29 janvier 2023

Monsieur Han de Hwang Sok-Yeong : ISSN 2607-0006

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Qui est Kwang sok-yeong ? «Né en 1943 en Mandchourie, où sa famille s’était réfugiée pour fuir les Japonais, Hwang Sok-yong se retrouve quelques années plus tard à Pyongyang, la cité rouge repeinte aux couleurs soviétiques, puis à Séoul, où il est surpris par la guerre de Corée. Avant de partir combattre au Vietnam, de rentrer au pays, et de se lancer dans d’autres luttes, au nom de la démocratie. De 1993 à 1998, il est expédié en prison pour avoir osé se rendre à Pyongyang, afin de soutenir les artistes du Nord. Lorsque j’étais en détention, raconte-t-il, on n’avait pas le droit d’avoir un stylo bille. On m’a mis au cachot pendant deux mois pour avoir gardé secrètement un stylo. Je me suis battu énergiquement. J’ai fait dix-huit fois la grève de la faim. Certaines ont duré jusqu’à vingt jours. Hwang Sok-yong est un écrivain du défi. Un idéaliste dans un monde privé d’idéal. » André clavel site des éditions Zulma).

 Monsieur Han débute avec la description d'un vieillard qui arrive dans un immeuble : il est vieux et pauvre. Ses voisins ne l'apprécient guère car il est associal. Ce dernier trouve un emploi dans une morgue mais il tombe rapidement malade. Ses voisins voulant mettre la main sur la chambre qu'il a acquise décide de s'occuper de lui. A sa mort viennent trois personnes. Qui est monsieur Han ?

Débute alors un long retour en arrière où toute la vie de Monsieur Han est évoquée : médecin ayant quitté la Corée du Nord lors de la guerre civile, il s'est retrouvé séparé de sa famille. Non seulement son origine en fait un suspect idéal dans toutes les situations mais en plus, il est naïf et borné, se faisant ainsi berner par tout son entourage.

Dans l'introduction, on apprend que Monsieur Han est qualifié de "chronique" car les faits racontés sont authentiques : elle montre les ravages de la guerre de Corée, à une époque où tout le monde est suspect d'espionnage. Les malheurs et l'injustice frappent encore plus durement les gens démunis. Mais comme dans Au soleil couchant, l'auteur sait écrire sur la misère et les injustices sans pathos. L'écriture reste toujours sobre, sans effusion, même pour dire les pires horreurs de la guerre civile...

La soeur de monsieur Han, une veuve qui élève seule ses enfants, est particulièrement touchante et courageuse. Seule face à l'adversité, elle tente de sauver son frère de la torture. Contrairement à son frère, elle n'est pas naïve et même si elle n'arrive pas à ses fins, elle ne baisse jamais les bras:  "elle se souvint de la maxime qui dit que volonté de femme en colère peut faire geler en plein mois de juin"(p. 123). Un beau portrait de femme !

Comme dans les romans japonais d'Aki Shimazaki, c'est à travers la destinée d'un personnage que l'histoire d'un pays se dévoile. Un livre à connaître !

gettyimages-902452584-612x612Kwang Sok-Yong, Monsieur Han, Editions Zulma, France octobre 2010, 151 p.

Lecture commune avec Rachel et Pativore

J'ai créé un logo, si vous souhaitez le rajouter aux lectures sur Hwang.

autres romans de l'auteur : Princesse Bari, Au soleil couchant

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30 septembre 2019

La note américaine de David Grann : ISSN 2607-0006

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 Photo : © Courtesy of Raymond Red Corn et James Gabbert/Istock. couverture : Hite

Comme le célèbre De sang froid de Truman Capote, La note américaine est un "true crime"  : le journaliste David Grann enquête sur des disparitions dans la tribu des Osage et raconte comment des meurtres sont passés inaperçus. Avec ses chiffres, ses faits, ses dates, l'écriture est minutieuse, précise, simple, écriture proche d'un autre roman de non-ficion De sang froid.

