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1001 classiques
29 octobre 2010

Mina de Vanghel de Stendhal : ISSN 2607-0006

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Mina de Vanghel est une jeune fille riche, l'une des plus riches de la cours d'Allemagne à la mort de son père. Sa mère craignant de laisser sa fille seule la presse de se marier. Mais Mina a une imagination débridée et se fait une haute conception de l'amour :" Mina ne connaissait les cours que par les romans de son compatriote Auguste Lafontaine. Ces tableaux de l'Albane présentent souvent les amours d'une riche héritière que le hasard expose aux séductions d'un jeune colonel, aide de camp du roi, mauvaise tête et bon coeur. Cet amour, né de l'argent, faisait horreur à Mina". Pour échapper à cet amour qu'elle juge vulgaire et plat, elle décide d'aller vivre à l'étranger. Elle s'entraîne à se déguiser en homme pour s'enfuir de la cour lorsque sa mère obtient la permission d'aller en France. Là, elle croit rencontrer l'amour en la personne d'un homme marié et médiocre, Monsieur de Larçay.

"Une âme trop ardente pour se contenter du réel de la vie".

Pour trouver l'amour, Mina est prête à tout. Elle de déguise en dame de compagnie pour entrer au service de Madame de Larçay et se rapprocher de l'homme qu'elle aime et invente un plan machiavélique où les masques vont révéler l'identité de chacun. Elle n'hésite pas à manipuler les personnes autour d'elle. Ah ! Encore un trio amoureux !  Mais ici, c'est la femme qui a un caractère fort et les hommes n'ont qu'une place subalterne ou un rôle désavantageux.

Le narrateur, sur un ton détaché, usant d'ironie pour parler de son personnage, expose sa conception de l'amour. A travers le destin de Mina de Vanghel, c'est le phénomène de cristallisation que démontre Stendhal (biographie Larousse) : on invente des qualités à l'aimé, on voue un culte à un amour idéalisée... Mina de Vanghel est une très belle tragédie, sans effusion de sang, ni de sentiments, sur fond de décor romantique, ruines, clair de lune et balcon, le lac de Genève et des références à Rousseau. Et on pourrait d'ailleurs conclure sur les mots de Rousseau, cité à plusieurs reprises dans cette nouvelle, qu'il n'y a de vraiment beau que ce qui n'existe pas.

 Stendhal, Mina de Vanghel,  Bibliothèque Gallimard.

Lecture dans le cadre du challenge "Au bon roman" de Praline.

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15 octobre 2010

Les dames vertes de George Sand : ISSN 2607-0006

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George Sand ( biographie Larousse) est un écrivain tout à fait fascinant, vivant de sa plume, fumant, s'habillant en homme à une époque où les femmes n'avaient que peu de droits. Elle a fréquenté Chopin, Delacroix, Dumas et Flaubert... Ecrivain prolixe, elle a écrit de nombreuses nouvelles dont Les dames vertes.

Le narrateur est un jeune avocat, Just de Nizière,  à l'imagination débordante : devenu avocat pour plaire à son père,  il  aurait "préféré  les lettres, une vie plus rêveuse, un usage plus indépendant et plus personnel de [ses] facultés, une responsabilité moins soumise aux passions et aux intérêts d'autrui". En 1788, il se rend au château de Ionis pour démêler une affaire de famille : Madame Ionis doit hériter d'un immeuble après la découverte d'un testament, cassant un premier testament en faveur de ses cousins, qui sans cet héritage tomberait dans la misère. Bien que dans son droit, celle-ci refuse de gagner ce procès. Doit-il lui faire gagner ce procès et le droit ou laisser triompher les sentiments ? Just loge dans une magnifique chambre où il apprend que des ancêtres du château apparaissent pour prédire l'avenir...

Des spectres apparaissent, des statues semblent prendre vie et vous saurez en lisant cette nouvelle quel est le rôle de la fontaine de Goujon : rêve ou réalité ? Cette histoire serait, somme toute, qu'un conte de l'étrange proche de ceux d'Hoffmann, dans la lignée des contes fantastiques du XIXeme siècle s'il ne portait pas la trace des préoccupations de la romancière, notamment les questions sociales de la mésalliance et une certaine critique de la noblesse : " Bourgeois et philosophe (on ne disait pas encore démocrate), je n'étais nullement convaincu de la supériorité morale de la noblesse". De plus, l'action se passe à la fin du XVIIIeme siècle et on sent les influences des philosophes des Lumières. Le procès ressemble globalement à celui mis en scène dans Entretien d'un père avec ses enfants. Avec Les dames vertes, Georges Sand signe une nouvelle bien tournée, qui joue avec les codes du surnaturel et qui montre toute la diversité de son oeuvre.

