Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
1001 classiques
24 septembre 2015

Primo Levi, Si c'est un homme de Primo Levi : ISSN 2607-0006

Fiche de l'audiolib, Si c'est un homme ici. Extrait à écouter ici.

Merci Audioib pour ce partenariat...

BLOG LEVI 001

Publicité
16 mars 2015

Vies imaginaires, De Plutarque à Michon

vie imaginaire 2 001

Merci Folio et Anna pour ce partenariat.

14 août 2014

Napoléon ou la destinée de Rouart: ISSN 2607-0006

product_9782070457120_195x320

Avec cet essai biographique, J-M Rouart ne cherche pas à rivaliser avec l'histoire universitaire comme il l'affirme dans ses remerciements. Il souhaite raconter "les échecs secrets" de cet homme, qui a tant fasciné la génération romantique. Mais comment et pourquoi est-il devenu une figure emblématique ? Reprenant les principaux événements de la vie de Napoléon, de sa jeunesse à ses victoires ou défaites, Rouart développe ses pensées à travers diverses suppositions.

En développant les états d'âme du futur empereur, il m'a semblé qu'il en faisait une figure éminemment romantique. La victoire de Marengo, la mort de Desaix, Muiron, et l'hypocrisie de son entourage, lui font éprouver "  un sentiment nouveau pour lui : le désenchantement" (p. 148). C'est ce même sentiment que ressentent Musset, Nerval, qui est la "maladie du siècle"... En 1806, après la victoire d'Austerlitz lorsqu'il se recueille sur la tombe de Frédéric, il décrit la scène comme une page de roman gothique : " il se tient debout dans la crypte obscure ; le halo lumineux d'une lanterne sculpte son visage. On distingue le simple cercueil en bois, recouvert de cuivre où, sur des dalles noires et blanches, repose la dépouille du grand Frédéric. La scène a des allures fantomatiques" (p. 232). Ce dialogue avec des morts illustres n'est pas sans rappeler une scène d'Hernani... La réflexion sur la destinée, ou de "sa bonne étoile", sous-titre de cet essai, semble davantage souligner une construction a posteriori de Napoléon de son propre mythe.

Contemporain de Chateaubriand dont Napoléon admire le style, Rouart fait du Corse un lecteur de Corneille, du Werther, des grands hommes de Plutarque, et il ne cesse de rappeler sa campagne d'Egypte, l'Orient si cher aux romantiques... L'auteur, tout en suivant chronologiquement les différentes campagnes napoléoniennes, rappelle que cette figure politique est un inspirateur des ambitieux de Balzac, il est l'idole de Julien Sorel et peuple de sa présence les plus belles pages des Misérables... Lors des 100 jours, le biographe en fait même un double de l'instable Benjamin Constant !

Ne connaissant pas d'autres biographies de Napoléon, je ne sais où la légende noire commence et où la légende dorée s'arrête... Cependant, Rouart propose une bonne introduction sur le personnage légendaire et historique. Son ouvrage, précis au niveau des faits historiques, chaque événement étant introduit par une date scandant les chapitres, se lit comme un roman ( les dialogues, citations, descriptions de paysages permettant d'alléger la répétition des conquêtes militaires) où perce son admiration pour l'énergie et la volonté de grandeur de l'exilé de Saint-Hélène tout en le dédouanant de sa politique belliqueuse...

Rouart, Napoléon ou la destinée, folio, 400 p.

Merci Anna  et aux éditions folio pour ce partenariat

23 juin 2014

Darwin de Jean-Noel Mouret/ L'autobiographie de Darwin : ISSN 2607-0006

product_9782070451609_195x320

"Cave et aude" ( Prends garde et ose)* :

On se représente toujours Darwin, à la manière d'une image d'Epinal, comme un patriarche avec une vénérable barbe très victorienne, comme l'a immortalisé la statue du museum d'histoire naturelle, mais on ne soulignera jamais assez la portée subversive de ses écrits. Cette biographie chronologique présente la vie de ce naturaliste d'une manière sobre - et parfois avec des pointes d'humour - et très documentée : de longues lettres et des extraits de l'aubiographie de Darwin sont citées.

Pour commencer, il remonte dans la généalogie du célèbre auteur de L'origine des espèces, qui est très liée aux Wedgwood (les célèbres fabricants mondiaux de porcelaine). L'enfance est racontée à travers diverses anecdotes, qui évoque son quotidien, en soulignant notamment sa passion pour la chasse, pour les collections, les expériences chimiques qui le feront surnommer de "poco curante" par son maître. Mais c'est justement, cette manie de la collection  - notamment l'entomologie - et son attachement aux détails, qui vont lui permettre de bâtir l'une des théorie les plus subversives du siècle.