Pour raconter cette enquête, il s'est appuyé sur de nombreux documents, témoignages comme l'indique la bibliographie et les remerciements. L'ampleur des recherches titanesques est visible dans la précision du récit dans lequel sont cités des journaux, des témoignagnes, des rituels osages. En revanche, il n'y a pas de système de numérotation dans le renvoi des notes, ce qui ne facilite pas le repérage des sources. Des photographies viennent illustrer les propos de David Grann et donner un visage à tous ces protagonistes et à tous ces lieux. Voyez comment les images s'intègrent au récit :

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 Courtesy of the werstern History Collections University of Oklahoma Libraries, Cunningham No. 184

Mais il ne faut pas réduire La note américaine à une simple enquête. David Grann se penche sur l'histoire de l'Amérique au début du XXeme siècle, de celle de la police et de la création du FBI et celle des Amérindiens. Ces derniers dépossédés de leurs terres sont obligés de s'installer en Oklahoma sur une terre rocailleuse qui recouvre des gisements pétroliers. Chacun cherche à profiter des malheureux Amérindiens devenus richissimes grâce aux gisements de pétrole... Non seulement on cherche à les assimiler, à les voler, à les empoisonner mais surtout, on les méprise en les appelant les "couvertures" et en les considérant comme des barbares. Pour prendre leur terre originellement au Kansas, voici ce qu'écrit le journaliste : " En 1870, les Osages - expulsés de leurs tipis, leurs tombes pillées -

Grann école 001 acceptèrent de vendre leurs parcelles du Kansas aux colons à un dollar vingt-cinq l'acre. Malgré cela, certains d'entre eux massacrèrent des indiens, laissant leurs corps mutilés, sclapés" (p. 59). Qui sont les barbares ?

Courtesy of Raymond Red Corn

"Presque tout a disparu aujourd'hui. Disparues, les gigantesques compagnies pétrolières et leurs forêts de derricks. Disparus, les chemins de fer, dont celui où A Spencer et Franck Nash commirent la dernière attaque de l'Oklahoma en 1923. Disparus, aussi, les hors-la loi dont la majorité ont eu une mort aussi spectaculaire que la vie qu'ils avaient menée" (p. 311). Certains crimes n'ont pas été punis. Là réside le scandale de cette sombre histoire. Lorsque D. Grann parle enfin à la première personne, c'est pour souligner un triste constat : le Règne de la terreur - dans les années 1920 au moment des nombreux meurtres des Osages - n'est que la partie visible des meurtres perpétrés envers les membres de la tribu des Osages. La note américaine nous rappelle la souffrance des descendants de ces victimes qui tombent dans l'oubli ou dans le

Grann saloon 001désintérêt général. Encore en 2017, Sheridan avec Wind river montrait comment des  femmes amérindiennes pouvaient disparaître dans l'indifférence générale... Mais pour ceux qui ont lu La note américaine, ils n'oublieront pas de sitôt ces atrocités...

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David Grann, La note américaine, Pocket, France, Mars 2019, 421 p.

LC avec A girl from eart

Sur le web : Marilyne, Annie, Book'ing, Miss Léo,

Crom Nathalie, "La note américaine, David Grann", Télérama, mise en ligne le 28 février 2018. URL : https://www.telerama.fr/livres/la-note-americaine,n5504716.php

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"De gauche à droite : Rita, Anna, Mollie, Minnie" (p. 133)

Courtesy of the Osage Nation Museum

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08 mai 2016

Les meilleurs zeugmas du masque et la plume, présenté par Jérome Garcin : ISSN 2607-0006

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La semaine dernière, Jérôme Garcin débutait son émission "Le masque et la plume" par la lecture du courrier des auditeurs, clôturant cette partie par l'énumération de Zeugmas relevés par les lecteurs dans divers romans ( écouter ici). Il nous livre l'histoire de "l'entrée triomphale" de ce procédé dans l'émission et l'engouement zeugmaesque créé.