Sand, Les dames vertes, Magnard, 139 p.

Autre oeuvre : Laura voyage dans le cristal

Lu dans le cadre du challenge George Sand de George Sand et moi.

12 octobre 2010

L'étrange histoire de Benjamin Button de Fitzgerald : ISSN 2607-0006

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Benjamin Button, F. Scott Fitzgerald, Pocket, 56 p.
Né avec l'apparence d'un vieillard de quatre-vingts ans, Benjamin Button va vivre à rebours tous les événements majeurs du destin d'un homme : études, mariage, jeux d'enfance, apprentissage... Cependant, son parcours très conventionnel va être entravé par son apparence physique. Et malheureusement pour lui, il est né dans une famille très respectable et dans une société bien pensante qui n'aura de cesse de lui reprocher sa différence : " A Baltimore, M. et Mme Button avaient, avant la guerre de Sécession, une situation sociale et financière des plus enviables. Ils avaient noué des liens avec les familles en vue, ce qui, comme le savent tous les gens du sud, leur permettait de faire partie intégrante de la prétendue "bonne société", qui s'épanouissait à l'époque dans le sud des Etats-Unis. Comme c'était la première fois qu'ils se pliaient à cette charmante coutume qui consiste à faire un enfant, M. Button était naturellement inquiet.". Ainsi dès le début du texte, le narrateur ironise doucement sur la vanité et les préjugés de la société qui accueille la venue de Benjamin. 

Cette nouvelle fantastico-philosophique porte aussi un regard critique sur les hommes et la société ; abordant les thèmes de l'apparence, de la différence et des préjugés qui transparaissent dans le refus d'accepter la réalité par le père de B. Button : " si disons, il arrivait à trouver un habit d'enfant très large, il pourrait lui couper cette longue barbe horrible, lui teindre les cheveux, et ainsi dissimuler cette ignominie, et préserver un semblant de respectabilité - y compris son propre rang au sein de la bonne société de Baltimore". La nouvelle, par essence un genre bref, aurait mérité d'être davantage développée tant le sujet est intéressant et foisonnant...

L'Etrange Histoire de Benjamin Button - Bande Annonce (Français)

Benjamin Button, vu par David Fincher
Ne vous attendez pas à une adaptation fidèle : le film reprend le canevas de la nouvelle mais pour mieux broder autour, un fabuleux road movie avec une magnifique histoire d'amour doublée d'une philosophie quelque peu différente de la nouvelle. Si le thème de la différence est repris, énoncé sentencieusement par un pygmée et montrant la solitude de Benjamin, le film prend une toute autre dimension, celle d'une réflexion sur la vie et l'amour.
"On ne sait jamais ce que la vie nous réserve" : effectivement comme un leitmotiv, chaque personnage traduira ainsi sa vision du monde. Rencontre, hasards, morts, naissances, le réalisateur a voulu illustrer le foisonnement de la vie avec un arrière fond historique important. La chance ? elle est illustrée, par exemple, par le personnage comique, frappé sept fois par la foudre. Quant à la mort et aux naissances, elles sont symbolisées par le lieu où grandit Benjamin, un hospice qui lui fait côtoyer la mort très tôt, lui, le nouveau né.
A côté de la prouesse technique des transformations qui font rajeunir Benjamin et au contraire vieillir Daisy, et de la saisie de petits instants très beaux de la vie quotidienne, on peut reprocher à ce film très long, voire trop long, une certaine lenteur de rythme pas toujours nécessaire et une certaine complaisance à être moralisateur. Mais ce qui est touchant, c'est la solitude du personnage, et la pudeur avec laquelle elle est montrée sans tomber dans le mélo et la mélancolie baroque du passage du temps : "rien ne dure" mais "il y a des choses qu'on n'oublie jamais" dit Daisy au seuil de la mort. Malgré ses défauts, Benjamin Button reste un très beau film...

5 octobre 2010

Histoires de fantômes : ISSN 2607-0006

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Lecteurs, aimez-vous les histoires de spectres, les situations sombres et les nouvelles fantastiques ? Vous trouverez cette ambiance et ces thèmes dans ce recueil histoires de fantômes qui rassemble trois nouvelles, dont l'intérêt est assez inégal : La chambre tapissée de Walter Scott, La légende de Sleepy Hollow de Washington Irving et La maison du juge de Bram Stocke.

