en le cachant au père... Vous devez à tout prix regarder Nicholas Nickleby qui filme la destinée d'un jeune homme à travers toutes les vicissitudes de la vie et qui n'est jamais ni tout à fait une tragédie, ni tout à fait une comédie. Un film réjouissant - sans compter la beauté du Yorkshire - , qui donne envie de lire cette oeuvre de Dickens.

Nicholas Nickleby, Douglas McGrath, 2004, 132 min, avec Charlie Hunnam, Romola Garai, Christopher Plummer, Jamie Bell.

Challenge back to the past organisé avec Lou.

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9 juin 2012

Les devoirs de Bruxelles d'Emily Brontë : ISSN 2607-0006

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J'ai acheté ce tout petit livre rassemblant des travaux d'écriture d'Emily Brontë par curiosité, sans penser y trouver l'écriture qui sera 5 ans plus tard celle des Hauts-de Hurlevent, surtout après une déception, ayant abandonné L'hôtel Stancliffe, oeuvre de jeunesse de Charlotte Brontë... Et pourtant, leur professeur Heger ne s'est pas trompé en parlant d'E. Brontë en ces termes : "Son imagination était telle, que si elle avait écrit un récit, sa représentation des scènes et des personnages aurait été si vive, exprimée avec tant de force et appuyée par une telle richesse d'arguments qu’elle aurait dominé le lecteur, qu’elles qu'aient été les opinions de celui-ci ou son évaluation de la véracité de l'histoire "( Elizabeth Gaskell, La vie de Charlotte Brontë)...

En effet, ces exercices de style révèle une vision du monde violente et poétique. Voici un sujet à la fois difficile et banal : un papillon. Que dire sur le papillon ? Emily, à 23 ans, lors de son séjour à Bruxelles permis par le financement d'une tante, écrit : " "Dans une de ces dispositions de l'âme où chacun  se trouve quelquefois, lorsque le monde de l'imagination souffre un hiver qui flétrit toute sa végétation ; lorsque la lumière de la vie semble s'éteindre et l'existence devient un désert stérile où nous errons, exposés à toutes les tempêtes qui soufflent sous le ciel, sans espérance ni de repos ni d'abri - dans une de ces humeures noirs, je me promenais un soir les confines d'une forêt, c'était en été ; le soleil brillait encore haut dans l'occident et l'air retentissait des chants d’oiseaux : tout paraissait heureux, mais pour moi, ce n'était qu'apparence. Je m'assis au pied d'un vieux chêne, parmi les rameaux duquel, le rossignol venait de commencer ses vêpres. "Pauvre fou, je me dis, est ce pour guider la balle à ton sein ou l'enfant à tes petits que tu chantes si haut et si clair ..."

Autre exercice :" Le chat". Alors qu'elle apprend le français dans les cours de Constantin Héger qui influencera tant Charlotte Brontë, et même si elle commet encore des erreurs, E. Brontë arrive à exprimer une vision de l'homme tout à fait juste, une peinture de caractère complètement réussie : " Un chat pour son intérêt propre cache quelquesfois sa misanthropie sous une apparence de douceur très aimable ; au lieu d'arracher ce qu'il désire de la main de son maître, il s'approche d'un air caressant, frotte sa jolie petite tête contre lui, et avance une patte dont la touche est douce comme le cheduvet. lorsqu'il est venu à bout, il reprend son caractère de Timon, et cette finesse est nommée l'hypocrisie en lui, en nous mêmes, nous lui donnons un autre nom, c'est la politesse et celui qui ne l'employait pas pour déguiser ses vraies sentiments serait bientôt chassé de la société".

Ces travaux qui comportent des ratures et de nombreuses erreurs, révèlent beaucoup du caractère de leur auteur : la solitude, la volonté de retrouver le cercle familial (dans un devoir intitulé lettre adressée à sa mère notamment), le refus de se plier aux convenances comme le montre une lettre d'invitation et sa réponse assez irrespectueuse et une très belle écriture... Ce qui ne ressemble qu'à un simple petit recueil de devoirs scolaires, ou à du matériau pour les universitaires, se révèlent être la découverte d'une très belle écriture.

Brontë Emily, Devoir de Bruxelles, Les mille.et.une.nuits, 62 p.