"E conchis Omnia" (Tout vient du coquillage)*

Alors qu'il hésite à devenir pasteur et qu'il mène une vie de dilettante, son voyage autour du monde à bord du Beagles va lui permettre d'observer la nature et de constater des phénomènes qui vont bouleverser le monde de la science : " la transmutation des espèces" qu'il a pu observer à partir des pinsons dont il relève 13 espèces distinctes, dans différentes îles des Galapagos. Comment une seule espèce a-t-elle pu se diversifier ? En outre, sur les côtes chiliennes, il est témoin d'un tremblement de terre qu'il décrit en ces termes, bien avant que ne soit formulée la techtonique des plaque : la terre "bouge sous nos pieds comme une croûte sur un fluide" ( p. 171). La publication de L'origine des espèces provoque un séisme : dans ce livre, jamais n'apparaît le nom de Dieu, ce qui déchaîne la colère des Catholiques. A cause de sa maladie et de son travail, Charles Darwin s'est toujours tenu loin de ces querelles et des darwinophobiques.

Les derniers chapitres m'ont semblé particulièrement intéressant. J-N Mouret relève l'habituelle formule érronée : "l'homme descend du singe", ce que n'a jamais formulé l'auteur et surtout il souligne les dérives d'un darwinisme mal compris. Certains font du " darwinisme social", c'est-à-dire qu'il applique la théorie de la sélection naturelle dans le domaine social amenant des idées d'eugénisme et des théories raciales ( p. 322, dans l'avant-dernier chapitre). Une autobiographie pasionnante et un personnage fascinant !

* Devise de Darwin

 

9782757823484

 

Dans cette autobiographie qu'il a écrite à la fin de sa vie, qui a été largement reprise par J.N Mouret, l'auteur dresse surtout le portrait des personnalités qu'il a fréquentées, pensant que les gens fréquentés révèlent notre propre nature ( "noscitur socio"). On peut aussi voir un esprit méthodique, la méthode darwinienne : il insiste beaucoup sur le temps qu'il prend pour développer ses idées, " observer et recueillir des faits"... C'est aussi un portrait d'un naturaliste qui a tout consacré à "l'amour de la science". Sur le Beagles, il était surnommé le " philosophe" ( mais aussi "l'attrapeur de mouche" !), surnom très justement choisi lorsque l'on voit la devise des philosophe des Lumières.

Pour en savoir plus, sur Darwin, il existe aussi un très beau film Création d'Amiel et un documentaire intitulé Le Grand Voyage de Darwin, très bien réalisé par Hannes Schuler, Katharina von Flotow.

Mouret, Darwin, Folio biographie, 400 p.

Partenariat Folio.

Darwin, L'autobiographie, Points, 239 p.

Participation au challenge mélange des genres de Miss Léo (mon bilan) et participation au mois anglais de Lou, Cryssilda, Titine.

19 mars 2014

Charles Dickens de Ohl : ISSN 2607-0006

dickens_ohl

"Dire que la popularité de Dickens fut immense est un euphémisme. De son vivant déjà, tout bourgeois rondouillard portant bésicles avait de fortes chances de se faire appeler Pickwick. Le mot "gamp", du nom de l'un de ses personnages, était synonyme de "parapluie". Tout le monde lisait Dickens : la reine, le peuple, la gentry, les mineurs de Cornouailles, toute l'Angleterre en somme, mais aussi les Français, les Américains, les Allemands, les Russes". Dans son avant-propos Jean-Pierre Ohl montre à quel point l'auteur des grandes espérances est populaire en Angleterre, véritable légende dont les personnages semblent côtoyer chaque anglais. Mais cette biographie n'est pas une apologie : l'auteur dévoile une personnalité "complexe, " pétrie de contradictions encombrantes" et "patriarche incommode".

Tout en suivant la constitution de l'oeuvre titanesque de Dikens d'une manière chronologique, Ohl met en parallèle les fictions écrites par Dickens, dont il cite de larges extraits et sa vie hautement romanesque. Par exemple, dans Oliver Twist, la scène du gruau dénonce une réalité sordide contre laquelle se battra Dickens : les workhouses de l'époque font vivre les pensionnaires dans un état déplorable. Les école du Yorkshire font scandale et inspirera les premières pages de Nicolas Nickeby. Le biographe souligne le lien étrange qu'entretient Dickens et ses oeuvres, lien viscéral, qui pourrait être illustré par le tableau Dickens dream de Buss. Il joue le rôle de Wardour, dans une pièce adaptée de Glacial abîme écrit avec Collins, personnage trouble auquel il s'identifie complètement. Et que dire du mystère d'Edwin Drood ? Il continue à fasciner nombres d'auteurs, à tel point qu'il existe des "Writter on Edwin drood" !