Walter Scott a remis au goût du jour des traditions écossaises mais aussi ses fantômes. Dans la chambre tapissée, on retrouve des techniques traditionnelles de la nouvelles fantastiques avec un récit cadre. Un officier de retour d'Amérique voyage en Angleterre et découvre un grand manoir - très caractéristiques des manoirs hantés- qui appartient à un ami d'enfance Lord Woodville. Ce dernier lui propose de rester dans le manoir et d'occuper une chambre "antique". Le lendemain, l'intrépide général est absent, sorti à l'aube et lorsqu'il revient c'est pour annoncer brusquement son départ. Pourquoi quitte-t-il aussi soudainement son hôte ?  W. Scott nous livre ici une nouvelle très classique de revenants, assez décevante, l''intrigue étant très conventionnelle est peu développée et sans véritable surprise. L'écriture est banale ainsi que l'histoire qui ne révèle aucune surprise et ménage un assez piètre suspense...

Bram Stocker, connu pour son célèbre Dracula, est l'auteur d'une nouvelle véritablement terrifiante. En 1981, il a écrit La maison du juge, inspiré d'une nouvelle de Le Fanu. Un jeune étudiant en mathématiques, donc très cartésien, recherche une demeure pour réviser seul ses leçons avant un examen. Enfin, il trouve une maison qui le satisfait à tout point de vue :" Il n'y a qu'un seul endroit qui lui plut vraiment car il exauçait, au-delà de toute espérance, son désir  irraisonné de solitude. En fait, il aurait été plus juste de parler de désolation plutôt que de solitude pour rendre compte de l'isolement de la battisse. C'était une vieille demeure, massive et biscornue, de style jacobéen, surmontée de lourd pignon et percée de fenêtres extraordinairement petites et placées bien plut haut qu'il n'est d'usage dans des constructions de ce genre". Ce manoir a été habité par un juge cruel et il l'est maintenant par un rat étrange : " La-bas à droite de la cheminée, sur la grande cathèdre de chêne sculptée, se tenait assis un rat énorme, qui le toisait avec aplomb d'un oeil mauvais". Le vieux manoir isolé, un juge mystérieux, une tempête, des morts brutales et inexpliquées... Voici quelques poncifs des histoires de fantômes mais Bram Stocker arrive à nous effrayer et à nous faire frissonner d'épouvante avec cette macabre nouvelle. L'étudiant est-il fou ? Est-ce que le manoir est réellement hanté ? La description des apparitions du juge et le grouillement des rats sont si vivement décrits que la tension ne cesse d'augmenter ! Il a su créer une ambiance et une atmosphère très sombre, entraînant le lecteur dans ce monde étrange.

La légende du cavalier sans tête d'Irving : D'emblée, l'anti-héros de cette nouvelle nous fait entrer dans un univers comique et champêtre très éloigné des frissons que peuvent provoquer la mention d'un cavalier sans tête... " Il imaginait les pourceaux découpés en belles tranches de lard et en jambons tendes et goûteux et ne pouvait apercevoir la dinde sans se la figurer délicatement troussée, le gésier fourré sous l'aile, peut-être même parée d'un chapelet de saucisse savoureuses, et jusqu'au joyeux chantecler, couché sur le dos, servi en garniture, les pattes en l'air comme dans une postures qu'il avait toujours rêvé de prendre mais à laquelle, par orgueil, il n'avait de son vivant, jamais daigné se mettre. Alors qu'Ichabod, radieux songeait à tout cela, et parcourait, de ses grands yeux verts, les grasses prairies [...] Son coeur aspirait à la demoiselle qui devait hériter de ce domaine [....]" : Ichabod Crane, instituteur sans, le sous rêve d'épouser une riche héritière mais sur son chemin se dresse un adversaire redoutable, le héros local surnommé "Brom Bones"... Ichabod, rêveur incorrigible, croit avoir toutes ses chances, jusqu'au jour où il doit faire face à une terrible apparition... Décidément, les nouvelles mêlant fantôme et humour ne sont pas des réussites et cette nouvelle bien que comique grâce à son héros ridicule, ressemble plus à une blague de potache qu'à une véritable histoire de fantômes !

Trois nouvelles, trois écritures différentes mais trois auteurs de renom qu'il faut découvrir en ces temps d'Halloween... avec Lou et Hilde !