6 juin 2012

84 charing cross road d'Hélène Hanff : ISSN 2607-0006

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Si j'avais été Hélène Hanff, en recevant mon livre le 84 charing cross road, j'aurais asticoté mon libraire à cause de la laideur de sa couverture - ce qui n'est pas tout à fait vrai car si elle ne me plaît pas, elle n'est pas hideuse... - et j'aurais écrit pour avoir un autre exemplaire ! Oui, car Hélène Hanff, dramaturge américaine méconnue a entretenu une relation épistolaire avec son libraire anglais pendant une vingtaine d'années...  On pourrait croire que cette correspondance ne parle que de livres, de mandats, de commandes mais grâce à l'écriture pleine de vivacité d' H. Hanff, on ne s'ennuie à aucun moment... Voici 5 raisons d'aimer cette correspondance d'une grande lectrice :

- L'humour dont fait preuve H. H. : " vous me donnez le tournis à m'expédier Leigh Hunt et la vulgate comme ça, à la vitesse du son ! Vous ne vous en êtes probablement pas rendu compte, mais ça fait à peine plus de deux ans que je vous les ai commandés. Si vous continuez à ce rythme-là vous allez attraper une crise cardiaque. Je suis méchante..."

- son amour des livres, qui semblent parfois plein de clichés, mais qui sous sa plume les rendent plus passionnés : " Seigneur, soyez béni pour ces vies de Walton. c'est incroyable qu'un livre publié en 1840 puisse être dans un état aussi parfait plus de cent ans plus tard. Elle sont si belles, ces pages veloutées coupées à la main, que je compatis avec le pauvre William T. Gordon qui a inscrit son nom sur la page de garde en 1841, quelle bande de minables devaient être ses descendants pour vous vendre ce livre, comme ça, pour une bouchée de pain. bon sang, j'aurai voulu courir pieds nus à travers LEUR bibliothèque avant qu'il la vendent."

- Sa générosité, alors que l'Angleterre subit des restrictions draconiennes, l'auteur, malgré sa relative pauvreté, envoie colis sur colis à tous les libraires...

- son anglophilie :"Vous serez stupéfait d'apprendre que moi qui n'aime pas les romans j'ai fini par me mettre à Jane Austen et me suis prise de passion pour Orgueil et préjugés, que je ne pourrai pas arriver à rendre à la bibliothèque avant que vous ne m'en ayez trouvé un exemplaire". (p. 83)

- Pour les anecdotes sur son métier, sa vie et son époque : "Prenez garde, je viendrai en Angleterre en 1953 si le contrat ellery est renouvelé. Je vais grimper tout en haut de cet escabeau de bibliothèque victorien , bousculer la poussière sur les étagères du haut et la bienséance de tout le monde. vous ai-je dit que j'écrivais des histoires policières pour la série Ellery Queen à la télévision ? tous mes scripts ont pour toile de fond des milieux artistiques ( ballet, concert, opéra) et tous les personnages - suspects ou cadavres - sont des gens cultivés ; en votre honneur, je vais peut-être en situer un dans le milieu du commerce des livres rares. vous préférez être l'assassin ou le cadavre ?"

Les lettres d'H. Hanff alternent avec les différents libraires de Marc and Co, décrite comme "la plus ravissante des vieilles boutiques, sortie tout droit de Dickens", mais c'est avec Frank Doel qu'elle noue une très belle amitié épistolaire et livresque. Ironie du sort, H.Hanff a travaillé toute sa vie à écrire des pièces et des scripts mais ce sont ces fameuses lettres destinées à la librairie de Charing cross Road qui lui apporteront la célébrité... et ce succès n'est pas démérité : on se passionne véritablement pour chaque événement épico-livresque de Hélène Hanff...

billet de Vilvirt

3 juin 2012

Les préraphaélites, un modernisme à l'anglaise, Laurence des Cars : ISSN 2607-0006

63184491John Robert Parsons : Jane Morris - 1865

"Vous apercevez l'intérieur d'un atelier de charpentier. Au premier plan, un petit garçon hideux, aux cheveux roux, le col tendu, pleurnichant, en chemise de nuit ; il semble avoir reçu un coup sur la main, sans doute de la badine d'un autre petit garçon, avec qui il jouait dans la ruelle ou dans la cour ; et il la tient, cette main, sous le regard d'une femme agenouillée, si horrible dans sa laideur, qu'elle ressort (à supposer qu'une créature humaine puisse exister un seul instant avec un cou disloqué de cette façon) du reste de la compagnie tel un monstre, qui ne se déparerait pas le plus infect cabaret de France ou le plus dégoutant débit de boisson d'Angleterre[...]". Qui a écrit cette critique assassine du Christ dans la maison de ses parents de Millais ? Dickens dans Household world se fait le pourfendeur des préraphaélites : mouvement esthétique qui se voulait novateur, ils choisissent l’archaïsme pour renouveler la peinture de genre victorienne... Les débuts des préraphaélites sont marqués par le scandale et la polémique. On leur reproche leur rendu tellement léché qu'il en devient photographique, leur folie médiévisante... Ce bref ouvrage sur l'art, trop court, bien trop court, nous retrace l'évolution du groupe préraphaélites richement illustré sur beau papier glacé et entouré d'anecdotes et de documents.

