25 février 2022

La bible du steampunk de Jeff Vandermeer : ISSN 2607-0006

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Qu'est-ce que le steampunk ? En 5 thématiques, Jeff Vandermeer définit l'esthétique et le mouvement steampunk : il aborde le cinéma, la mode, l'artisanat mais aussi le protosteampunk, et les fictions. Voici une définition au second degré, disons caricaturale : "steampunk = Savant fou [invention x dirigeable ou homme de métal/style baroque) x cadre (pseudo) victorien] +politique progressiste ou réactionnaire x récit d'aventures" (p. 9).

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Outre les définitions, l'essayiste aborde les origines du mouvement : Verne, Wells mais aussi l'Edisonade, une influence oubliée. Jeff Vandermeer résume les oeuvres, analyse les thématiques et montre en quoi la vision du progrès s'oppose chez ces deux auteurs. En ce qui concerne les fictions, il raconte des anecdotes sur la naissance du steampunk et cite les principaux ouvrages et auteurs comme Tim Powers, K. W. Jeter et James Blaylock sans oublier les auteurs plus récents représentatifs du genre : Carriger, Cherie Priest, ou Sedia... De nombreuses BD sont aussi citées, illustrées et présentées : Hellboy de Mike Mignola, Puppet Makers de Molly Crabapple, La league des gentlemen extraordinaires, d'Allan Moore et Kevin O'Neill...

caricature de Verne dans le magazine Algérie 1884

 

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En revanche, en ce qui concerne le cinéma et la télévision, cette partie est plus succinte : écrit en 2011, l'ouvrage ne parle pas évidemment des sorties récentes comme Avril et le monde truqué (2015), Hugo Cabret (2011) ou certains longs métrages ne sont-ils pas assez steampunks (Hellboy II, Le prestige... ) ? Moins intéressée par la mode et les diy, ne n'ai pas lu ces deux parties...

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Le chateau dans le ciel, 1986

Sous sa couverture rouge et or flamboyant, cet essai abrite des pages en papier glacé, avec de nombreuses illustrations colorées (où l'on découvre des gateaux de mariage steampunk  ou des autruches à vapeur !!!) : c'est aussi un mouvement esthétique très visuel donc ces images ravissent l'oeil. Un très bel ouvrage, qui est une mine d'informations, à lire et à regarder même sans être vaporiste !

bingo à vapeurVandemeer Jeff avec Chambers, La bible du steampunk, Bragelonne, 2014, 224 p.

Participation "histoire du steampunk" au # bingoavapeur de Miss Amelia Chatterton

 

 

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couverture originale de la nouvelle "Eletric Bob's Big Black Ostrich", de Robert Toombs, 1893

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15 novembre 2020

Le quai de Ouistreham, reportage, de Florence Aubenas : ISSN 2607-0006

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 Au XIXeme siècle, les reportages de Nellie Bly marque la naissance du journalisme dit "infiltré" et préfigure les luttes pour l'émancipation des droits des femmes. Dans deux articles " Dans La peau d'une domestique" et "Nellie Bly, esclave moderne", elle décrit comment les femmes sont exploitées dans des emplois sous-payés en cherchant du travail sans qualification.

Dans la lignée de cette femme d'exception, Florence Aubenas qui travaille actuellement comme journaliste pour Le Monde, décide de louer une chambre et de chercher du travail à pôle emploi à Caen pour répondre à une question : qu'est-ce que "la crise" qui est dans toutes les bouches. Pendant 6 mois, elle s'inscrit au chômage et déclare n'avoir comme seul diplôme que le baccalauréat. Assez rapidement, elle va trouver des emplois de femmes de ménages. Quelques heures par-ci, quelques heures par-là. La journaliste mène son reportage en croquant des portraits pris sur le vif, en évitant tout sentimentalisme ou commentaire.