Histoires de fantômes, présentées par Dominique Lescanne, Pocket bilingue, 223 p.

8 septembre 2010

Daisy Miller de Henry James : ISSN 2607-0006

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A côté des romans d'aventures d'un Jack London ou des romans "régionalistes" de L.M. Alcott, Henry James (biographie Larousse) développe des romans psychologiques où  le poids des conventions est omniprésent. Il décrit dans Daisy Miller le destin de deux jeunes héros : Winterbourne et Daisy. Leur rencontre en Suisse apparaît d'emblée sous le signe de l'opposition et du contraste : Winterbourne a les préjugés de sa classe tandis que Daisy semble indépendante et libérée. Aime-t-elle Winterbourne ?  "sembler", "paraître" sont des verbes qui conviennent parfaitement à l'héroïne éponyme, car à aucun moment les pensées de Daisy ne sont dévoilées laissant le jeune homme et le lecteur cerner le personnage de la jeune femme. Celle-ci pleine de contradictions ou capricieuse, ne rêve que de vivre entourée d'hommes et d'une société légère, ce qui est jugé inconvenant pour une jeune fille. Mais qui est vraiment Daisy Miller ? Est-elle victime de son caractère libérée, de son indépendance, de son manque d'éducation avec des parents complètement absents ou des préjugés ? Ainsi si on nous livre les atermoiements de Winterbourne, les pensées de Daisy Miller restent opaques...

Au fur et à mesure, le lecteur découvre que Daisy n'est pas si insensible à l'ostracisme qui la frappe mais le narrateur se tait et l'auteur reste dans le sous-entendu et le non-dit, laissant la psychologie du personnage impénétrable : Daisy Miller est un portrait de femme troublant et mystérieux à une époque où les rapports entre hommes et femmes sont inégalitaires. Sur fond d'opposition Europe / Amérique, Henry James brosse un destin individuel qui pose les questions de l'innocence et des préjugés : Daisy est-elle une femme émancipée ou est-elle innocente ? Cultivant une écriture du mystère, Henry James nous laisse juste apercevoir le portrait d'une femme ambiguë et mystérieuse et excelle à dépeindre la destinée d'une femme dans la deuxième moitié du XIXeme siècle.

James, Daisy Miller, Folio 2 euros, 106 p.

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18 août 2010

Les lettres Edith Wharton : ISSN 2607-0006

 

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Cette petite nouvelle Les lettres reprend des thèmes chers à Edith Wharton, issu d'un milieu mondain new-yorkais décadent, en pleine mutation, à la charnière du XIX et XXeme siècle : le poids des apparences, les sentiments amoureux et celui de l'argent.

A cause de la mauvaise volonté d'une élève, et de l'entrevue qui s'ensuit avec Mr Deering, le père de l'élève, Lizzie, institutrice peu fortunée, se retrouve à embrasser son employeur, un peintre qui a fait un malheureux mariage. Peu à peu, une complicité se tisse entre ces deux personnages. Deux mois plus tard, à la mort de sa femme, Deering retourne en Amérique. Quels sentiments éprouvent-ils ? Quel destin attend notre héroïne ? "La richesse de cette vie cachée - voilà ce que la surprenait le plus ! Elle n'en avait jamais eu le moindre soupçon et s'en était tenue à suivre l'interminable sentier étroit de la routine comme un voyageur qui grimpe un raidillon dans le brouillard pour se découvrir, soudain, sur un éperon rocheux noyé de soleil, entre infini de l'azur et les abîmes vertigineux des vallées. Le plus étrange, c'était que les gens autour d'elle - tout le petit monde de la pension Passy - semblait cheminer sur ce même et morne sentier, absorbés par les cailloux sous leurs pas, ignorants de la splendeur au-delà du brouillard." Elle lui écrit des lettres qui restent sans réponse. Lorsque leur chemin se croise à nouveau, elle est devenue une riche héritière tandis que lui est ruiné et sans avenir...

On retrouve ici la magnifique plume de la romancière américaine Edith Wharton. Le début  et la fin sont très rapides, abrupts comme si la narration d'une intrigue n'avait pas réellement d'importance car ce qu'elle cherche à développer c'est le sentiment amoureux. Les métaphores printanières abondent mais c'est pour mieux cacher une réalité sordide.  Elle décrit la cruauté de la vie et le bonheur reposant sur un mensonge... car Lizzie est moins naïve que prisonnière de ses sentiments. Lorsqu'elle saura la vérité sur son mariage, elle refusera de la regarder en face. T. S. Elliot, je crois, disait que les gens ne peuvent supporter trop de réalité. Dans cette nouvelle psychologique, Edith Wharton sonde l'âme d'une jeune fille enfoncée dans ses illusions. On ne peut que regretter la brièveté de cette nouvelle, qui ne permet pas de développer ce thème, mais elle a su merveilleusement et brutalement décrire le désenchantement et les désillusions de la vie...