Mais ces jeunes gens enthousiastes ne sont pas seulement peintres, ils sont aussi poètes, décorateurs... tout le monde connaît la célèbre anecdote autour du recueil Ballads and sonnets : Rossetti avait enterré ce recueil écrit en 1840 dans le tombeau néo-égyptien d'E. Siddal dans le cimetière de Highgate et il a été exhumé 30 ans plus tard... Leur inspiration est souvent littéraire comme dans les peintures telles que L'adieu au chevalier ou l'enchantement de Merlin (Burne-Jones), beata Beatrix (Rossetti)...

"J'entends par tableau, un beau rêve romantique de quelque chose qui n'a jamais existé et n'existera jamais, dans une lumière plus belle que toutes celles qui ont jamais brillé, dans un lieu que personne ne peut définir ou se rappeler, seulement désirer" ( Burne-Jones). Ce que j'admire chez ces peintres, c'est l'esthétisation du quotidien et ce, dans tous les domaines : leur intérieur, leur vie est dirigée par la peinture, la littérature, une volonté de renouvellement, d'engagement, d'échapper à leur réel... La décoration de la maison de William Morris, Hammersmith appelée Keldoms manor**- chef de file des arts and crafts - est un véritable chef d'oeuvre où on reconnaît ses tissus au motif des oiseaux.

En revanche, les dérives de cette peinture me semble représentée par une peinture telle que l'escalier d'or de Burne-Jones, qui sans véritable sujet, décline une même sorte de féminin, évoque une reproduction assez vaine ou Le printemps* de Millais ressemble vaguement à un photomontage mignard... Paradoxalement, ceux qui se voulaient novateurs ont fini par être les représentants de cette peinture victorienne qu'ils voulaient fuir... Ce petit ouvrage est comme une petite fenêtre ouverte sur l'univers préraphaélite...

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* Le printemps, Millais

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** intérieur de keldoms Manor

L'exposition Une ballade d'amour et de mort présentait des photographies préraphaélites : billet de Fleur, Lilly, thé au jasmin,

Les préraphaélites, un modernisme à l'anglaise, Laurence Des Cars, Découvertes Gallimard, 127 p.

Participation au challenge de Shelbylee " L'art dans tous ses états".

30 mai 2012

Libre et légère d'Edith Wharton : ISSN 2607-0006

libre_et_legere_suivi_de_expiation_edith_wharton_9782080684431Maupassant écrivait dans Une vie, "On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts". Le même constat se retrouve dans Libre et légère mais sous une plume d'un auteur de 14 ans ! Première nouvelle de cette romancière américaine, Libre et légère nous entraîne dans un court récit sur l'amour, le mariage, l'argent... Toutes les préoccupations whartonniennes qui hanteront ses romans. Mais revenons à Libre et légère : Mais qu'est-ce être libre pour une femme de la toute fin du XIXeme siècle ? Est-ce épouser un vieil homme en espérant mener une vie de luxe et de légèreté ? Et qu'est-ce la légèreté ? Préférer l'argent à l'amour ? Wharton ne parle-t-elle pas plutôt de son écriture qui traite avec légèreté un sujet préoccupant pour les jeunes filles... (et leur mère aussi) ?

Ce qu'on apprécie, dans cette petite nouvelle, c'est le style whartonnien : le regard que pose la romancière sur ses personnages est éminemment lucide, et en même temps très schématique. L'anti-héroïne, pourrait-on dire, est Georgina Rivers qui aime son cousin le peintre dilettante Guy Hasting. Mais elle le rejette pour épouser un vieux mais riche lord Breton. Si elle devient la coqueluche de tout Londres, si elle s’ennivre de luxe et de divertissements, est-elle heureuse ? A-t-elle fait le bon choix ? Va-t-elle rendre malheureux, lord Breton, son cousin Guy ?