Au début, le ton paraît moqueur ou condescendant mais assez rapidement, elle se contente de noter les heures effectuées, de dresser des portraits, de dérouler les actions de ses journées. Les paroles sont rapportées entre guillemets, les actions racontées sans effusion. A de rares moments, elle se permet de donner son ressenti mais nulle besoin de beaucoup développer ses sentiments : les faits sont suffisants pour comprendre la dénonciation de la précarité qui touche notamment les femmes, du mépris dont elles font l'objet, de la dureté des conditions de travail : " Je reconduis Marilou en voiture, pour fêter notre nouvel attelage. Elle a déjà deux boulots, dans le ménage, en CDD, et elle précise : " "Bien sûr"" (p. 82) et " Je rentre de mon remplacement du matin. Il est 8 heures, il traîne dans le ciel un reste de nuit. Il me semble avoir déjà une journée dans les jambes, alors que je n'ai travaillé que deux heures. Je me suis mise à calculer mes heures de travail. Je reviens du ferry à 23h30, je me lève à 4h30, pour le premier ménage. Dormir est devenu une obsession" (p. 173).

L'administration n'est pas épargnée : les rouages de pôle emploi sont décrits, soulignant toutes les absurdités de ce système. Sur un rythme vif, au présent, et avec de nombreux dialogues, elle témoigne du quotidien pénible des précaires, au plus près de la réalité. Un reportage à découvrir.

Aubenas Florence, Le quai de Ouistreham, reportage, Point, France, septembre 2011, 238 p.

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13 septembre 2020

The lost city of Z de David Grann : ISSN 2607-0006

 Lors d'une conférence littéraire, un homme plutôt grand,avec un air plein de bonhommie, s'avance. A peine présenté et la première question posée, il se lance dans des réponses longues, développées et surtout pleines d'humour. Quel conteur ! Quelle verve ! Cet homme, c'est David Grann, l'auteur de La note américaine.

Que ce soit pour raconter l'extermination des indiens ou la vie d'un explorateur anglais, D. Grann a le don d'harponner le lecteur. The

La-cite-perdue-de-Zlost city of Z n'est pas une biographie supplémentaire d'un homme, Le colonel Fawcett,  qui a fasciné des milliers de lecteurs et de nombreux explorateurs. D. Grann a décidé de s'équiper, de suivre les traces de l'aventurier britannique en Angleterre et en Amérique du Sud et de vérifier ses thèses. Dans l'Amazonie, des indiens auraient construit une fabuleuse cité, l'Eldorado, qu'il a nommé Z : " Comment des générations de scientifiques et d'aventuriers avaient pu être le jouets d'une obsession fatale, cemme d'élucider " la plus mystérieuse exploration du XXeme siècle" et de localiser la cité perdue de Z : voilà ce que j'étais venu étudier, rien de plus" (p. 11). Le colonel était persuadé que les anciennes tribus de l'Amazonie étaient capables d'édifier de somptueuses cités.... Une multitude d'aventuriers ont disparu en voulant retrouver la trace de Fawcett, D. Grann arrivera-t-il à trouver ce qu'il lui est arrivé et la fameuse cité ?

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The lost city of Z © Netflix

Comme dans La note américaine, le reportage de Grann s'appuie sur une riche documentation. Il a pu rencontrer des descendants de Fawcett et compulser ses carnets secrets. Les lettres envoyées à sa femme lui permettent de retracer la vie de l'explorateur. Les nombreuses expéditions du colonel dans la jungle amazonienne sont de véritables exploits à l'époque. Il frôle à tout moment la mort dans cette nature hostile où fourmillent insectes mortelles, tribus d'indiens dangereuses, maladies.. Mais le colonel ne renoncera jamais à sa quête jusqu'à sa disparition près de Cuiabà.

Le journaliste ne se contente pas de raconter des événements biographiques mais il va replacer toute cette histoire dans son contexte tout en faisant une large place à l'histoire des explorateurs anglais et à celle des amérindiens, en racontant notamment le boom du caoutchouc, l'arrivée des conquistadors. Il n'oublie pas d'évoquer Bartolomé de Las Casas et sa fameuse controverse avec Sépulveda : les indiens ont-ils une âme ? Enfin, il évoque les théories récentes des anthropologues et archéologues menant des recherches dans le Sud de l'Amérique.