Wharton, Les lettres, Folio 2 euros, 92 p. (extrait du recueil Le fils et autres nouvelles).

Autres romans : Xingu, Chez les heureux du monde, Le triomphe de la nuit

Lu dans le cadre du challenge Edith Warthon de Titine, site plaisir à cultiver.

20 juillet 2010

La rêveuse d'Ostende d'Eric-Emmanuel Schmitt : ISSN 2607-0006

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"Ce qui est intéressant dans une énigme, ce n'est pas la vérité qu'elle cache mais le mystère qu'elle contient", dit l'un des personnages dans la dernière nouvelle du recueil La rêveuse d'Ostende. Et E. E. Schmittt crée une atmosphère, dans chacune des cinq nouvelles, nous plongeant savamment dans un monde entre imagination littéraire, rêve et réel...

"Les mauvaises lectures" : Maurice Plisson, un professeur d'histoire dédaigne les romans qui ne sont que mensonges et fictions et déclare : "Que découvrais-je avec les romanciers qui privilégient la fantaisie ? Non mais dites-moi quoi ?" Prenant l'exemple de "la marquise sortit à 5 heures", il dénonce l'arbitraire du langage romanesque. Vaguement misogyne, hypocondriaque, couard, méprisant tous ouvrages non scientifiques ou historiques, il juge commercial tous autres livres. En vacances avec sa cousine Sylvia, il lit par hasard la quatrième de couverture d'un roman qu'elle vient d'acheter dans une grande surface, La chambre des noirs secrets de Chris Black. Pour lui, c'est le comble de la vulgarité ! Cependant, il est question d'un livre du XVI siècle dans la présentation de l'éditeur. Quel peut-être ce livre ? Dérobant secrètement ce roman, il commence la lecture de cette histoire d'agent secret qui le captive complètement, où il est question de pièces secrètes, de chants mystérieux entendus à travers des murs... Son imagination débordante, et un secret que refuse de révéler sa cousine l'amène dans une situation des plus cocasses : a-t-il réellement vu un homme dans la maison qui chercherait à les cambrioler ? Le cri de la chouette ne serait-il pas un signal entre voleurs ? S'imaginant entourés d'ennemis et se prenant lui-même pour un personnage du roman de C. Black, son imagination s'emballe de manière comique... jusqu'à un dénouement tragique révélant tout l'humour noir de E. E Schmitt ! Une nouvelle à chute rondement menée et extrêmement drolatique !

"La rêveuse d'Ostende" : Après une rupture sentimentale, le narrateur écrivain décide d'aller se reposer à Ostende, lieu qui l'a toujours fasciné. Il est logé chez une vieille dame, Emma Van A. malade et insignifiante aux yeux de sa propre famille. Sa nièce déclare que sa vie n'a été que vacuité... Cependant, le narrateur est surpris par ses paroles : "D'un amour essentiel, on ne s'en remet pas.". Aurait-elle connu l'amour malgré les dires de sa famille ? Après un infarctus, Emma lui fait des aveux étranges : elle aurait eu une aventure avec un prince ! Un prince ? N'est-elle pas en train de s'imaginer une vie de rêvée ? Sa maison s'appelant la villa Circée, ne confond-elle pas L'Odyssée et sa propre vie ? Le jour de la mort de la vieille dame, la vérité éclate enfin... Une très belle histoire d'amour, pleine de suspense.

"Le crime parfait", "La femme au bouquet" et " La guérison " mettent aussi en scène des personnages aux prises avec leur imagination. A chaque situation nouvelle, E.E. Schmitt nous montrent que sous des apparences anodines, la vie nous réserve de surprenantes révélations. Si "La femme au bouquet", se révèle un peu décevante, trop courte et à la limite du fantastique et "la guérison" moins captivante que les autres nouvelles, ces récits sont vraiment à découvrir pour leur fraîcheur, leur humour et le rôle de l'imagination... Une belle découverte !

Schmitt, La rêveuse d'Ostende, Livre de poche, 246 p.