Mais qu'est-ce qu'un zeugma ? Si vous compulsez votre Gradius ( Dupriez), vous trouverez la définition suivante, citée par J. Garcin : " figure de syntaxe qui consiste à réunir plusieurs membres  de phrase au moyen d'un élément qu'ils ont en commun et qu' on ne répétera pas" (p. 19). Vous cherchez un exempe ? En voilà tout un déluge, "un trafic de zeugma", réunis par auteurs et par genres aussi divers que les films, les chansons, les journaux, les romans : 

- "Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques

vêtu de probité candide et de lin blanc" (Victor Hugo, "Booz endormi")

- "Ah ! Savez-vous le crime et qui vous a trahie ?" (Racine, Iphigénie)

- "Mais cette pièce d'artifice n'était qu'une roulée qu'administrait Saint-Loup, et dont le caractère agressif au lieu d'esthétique me fut d'abord révélé par l'aspect du monsieur médiovrement habillé, lequel parut perdre à la fois toute contenance, une mâchoire, et beaucoup de sang", ( Proust, Le côté de Guermantes).

Et comme ce procédé irrévérencieux et humoristique, ce recueil de figures de style est ludique, léger, accompagné d'illustration de J. Gerner ( ci-dessous, qui n'apporte rien, à mon avis), coloré ( titres orange et pages oranges intercalées), pour un petit moment de délassement et  de distraction. Prenez votre temps et votre plume ( un zeugma, non ?) pour créer les vôtres : à la fin de cette anthologie, on vous propose d'écire vos propres zeugmas à partir de citations célèbres. Je suis sûre que vous y prendrez goût et que vous deviendrez, peut-être, un collectionneur de cette figure de rhétorique...

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Les meilleurs zeugmas du maque et la plume, illustration de Jechen Gerner, folio, 104 p.

Merci folio pour ce partenariat.

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17 mai 2014

De l'art de mal s'habiller sans le savoir de M. Beaugé : ISSN 2607-0006

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De la mode : Nous sommes obligés de nous vêtir - comme le rappelle le journaliste Marc Beaugé dans De l'art de mal s'habiller sans le savoir, car se balader nu en public reste " un plaisir coupable, passible d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ( article 222-32 du code Pénal))". Cependant, l'auteur se demande s'il est bien raisonnable d'arborer une doudoune, de porter une cravate ultra-fine, de cumuler barbe, lunette, mèche.... question toute rhétorique ! Effectivement, porter une chemisette au travail  se révèlera peu esthétique au moment de faire une présentation power point. En revanche, elle sera tout appropriée à la plage... De même, rentrer son pantalon dans ses bottes - à moins d'être un pêcheur ou un cavalier - est une mode peu sensée car si les manequins rentrent leur pantalon dans leurs boots, c'est pour mieux mettre en valeur ces dernières. Des quiproquos regrettables amènent ainsi des modes peu esthétiques. A partir de chaque pièce de l'habillement féminin ou masculin se cache un héritage sociologique ou historique ou révèle une époque. Par exemple, le mot "dandy" est complètement gavauldé et M. Beaugé de rappeler que ce n'est pas seulement une mode vestimentaire " Le dandysme est davantage une manière d'être que de paraître". Ces articles analysent brièvement, avec drôlerie, les travers vestimentaires et l'historique de certains vêtements.

D'un extrait : "Est-ce bien raisonnable de  porter une cravate quand on est une fille ?

Puisque Honoré de Balzac a eu la gentillesse de nous avertir que "la cravate de l'homme de génie ne ressemble pas à celle du petit esprit" il aurait aussi pu nous prévenir que la cravate de la femme libre, indépendante et , accessoirement, fumeuse de pipe telle que George Sand, n'avait pas grand -chose à voir avec la cravate de la fille vaguement dans le coup, et très mollement punk-rockeuse, telle Avril Lavigne. Cela aurait permis d'éciter toute assimilation entre l'auteure de la mare au diable et celle de Skater Boy.