Encore une fois, D. Grann arrive merveilleusement à mêler histoire de l'Amérique, récit biographique et enquête palpitante comme dans un roman de Conan Doyle (l'auteur se serait d'ailleurs inspiré des aventures de Fawcett pour écrire Le monde perdu) !

Une telle destinée romanesque a donné envie au réalisateur James Gray de donner vie à cet explorateur légendaire. Le film est extrêmement classique et rend plutôt falot le personnage principal. On voit clairement comment Fawcett s'est exposé à la réprobation de tous à cause de son statut social mais aussi de ses thèses, celui d'une civilisation avancée existant en Amazonie, dans une Angleterre coloniale. Certes, la reconstitution est belle, les décors magnifiques, mais on s'ennuie vaguement devant les événements qui se succèdent platement...

Grann David, The lost city of Z, Points, Février 2017, France, 415 p.

The lost city of Z de James Gray, Netflix, 2017, avec Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Tom Holland...

Autre roman : La note américaine

Sur le web : Guichar Louis, Avec The lost city of Z, James Gray livre un film aussi majestueux que subtil", Télérama, mis en ligne le 14 mars 2017. URL : https://www.telerama.fr/cinema/the-lost-city-of-z-james-gray-livre-un-film-aussi-majestueux-que-subtil,155391.php

Le masque et la plume cinéma

"The Lost City of Z/"Citoyen d'honneur"/"La Confession"/"Le secret de la chambre noire"/"L'autre côté de l'espoir"/"Grave"/"Chacun sa vie"

https://www.franceinter.fr

 

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17 octobre 2019

Le réseau secret de la nature de Peter Wohlleben : ISSN 2607-0006

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Photo : © International Rescue / Stone/Getty Images. Couverture : Sara Deux - © Pauline Darley / Le Crime.

 

 Après nous avoir montré les secrets des arbres, Peter Wohlleben continue de nous enchanter en nous introduisant au coeur de la nature. C'est d'ailleurs de nouveau Thibault de Montalembert qui lit cet essai avec naturel et fluidité. Notre célèbre forestier nous parle des cascades trophiques : certes l'exemple du loup gris du Yellowstone est assez répandu, et il est cité dans de nombreux articles dont celui du Larousse ( écosystème). Alors pourquoi écouter cet audiolivre ? Peter Wohlleben parle de son expérience, met en garde les amoureux de la nature contre les préjugés et vulgarise les connaissances. Pas facile de mémoriser toutes ces informations pour qui n'est pas familier de ces divers écosystèmes.

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https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Trophic_Cascade.svg

Déforestation, interventions inconscientes de l'homme, théorie des méga herbivores, la forêt amazonienne : Wohlleben arrive bien à montrer le "réseau secret de la nature", les liens entre passé et présent, entre des vers de terre et des sangliers. Dans les derniers chapitres, il reste optimiste en ce qui concerne les derniers bouleverments des écosystèmes et n'hésite pas à aborder les reproches qu'on lui a fait, notamment l'anthropomorphisation des arbres. Il a toutefois atteint son but qui est de "transmettre la joie que lui procure les créatures qui partagent notre terre et leurs secrets".

Le réseau secret de la nature, Peter Wohlleben, Audiolib, lu par Thibault de Montalembert, 7h15, France, 2019.

Autres essais : La vie secrète des arbres

Partenariat Audiolib

Sur le web : Daphné

Gesbert Olivia. 2019. "La nature est-elle faite de liens ?", La grande table idées, 2 avril 2019.

Rebeihi Ali. 2019. "Pourquoi la nature peut sauver le monde ?", Grand bien vous fasse. 26 avril 2019.

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19 septembre 2019

La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben : ISSN 2607-0006

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 Sara Deux -  Photo du lecteur  : © Pauline Darley / Le Crime

Le forestier Peter Wohlleben a été un jour fasciné par un tronc d'arbre coupé et presque fossilisé mais encore vivant. Il s'est alors penché sur la vie des arbres : comment les arbres réagissent-ils à une agression ?  Ont-il un langage ? Chaque plage d'écoute aborde un nouveau thème comme l'éducation des jeunes arbres ou leurs maladies.