Lecture dans le cadre "découvrons un auteur de Pimprenelle" : 

3 juin 2010

Catalène Roca de Jean François Delapré : ISSN 2607-0006

 

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22/05/2010

Ma chère Lou,
Tu dois te demander quel est ce petit colis que tu viens de recevoir. C'est le recueil de J. F. Delapré dont je t'avais parlé : il tiendrait presque dans ma main ! J'ai beaucoup apprécié la légèreté de l'écriture, vive, délicate et minutieuse de cet auteur que je ne connaissais pas et l'univers des livres. "Catalène Roca" et "l'homme au manteau de pluie" m'ont surprise et ravie. Et toi ? Dis-moi vite ton avis, je suis impatiente de savoir ce que tu en penses. Les aimeras-tu comme moi ? Vas-tu apprécier ces petites histoires énigmatiques ? Ne sont-elles pas plaisantes à lire ?
Bien à toi, Maggie.

27/05/2010

Dear Maggie

J’ai bien reçu ton petit paquet et tu n’avais pas menti, puisque j’ai lu le livre de (… ça commence bien, j’ai oublié son nom et je n’ai pas son livre sous les yeux - coupera-t-on cette partie au montage ?) en quelques minutes, une bonne petite coupure ! Comme nous avons décidé de profiter de nos échanges de mails pour faire notre chronique commune, je me jette à l’eau, même si je compte éviter les digressions victorio-anglo-austeniennes – ce qui, malgré tout, réduit considérablement nos chances de faire croire à quiconque nous connaîtrait un tant soit peu que ces mails ont quelque chose de naturel et de spontané. Celles qui ont récemment introduit chez moi un slat Darcy ou le guide des bonnes manières de Jane Austen diront tout de suite que ce n’est pas crédible (pour quelqu’un qui voulait éviter les digressions j’ai mal commencé, mais je suis en mode digestion après avoir honteusement ingéré un fondant au chocolat).

Bref donc, parlons peu parlons bien (ou du moins parlons du sujet que nous étions censées aborder). Pour les lecteurs qui vont s’immiscer dans notre correspondance (bande de petits sacripants !), nous parlons ici de Catalène Rocca, un très court recueil de deux histoires d’environ 10 pages chacune (dans un tout petit volume). Le héros m’est très sympathique, puisqu’il s’agit d’un libraire. Dans la deuxième nouvelle, il évoque un grand auteur qui se rend chez lui à chaque séjour en France, s’attardant sur une coïncidence amusante, puisque c’est l’auteur du roman favori de son employée, qui ne le reconnaît pas et le prend pour un client normal. En revanche Maggie, puisque ce mail t’est adressé à l’origine, je serais bien curieuse de savoir ce que t’évoque la première nouvelle car le libraire en question m’a tour à tour consternée puis traumatisée (rien de moins !).

Je ne m’explique pas deux choses : entre toutes ses clientes, pourquoi fait-il une fixation sur celle qui se dit éclectique en achetant un polar et un roman à l’eau de rose ? On trouve d’excellents polars et je veux bien croire que certains romans dégoulinant de sentiments, de jupes courtes et de torses imberbes peuvent exercer un pouvoir insoupçonné sur notre imagination (souvenirs émus et - un peu trop - lointains de mon adolescence), mais j’aurais davantage imaginé un libraire soudain obsédé par le seul client du village à chercher une édition rare de l’auteur franchement méconnu que lui-même rêve depuis toujours de faire connaître au monde entier (ou ce genre de chose excessivement cliché). Damn it ! Je comprends mieux pourquoi les libraires me regardent parfois bizarrement quand je m'enflamme en achetant un roman victorien tout juste réédité...

Ou bien s’agit-il du roman qu’elle cherche et qui ne figure dans aucune base de données ? Mouais. Et si je trouve absolument touchant l’intérêt qu’il prend à gérer sa clientèle, j’ai découvert avec horreur qu’il existait également des libraires psychotiques prêts à se rendre au domicile de leurs clients pour les guetter sous des prétextes fallacieux (en trouvant leur adresse grâce à un chèque). Maggie, merci, grâce à toi je penserai désormais à me munir d’argent liquide en librairie et à fermer mon appartement à triple tour la prochaine fois que je succomberai aux appels d’Hercule Poirot (qui me semble tout à fait susceptible de réveiller les troubles obsessionnels compulsifs d’un libraire névrosé, non ?).

En attendant ta riposte, Ta très dévouée Lou !