Car au début de l'histoire, la cravate était , chez la femme, une affaire politique. en délaissant corsets et crinolines pour s'pproprier l'accessoire masculin ultime, les féministes du XIXeme siècle, de Flora Tristan à George Sand, revendiquaient en effet le droit à mener une vie libre et active. A la même époque , la féministe américaine Amelia Bloomer formalisa, pour les femmes, une tenue d'action dite "rationnelle". Outre un pantalon large serré aux chevilles par des volants, celle-ci comprenait une cravate d'homme, symbole de l'émancipation, pas encore objet de mode"...

De l'art d'illustrer :

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 Quelques illustration de Bob London viennent agrémenter cette lecture plaisante. Cet illustrateur a publié ses dessins dans The New York Times et The guardian et il collabore aux chroniques hebdomadaires de Marc Beaugé dans le magazine le Monde.

Beaugé Marc, De l'art de mal s'habiller sans le savoir, Points, 167 p.

Billet de Keisha

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04 novembre 2009

Musique pour caméléons de Truman Capote

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Ce recueil de "roman non roman", c'est-à-dire des retranscriptions de conversations réelles et d'anecdotes vécues par l'auteur, contient des textes variés et assez inégaux dans leur qualité. Il se compose de 3 parties intitulées :
I . Musique pour caméléons
II. Cercueil sur mesure (que j'ai déjà chroniqué ici)
III. Portrait-Conversations

L'auteur définit lui-même ce nouveau genre qu'il a inventé, dans une préface tout à fait instructive sur la vie de l'auteur puisqu'il y détaille l'évolution de son écriture (qui révèle son côté narcissique) : " Ce que j'écrivis de plus intéressant durant cette période, ce furent précisément les simples observations quotidiennes enregistrées dans mon journal. Description d'un voisin. Longues transcriptions de conversations écoutées. commérages locaux. Une forme de reportage, un style du "vu" et l"entendu" qui devait plus tard sérieusement m'influencer [...]".

"Intéressant" n'est pas totalement vrai pour l'ensemble des "récits" présents dans ce recueil : si l'écriture de T. capote est captivante, les textes tournent souvent court et on reste sur notre faim par manque justement de fin... L'absence d'intrigue est à déplorer, mais la vie n'est pas un roman, et en revanche, les dialogues sont toujours enlevés, ciselés, les remarques de Truman Capote piquantes. Truman Capote possède un art de la conversation et une finesse d'observation que j'admire beaucoup.
NB : J'ai particulièrement aimé "bonjour l'inconnu"...

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01 novembre 2009

Cercueils sur mesure de Truman Capote : ISSN 2607-0006

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Jake Pepper mène une enquête terriblement difficile, qui tourne à l'obsession, car le meurtrier d'une série de crimes semble intouchable et au dessus de tout soupçon. Cette série de meurtres est particulièrement mystérieuse et sinistre. Chaque victime, avant de mourir, avait reçu un petit cercueil dans laquelle se trouvait leur photographie.

Dans ce court "roman", Truman Capote emmène le lecteur dans un univers sombre mais très réaliste, inspiré de vrais meurtres comme l'indique le sous-titre " récit véridique non romancé d'un crime américain" et la présence de Truman Capote à l'intérieur du récit. Il se met d'ailleurs en scène avec beaucoup d'humour et fait surtout preuve d'une grande finesse d'observation et d'une virtuosité de style. Cet auteur détaille ses relations avec l'inspecteur J. Pepper de manière ambiguë : dans ses relations humaines, il semble toujours partagé entre l'amitié, l'intérêt (écrire un livre) et la curiosité... Capote est un homme "trouble" et "troublant" pour tous ceux qui l'approchent, notamment grâce à sa conversation.

De plus, l'écriture quasi journalistique, mais non exempt, de temps à autres, de notes plus poétiques, tient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne... Surprenant, dans un récit objectif, parfois l'auteur pose un regard rêveur sur un élément de la nature ou d'une personne.

Ce récit est enthousiasmant même si la fin se délite et perd consistance... On ressent aussi une déception car le mystère reste entier parce que la vie ne se conforme pas aux lois du genre policier. J'ai hâte de lire de Sang froid.

Autres oeuvres de l'auteur : Musique pour caméléons

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