L'avantage de cet audiolib lu par Thilbault de Montalembert - qui est aussi le lecteur par exemple d'Un gentleman à Moscou, et dont vous pouvez entendre la voix ici - dont la voix convient parfaitement avec le sujet sérieux, c'est qu'il ne nécessite pas de connaissances approfondies sur les végétaux et on peut tout à fait comprendre tous les aspects abordés sans être un spécialiste. L'auteur nous délivre mille informations sur la manière dont les arbres poussent mais aussi sur leur reproduction. Il pose des questions auxquelles on n'aurait pas forcément penser : Pourquoi les arbres poussent droit ? Comment l'eau remonte dans le tronc ? Il n'y a aucune difficulté à suivre le propos de l'auteur, qui est découpé en petits chapitres et on a l'impression d'écouter un posdcast d'une émission radio car l'auteur fait un effort de vulgarisation sans mots techniques trop compliqués. Evidemment, on ne peut pas tout retenir, et une version papier semblerait plus adaptée pour revenir sur certaines informations.

Il fait aussi état des hypothèses  - ne pouvant transporter des hêtres en laboratoire - par rapport à des ultrasons émis par les arbres dans le chapitre 8 "L'école forestière" : il s'agirait d'un phénomène mécanique mais, pour l'auteur, ce serait "des cris de soif ou bien alors des cris pour alerter le voisinage de l'imminence d'une pénurie d'eau". Les arbres ont-ils un cerveau ? Les arbres partagent-ils " de nombreuses facultés avec les animaux" puisqu'ils ont un processus neuronal et envoient des signaux électriques ? ( chapitre 14 "Qu'est-ce qu'un arbre ?"). Cela divise la communauté scientifique puisque cette hypothèse remet en question la trontière entre le végétal et l'animal. Ainsi les secrets de la forêt nous sont dévoilés mais le sujet est si vaste qu'il reste encore bien des mystères.

Que fait l'arbre pendant l'hiver (chapitre 22 : "Quand l'hiver arrive") ? Se repose-t-il comme nous ? Cette anthropomorphisation rend la nature plus proche de nous : ce texte veut nous tenir informés sur des questions environnementales en essayant de toucher le plus grand nombre, ce qu'il a réussi à faire. Au détour d'une phrase, on comprend combien la forêt a changé mais jamais P. Wohlleben ne prend un ton moralisateur. Comme c'est paradoxal ! On protège bien mal cette nature qu'on aime tant... Son propos sur les arbres entre en résonance avec l'exposition "Nous les arbres" à la fondation Cartier, dont vous pouvez admirer certaines oeuvres ci-dessous. A découvrir pour le regard différent porté sur les arbres...

La vie secrète des arbres, Peter Wohlleben, lu par Thilbault de Montalembert, Audiolib, 7h, 29, novembre 2017.

Sur le web : Lecture sans frontière, Manou,

Guédot Valérie, "Nous les arbres, une exposition à la fondation Cartier du 12 juillet au 10 novembre 2019", France inter, mis en ligne le 26 juin 2019. URL : https://www.franceinter.fr/culture/nous-les-arbres-une-exposition-a-la-fondation-cartier-du-12-juillet-au-10-nov-2019#xtor=EPR-5-

CO2 mon amour. 2019. "La vie secrète des arbres". Animée par Denis Cheissoux. Diffusée le 9 décembre 2017.

L'invité du matin. "Peter Wohlleben, roi des forêts, rencontre avec l'auteur de la "vie secrète des arbres (2eme partie)/ (1ere partie). Animée par Guillaume Erner. 8 décembre 2017.

DE cause à effets, le magazine de l'environnement. "Raconte-moi les arbres". Animée par Aurélie Luneau. 12 mars 2017.