 

 

28/05/2010

Ma chère Lou,
Merci pour ton petit mot sur ta lecture du recueil Delapré, évidemment tes commentaires m'ont fait beaucoup rire...
Deux lectrices et deux avis totalement différents ! En effet, en ce qui concerne le libraire au comportement déplacé, suivant sa cliente aux yeux pers, je n'avais pas remarqué tout ce que son attitude pouvait avoir d'obsessionnel ou d'étrange. J'ai lu ce court récit comme la réécriture d'une rencontre amoureuse déçue, inversée : " Je ne vous ai pas encore parlé de ces yeux pers. Il faut commencer par le début. Ses yeux. Ou comment je suis devenu amoureux. Notre rencontre avorta assez vite". Du début à la fin de la nouvelle, il n'y a que déception amoureuse... Une jeune fille qui recherche un livre parlant d'une rupture ou d'un amour brisé, un libraire sachant que la rencontre avec celle qui le fascine n'a pas eu lieu... J'y ai vu, non pas un libraire névrosé, mais un anti-héros et une écriture "déceptive" !
Mon dieu ! Mais avons-nous lu le même livre ? Pourquoi les détails que tu soulignes ne m'ont pas sauté aux yeux ? Et pourtant, je t'assure, il n'est pas dans mes habitudes de suivre des gens ou de lire leur adresse sur des chèques ! Ne serait-ce pas notre cher libraire qui se prendrait pour Sherlock Holmes avec ses déductions ??? N'est-il pas un héros à l'imagination débridée, sensible et curieux ?
Ma chère Lou, il m'est bien agréable de converser avec toi sur cette étrange histoire... Merci, de m'avoir ouvert les yeux sur  le danger de faire des chèques dans une librairie !!!! 
Maggie

 

 

30/05/2010

Dear lectrice romanesque & romantique,

Ton point de vue plein de fraîcheur me pousse à faire un mea culpa. Derrière le fantôme d'une histoire d'amour qui aurait pu avoir lieu, je me suis amusée à dénicher les « détails qui tuent », à saisir ce texte poétique et triste pour y porter un regard ironique (mais bienveillant). Je plaide l'overdose de littérature anglaise. J'ai passé un joli moment moi aussi et te remercie une fois de plus pour ce bon moment passé en compagnie d'un amour malheureux (et d'un libraire au comportement louche).

Livresquement, Lou

PS : je n'aurais pas dû faire de chèque au restaurant coréen où nous avons dîné vendredi. J'ai croisé deux Coréens dans la rue. Je suis presque sûre qu'ils se connaissent. Qu'ils m'épient. Veulent-ils s'en prendre à ma bibliothèque ?

 Delapré, Catalène Roca, suivi de l'homme au manteau de pluie, Table Ronde, 35 p.

Merci à BOB et aux éditions de la Table Ronde pour cette lecture en duo qui s'est révélée fort amusante et vraiment divertissante ! Merci Lou d'avoir partagé cette lecture avec moi, merci pour ton humour  !

17 mai 2010

Dickens, Barbe à papa de Philippe Delerm : ISSN 2607-0006

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Jouant sur la métaphore "dévorer des livres", Philippe Delerm alterne descriptions ou anecdotes de souvenirs culinaires et de souvenirs de lectures. De même que la madeleine proustienne ressuscite toute l'enfance du narrateur, l'auteur développe dans ce court récit, des aliments qu'il associe à différents auteurs. Voici un exemple, intitulé "La lecture et l'anorexie " (p. 49):

"La chartreuse de Parme, Le Vicomte de Bragelonne, Monsieur de Camors, Le vicaire de Wakefield, La chronique de Charles IX, La terre, Lorenzaccio, Les Misérables... Voici quelques-uns des aliments dont se nourrit Juliette, la soeur aux longs cheveux de Colette. C'est un textes étrange qu'à écrit l'auteur de lLa maison de Claudine. Comme si parmi les sources vives de l'enfance, la fraîcheur de l'aube donnée en récompense, la sensualité des sources, des glycines, de l'abricot mûri sur l'espalier, il fallait qu'il y eût aussi un un lieu clos, une prison de fièvre. La chambre de Juliette. "J'avais douze ans, le langage et la manière d'un garçon intelligent, un peu bourru, mais la dégaine n'était pas garçonnière, à cause d'un corps déjà façonné fémininement, et surtout deux longues tresses". Ainsi se définit Colette sur le seuil de cette chambre à la fois familière et lointaine. cette phrase n'est pas sans équivoque. L'auteur y revendique d'emblée virilité et féminité mêlées. A l'âge où il faut choisir, elle aime trop la vie pour séparer. Si le début de la phrase marque sa singularité de sauvageonne, la fin, par chevelure longue interposée, fait de Juliette un double.