Sur le vieux thème du mariage d'argent ou d'amour,E. Wharton a su poser un regard frais et moqueur, d'abord par des interventions du narrateur : " Un sinistre après-midi  d'automne à la campagne. a l'extérieur, une  douce bruine tombant sur les feuilles jaunes ; à l'intérieur, deux personnages jouant aux échecs, près de la fenêtre, à la lueur du feu, dans le salon de holly Lodge. Or, quand deux personnes jouent aux échecs par un après -midi pluvieux, en tête à tête dans une pièce dont la porte est fermée, elle sont susceptibles soit de s'ennuyer beaucoup, soit d'être dangereusement captivées ; et, dans le cas présent, malgré tout le respect dû au romanesque, elle paraissaient écrasées par le plus accablant ennui". Ensuite par des fausses critiques journalistiques écrites par elle-même où l'auto-dérision perce à chaque ligne. Là, elle ironise sur son roman qu'elle juge  injustement, car s'il est vrai que si l'écriture n'a pas atteint le scintillement de celui de Chez Les heureux du monde, E. Wharton a inséré des références littéraires et un ton unique de badinage qui voile des descriptions de caractères et de moeurs très enlevées comme le type du jeune homme du monde. L'auteur ressemble étonnamment à la jeune fille américaine comme la décrit Paul Bourget dans son essai Outre-mer : " elle a tout lu, tout compris, et cela non superficiellement, mais réellement, avec une énergie de culture à rendre honteux tous les gens de lettres parisiens...[...] On dirait qu'elle s'est commandé quelque part son intelligence, comme on commande un meuble". Et effectivement, la romancière fait preuve de beaucoup de drôlerie et d'intelligence dans cette nouvelle.

 Wharton, Libre et légère, Flammarion, 208 p.

Autres romans : Chez les heureux du monde, Kerfol, Les boucanières, Le triomphe de la nuit, Les lettres, Xingu

Lu par Mango,passion lecture, Lou....

Pour en savoir plus sur les romans d'Edith Wharton, voir les billets du challenge Edith Wharton organisé par Titine.

28 mai 2012

Le prince de la brume de Carlos Ruiz Zafon : ISSN 2607-0006

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Tous les zafonmanias devraient être ravis de voir ressortir des textes de jeunesse du célèbre auteur de L'ombre du vent : premier roman d'une trilogie, Le prince de la brume est une enchantement de l'imagination. Beaucoup de thèmes obsessionnels de l'auteur apparaissent, comme une montre qui compte le temps à rebours, un cimetière, une maison isolée et peut-être hantée ; mais avant de transplanter ses romans dans la Barcelone brumeuse, il décrit d'autres brumes plus britanniques, celles-ci.

En 1943, en Angleterre, une famille fuit la guerre et s'installe dans un petit village où de nombreux mystères surgissent. Les questions se multiplient lorsque Max, le jeune héros, découvre un vieil homme habitant seul un phare et unique rescapé d'un naufrage qui cache bien des choses de la vie de son "petit-fils", des statues qui semblent se mouvoir, des anciennes pellicules de film montrant un symbole mystérieux...

Les éléments insolites foisonnent, l'ambiance est crépusculaire et un chat ressemble furieusement à un chat du Cheshire faustien : " La végétation avait envahi le lieu, le transformant en une petite jungle d'où émergeaient ce qui paru à Max être des silhouettes : des formes humaines. Les dernières lueurs du jours tombaient sur la campagne et il dut forcer sa vue. C'était un jardin abandonné. Un jardin avec des statues prisonnières dans cette enceinte qui rappelait un petit cimetière de village"....(p. 30). Pygmalion par amour pour sa créature la fait vivre, Zafon lui aussi rend vivants tous ses personnages mêmes les plus invraisemblables...

Ce qui est appréciable dans les romans de Zafon, qui met en scène souvent des adolescents pour personnages principaux (mais est-ce vraiment le cas ? Les pères zafoniens agissent toujours comme des enfants ou comme des êtres hors de la réalité... Ici l'horloger a l'air le plus farceur et le plus insouciant de tous les personnages), c'est que le jeune héros ne se comporte nullement de manière puérile et la fin ne correspond pas aux normes des films Disney. Des adolescents, de la magie, des rebondissements et une série d'opus : on peut trouver des similitudes dans les thèmes et les destinataires avec la saga Harry Potter mais les héros zafoniens leur dament largement le pion... On suit les pas surgis de la brume du prince sans voir le temps passer...

 Zafon, Le prince de la brume, Robert Laffont, 210 p.

Autres romans : L'ombre du vent, Le jeu de l'ange, Marina,

Lu par Lou, L'irrégulière...

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