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© Cássio Vasconcellos

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© Esteban Klassen

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© Raymond Depardon

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© FRancis Hallé © Luis Zerbini

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23 juillet 2018

L'affaire du chien des Baskerville de Pierre Bayard : ISSN 2607-0006

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Auriez-vous écrit à Doyle pour qu'il ressuscite Sherlock Holmes après la publication du "Problème final" ? Alors vous êtes une " intégrationniste". Mais qu'est-ce que c'est ? Reprenons du début. Dans un premier chapitre intitulé " Sur la lande", Bayard résume l'enquête du Chien des Baskerville écrite par Conan Doyle et analyse la méthode de Holmes mais le critique, qui est aussi professeur de littérature française et psychanalyste, remet en cause ses déductions et va mener une contre-enquête. Pourquoi Bayard suppose-t-il que le véritable assassin n'a pas été arrêté ?

L'auteur considère que la littérature est "un univers troué" et qu'une grande place est  laissée à l'imagination du lecteur ( p. 76). De surcroît sa remise en cause des conclusions de l'enquête repose sur le choix d'un narrateur douteux : Watson est qualifié d'idiot par Sherlock Holmes ( p. 81). Mais surtout Pierre Bayard développe une théorie sur les personnages, qui repose sur L'univers de la fiction, ouvrage de Pavel. Les "ségrégationnistes" nient la valeur de vérité des énoncés de la fiction et s'opposent aux "intégrationnistes", qui pensent exactement l'inverse.

Et c'est là que se pose la question de la "puissance des mondes imaginaires", sur lequel repose "Le complexe de Holmes", forgé par Bayard. Du don Quichottisme au bovarysme, la séparation du fictif et du réel est sans cesse interrogée. S'appuyant sur de larges extraits de l'oeuvre de Conan Doyle, d'une recontextualisation de l'oeuvre, Bayard propose un assassin plausible, même si les raisons de la critique des méthodes de Holmes me paraissent parfois excessifs. De même, le dernier chapitre " Le chien des Baskerville", me semble surinterpréter le texte. L'affaire du chien des Baskerville développe une lecture très fine, jamais ennuyeuse d'une des enquêtes du brillant détective (enfin pas si brillant, à en croire Bayard) tout en s'interrogeant sur la notion de personnage... N'hésitez pas à vous lancer dans cette palpitante enquête littéraire !

Bayard Pierre, L'affaire du chien des Baskerville, les éditions de Minuit, 190 p.

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15 juin 2018

Une mémoire infaillible de S. Martinez : ISSN 2607-0006

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Sébastien Martinez, champion de France de la mémoire 2015 et formateur en mémorisation auprès d'étudiants et d'entreprises, nous propose plusieurs méthodes de mémorisation, autre que la répétition. "L'art de la mémoire" ( ci-dessous un court écrit de Maulpoix en retrace l'historique) n'est plus enseignée depuis qu'internet nous déverse un flot de connaissances, sans qu'on ait des efforts à fournir alors qu'elle faisait partie de la rhétorique antique.

Commençons par ce que Sebastien Martinez appelle la "méthode du SEL" : voici une liste de mots. Comment la  mémoriser ? Il faut restituer le souvenir encodé par les 5 SENS, puis les lier (LIEN) en créant une histoire (ENFANCE). Des exemples concrets sont donnés de manière pédagogique pour illustrer la manière dont il faut procéder. Ainsi SEL est l'aconyme de SENS, LIEN, ENFANCE. Vous pouvez d'ailleurs tester cette méthode avec la liste, ci-dessous, proposé dans le livre ( p. 29)

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Acces au palais mental de sherlock Holmes

Autre méthode, vous pouvez créer votre propre langage. Prenons l'exemple des chiffres : le "major système" consiste à associer les chiffres à une image convoquant les 5 sens. Quant au chapitre 3, nous découvrons la technique du "palais mental" ou "rhétorique architecturale" (Maulpoix). Vous avez peut-être vu celui de Sherlock Holmes dans la série de Gatiss et Moffat. On visualise une maison, un appartement et on y dépose des mots.

S. Martinez avec beaucoup d'enthousiasme et de didactisme transmet différentes manières de mémoriser des listes, des numéros, des textes, des langues vivantes. Je suis adepte de la technique de la répétition et je ne pense pas changer mes méthodes. En revanche, j'ai testé plusieurs méthodes proposées et elles fonctionnent mais je les ai quelque peu modifiées en fonction de ma propore sensibilité. Un livre à recommander à tous, même à ceux qui n'ont pas besoin d'étudier...