Qu'est-ce que Juliette ? Une enveloppe terrestre féminine qui se consume dans les livres jusqu'à la folie. Elle ne dort plus, ne mange plus, laisse refroidir indéfiniment la tasse de chocolat que Sido lui a préparé. A la fin, elle passe de l'autre côté du miroir, confond ses proches avec ses auteurs préférés qui viennent lui rendre visite dans son délire. comment ne pas penser que la jeune Sidonie Gabrielle Colette a dû être horrifiée autant qu'attirée par cette chambre absolue de lecture où Juliette s'est enfermée ? On dévore les livres, ou bien les livres vous dévorent. C'est une drogue effrayante et douce, un séduisant voyage. Colette l'a connu de trop près pour ne pas se sentir tentée. Une force en elle a donné sa réponse. On peut aussi manger la vie. Alors plus tard, peut-être, on en fera des livres."

Entre deux réminiscences d'instants de vie liées à la gastronomie, Delerm parle du style de Flaubert, dans L'éducation sentimentale, du travail du poète Carl Spitzweg, raconte des anecdotes sur Proust ou Dickens, fait aussi l'éloge d'Alain de Bottom. Si les textes ne présentent pas une égalité de qualité ou d'intérêt, selon les auteurs évoqués, Philippe Delerm arrive à nous faire partager ses plaisirs livresques et à faire ressurgir en nous, nos propres souvenirs d'enfance, que ce soit l'amour de la barbe à papa ou l'amour de Dickens...

9 mai 2010

La main de Dieu de Yasmine Char : ISSN 2607-0006

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Quatrième de couverture
" Il y a une jeune fille, quinze ans, qui court le long d'une ligne de démarcation. Il y a le Liban, ce pays depuis si longtemps en guerre qu'on oublie parfois depuis si longtemps en guerre, il y a l'amour. L'amour de la jeune fille, pur comme un diamant : pour le père, pour l'amant, pour la patrie. Grande absente, la mère ne sait rien de cet amour. Elle est partie sans laisser d'adresse. La jeune fille ne sait pas comment faire pour grandir là tiraillée entre deux cultures, happée par la violence. Alors elle court. C'est l'histoire d'une fille en robe verte qui virevolte dans les ruines, qui se jette dans les brase d'un étranger, qui manie les armes comme elle respire. L'histoire d'une adolescente qui tombe et se relève toujours".
La narratrice, une jeune libanaise, livre ses blessures personnelles comme le départ et l'absence d'une mère, puis la dépression de son père. Mais elle parle aussi de la blessure que la guerre  civile libanaise lui inflige. Le personnage est scindé entre un "je" et un "elle" qui sert à la désigner selon ses actions, et l'Orient et l'Occident. Sa mère étant française, elle s'attache irrémédiablement à un reporter de guerre français, dont elle ne sait rien. Mais qui est-il vraiment ?

Est-ce la haine et la colère qui émane de ce roman qui empêche d'adhérer à cette histoire ? La langue et les images évoquées sont souvent brutales, crues, comme les premiers mots du récit : " Un matin à dix heure trente, alors que je fumais ma première cigarette à la table d'un bistrot, un homme m'a dit : vous êtes une tueuse. Je n'ai pas su comment le prendre. Cet homme, je ne le connaissais pas. Je ne lui en ai pas voulu".
Est-ce la confusion du récit, qui évoque pêle-mêle la condition de la femme, la question de l'enfance, de la religion ? L'émotion de la jeune adolescente est traduite par une écriture hachée et des phrases brèves. La narration elle-même est  morcelée en petits chapitres, qui créent des ruptures abruptes. L'intrigue est ainsi diluée dans de multiples réflexions.
Ce bref roman n'est pas complètement dénué de thèmes intéressants ou de qualités - l'écriture se fait d'ailleurs plus poétique vers la fin du roman - mais il ne donne qu'une image en filigrane du Liban et la narration semble hâtive ou inaboutie ; même si l'intrigue réserve une surprise finale...

Char, La main de Dieu, Folio, 121 p.
Avis de Fleur, Lou, Malice, Kathel, Mango...Cathulu.

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