Martinez Sébastien, Une mémoire infaillible, Livre de poche, 178 p.

Sur le web : Maulpoix Jean-Michel, "L'art de la mémoire de Frances A. Yates" [en ligne], n° 271, La nouvelle revue Française, juillet 1975. URL : http://www.maulpoix.net/memoire.html

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08 juin 2016

Les caractères, "De l'homme" de La Bruyère : ISSN 2607-0006

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Dans Ridicule, P. Leconte mettait en scène le bel esprit des salons mondains du XVIIeme siècle. De même, La Bruyère ne cesse de définir l'honnête homme, cet idéal du classicisme, dans une langue spirituelle. Dans le chapitre " De l'homme", le portrait de Brancas a été pastiché par Mme de Sévigné. Il incarne le distrait, Gnathon est le fâcheux et Antogoras le plaideur : cette galerie de portraits n'est pas sans rappeler les comédies moliéresques... Le moraliste se place donc parmi les autres auteurs classiques...

Après Montaigne ( qui disait déjà que l'homme est "un sujet vain, divers et ondoyant"), La Bruyère questionne la condition humaine, en rejetant le stoïcisme mais en soulignant sa labilité et sa vanité : " Ne nous emportons point contre les hommes en voyant leur dureté, leur ingratitude, leur injustice, leur fierté, leur amour d'eux-mêmes, et l'oubli des autres ; ils sont ainsi faits, c'est leur nature c'est ne pouvoir supporter que la pierre tombe, ou que le feu s'élève". Le choix fait par folio de n'éditer qu'un chapitre n'est pas aberrant : Les caractères sont une suite de maximes, d'aphorismes, de portraits, qui sont autotéliques et tissés dans un réseau, réseau si cher à ces nobles de la Cour. La fragmentation de voix renvoie aussi à l'art conversationnel du Grand siècle.

Il y a des livres qu'on pourrait lire cent fois et qui semble encore nous résister. Il y a des livres qu'on aurait envie d'apprendre par coeur tant le style éblouit ! En effet, La Bruyère est un moraliste en décrivant les moeurs de son temps, mais sa réflexion critique s'accompagne de la séduction de son écriture. En voici un exemple vertigineux :

" Ménalque descend son escalier, ouvre sa porte pour sortir, il la referme ; il s'aperçoit qu'il est en bonnet de nuit ; et venant à mieux s'examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, et que sa chemise est par-dessus ses chausses. s'il marche dans les places il se sent tout d'un coup rudement frapper à l'estomac, ou au visage ; il ne soupçonne point ce que ce peut-être jusqu'à ouvrant les yeux  et se réveillant, il se trouve ou devant un limon de charrette ou derrnière un long ais de menuiserie que porte un ouvrier sur ses épaules. On l'a vu une fois heurter du front contre celui d'un aveugle, s'embarrasser dans ses jambes, et tomber avec lui chacun de son côté à la renverse : il lui est arrivé plusieurs fois de se trouver tête pour tête à la rencontre d'un prince sur son passage se reconnaître à peine, et n'avoir que le loisir de se coller à un mur pour lui faire place. Il cherche, il brouille, il crie, il s'échauffe,  il appelle ses valets l'un après l'autre, on lui perd tout, on lui égare tout ; il demande ses gants qu'il a dans ses mains ; semblable à cette femme qui prenait le temps de demander son masque, lorsqu'elle l'avait sur son visage."...

La Bruyère, Les caractères, "De l'homme", folio sagesse, 84 p.

Merci Folio pour ce partenariat.

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19 mars 2016

Palmyre, L'irremplacable trésor de Paul Veyne : ISSN 2607-0006

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Paul Veyne, spécialiste de l'Antiquité gréco-romaine se fait "guide de tourisme dans le temps" pour nous emmener au II siècle à Palmyre, à son apogée. Son livre témoigne, avec un cahier photographique en couleurs et des descriptions, de ce que fut " la splendeur de Palmyre qu'on ne peut plus désormais connaître qu'à travers les livres".

Tout en décrivant les monuments, dont le temple de Bêl, il nous dévoile les moeurs, le commerce, la religion, l'épopée de Zénobie, les rites funéraires de cette civilisation millénaire. Cet essai est extrêmement documenté, précis avec des notes de bas de pages, des sources, qui n'alourdissent pas la lecture car cet historien fait surtout l'éloge de la diversité culturelle de cette antique ville. Paul Veyne ne cesse de souligner la richesse des influences de cette ville syrienne qui s'allie harmonieusement avec leur propre culture aréméenne : "Les palmyréens sont donc des Araméens, mâtinés d'éléments arabes, qui ont persisté à parler araméen en famille comme tous les syriens mais aussi à l'écrire concurremment au grec, leurs riches mausolées familiaux ont souvent une inscription bilingue à leur porte, mais à l'intérieur l'épitaphe de chaque défunt n'est qu'en araméen ; la bilingue attestait l'intérêt que la famille portait au vaste monde".

Tout en étant un ouvrage érudit, Palmyre se lit facilement et agréablement. Quel cicerone ! Quelle étude passionnée ! Paul Veyne n'oublie pas de nommer les villes actuelles équivalent des cités antiques ou n'omet pas de donner des comparaisons avec les autres civilisations plus connues du lecteur, comme celle des Romains. Son livre est une belle manière de voyager dans la somptueuse Palmyre, de visiter les rues et de cheminer sur la route des caravaniers. Bel ouvrage de vulgarisation, Palmyre est un ouvrage achéologique mais aussi une ode à la liberté comme l'atteste ces deux citations présentes dans la conclusion : " loin d'aboutir à l'universelle uniformité, tout patchwork culturel, avec sa diversité, ouvre la voix à l'inventivité" ( p. 139) et " oui, décidément, ne connaître, ne vouloir connaître qu'une seule culture, la sienne, c'est se condamner à vivre sous un éteignoir".

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Temple de Baalchamîn, détruit par l'EI en 2015

Paul Veyne, Palmyre, Albin Michel, 141 p.

Un autre jour est possible. 2016. "Palmyre, l'apogée d'un lieu" par T. Hakem. Diffusé le 9 mars 2016.

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17 avril 2015

Apnée d'Aurélia Frey et E. Landon : ISSN 2607-0006

"Le noir au réveil quand on essaie de se rappeler d'un rêve" :

C'est ainsi qu'E. Landon qalifie très justement le travail d'Aurélia Frey, une photographe dont vous pourrez découvrir les oeuvres sur son Site Aurélia Frey. E. Landon contextualise la naissance d'Apnée à la manière d'un poème en prose, texte qui précède les photographies d'A. Frey.

"L'unique apparition d'un lointain si proche soit-il" ( W. Benjamin) :

Ce sont des photographies crépusculaires, baignées de gris bleuté, de noir, émergeant d'un brouillard, d'une lumière rasante... Représentent-elles un rêve ? Un cauchemar ? Un tableau ? Les objets, les arbres, les pièces vétustes se métamorphosent en un univers mélancolique qui m'évoque immanquablement les oeuvres spleenétiques des romantiques du XIXeme siècle. Il se dégage une atmosphère particulière de ces brumeuses photographies, une véritable aura, telle que la définit W. Benjamin dans Paris, capitale du XIXeme siècle.

L'aura, c'est ce qui échappe à la reproductibilité, la captation d'un instant qui ne se reproduira plus, le caractère unique d'une réalisation, l'échange fugitif entre celui qui a fait l'oeuvre et ceux qui la reçoivent. Plongez sans hésiter dans ces spectrales natures mortes...

Apnée d'A. Frey, E. Landon, aux éditions non pareilles, 64 p.

Je remercie Claudia (Blog Ma librairie ) pour m'avoir fait découvrir cet ouvrage. Vous pouvez vous inscrire sur son blog pour découvrir ce livre voyageur. Il est parti chez Aifelle.

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 Apnée, Aurélia Frey

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