Les meurtres et la souffrance sont omniprésents dans l'oeuvre dickensienne mais ils côtoient le comique et la caricature, proche d'un rire grinçant, très moderne selon Ohl. Evidemment dans cette biographie sont décrits les événements majeurs de la vie de Dickens, de son enfance malheureuse à sa fabuleuse popularité, en passant par son voyage en Amérique, ses séances d'hypnose sur une femme rencontrée en Italie. Paradoxalement, Dickens qui incarne l'auteur victorien par excellence semble avoir beaucoup souffert dans cette société rigide que ce soit à cause de son travail pendant l'enfance - traumatisme indélébile - ou son désir de sortir de l'ordre : " toute folie que vous proposez trouvera en moi un écho tout aussi insensé" ( Lettre à Collins). Cette biographie très documentée, qui s'appuie sur celles de P. Accroyd ou de F. Kaplan, fait une très belle place à l'oeuvre géniale du romancier anglais. Et on aurait bien envie de déclarer comme ce fervent admirateur de Dickens que cite J. Green, que toute personne n'aimant pas les romans dickensiens est "sérieusement dérangée" ( p. 186) !

Ohl, Dickens, Folio,277 p.

billet de titine.

Challenge mélange des genres de Miss Léo.

Publicité
1 octobre 2012

Flaubert, une manière spéciale de vivre de Biasi : ISSN 2607-0006

A Ernest Feydeau, G. Flaubert écrivait en 1859 : "Après mille réflexions, j'ai envie d'inventer une autobiographie chouette, afin de donner de moi une bonne opinion:

1° Dès l'âge le plus tendre, j'ai dit tous les mots célèbres dans l'histoire : nous combattrons à l'ombre - retire-toi de mon soleil - quand vous aurez perdu vos enseignes et guidons - frappe, mais écoute, etc...[...]

3° J'annonçais une intelligence démesurée. Avant dix ans, je savais les langues orientales et lisais la Mécanique céleste de Laplace"

4° j'ai sauvé des incendies, 48 personnes ;[...]

10 ° Tous les éditeurs s'arrachent mes manuscrits ; sans cesse je suis assailli par les avances des cours du Nord; [...]

12° ( et dernier). Je suis religieux !!! J'exige que mes domestiques communient"

Cette autobiographie plus ou moins rêvée et comique apparaît au seuil de la biographie titanesque consacrée à Flaubert par P-M de Biasi : c'est symptomatique du travail fait par ce théoricien de la génétique des textes qui part des avant-textes, des brouillons, des carnets de l'auteur pour pour aller vers sa vie, son style, son oeuvre... A partir de la métaphore du dada de l'écriture, Biasi déroule la vie de Flaubert entre amour des chevaux, des femmes et de l'écriture. Il nous fait plonger dans les détails de l'oeuvre - l'analyse stylistique du mot "baquet" dans l'Education sentimentale, le "nous" de Madame Bovary... - entrant ensuite dans les méandres des oeuvres plus généralement, tout en suivant les anecdotes biographiques de "l'homme-plume". Les détails foisonnent sur le style de l'auteur qui l'a beaucoup commenté dans ses lettres. On retiendra notamment l'axiome de Goethe ou l'impersonnalité de Flaubert et sa documentation scientifique qui n'est pas celle plus ethnographique de Zola. "Madame Bovary, c'est moi" : qui a dit ça ? reposant sur des analyses sérieuses, vous apprendrez que l'ermite de Croisset n'a jamais énoncé cette célèbre formule.

Quelle est cette manière si spéciale de vivre ? Flaubert a vécu dans le culte de l'art, jouant la stratégie du rhinocéros ; isolé, il rejette la bêtise de son siècle : " Il n'y a plus de place dans ce monde pour les gens de goût. Il faut comme le rhinocéros, se retirer dans la solitude en attendant sa crevaison". Bien sûr, parmi toutes les citations de ses lettres, les analyses de ses oeuvres, il y a une place pour L. Colet, Maupassant, Sand et Tourgueniev... Oui, Gustave Flaubert, une manière spéciale de vivre est un véritable travail de titan, nous faisant redécouvrir une oeuvre oscillant entre tentation du réel et l'Orient...

Pour en savoir plus, écoutons H. Guillemin : quelle verve ! De manière pédagogique - illustrés par de nombreuses anecdotes, Guillemin génial orateur, souligne les mêmes éléments que de Biasi. De manière originale, il commence par comparer Flaubert à Rimbaud, ce qui a priori paraît bien étonnant ; mais c'est dans la désillusion du réel que se rejoignent ces deux écrivains et dans la plongée de tous les stupres. De même,  Biasi et Guillemin se rejoignent en finissant respectivement leur tour d'horizon flaubertien par la question de la religion de Flaubert... Deux grandes études d'un des auteurs les plus connus de la littérature française mais qu'on redécouvre encore...

Biasi , Gustave Flaubert, une manière spéciale de vivre, livre de poche, 578 p.

Archive rts. 1959. "Flaubert" présenté par Henri Guillemin. Diffusé le 1 novembre 1959.

Les chemins de la philosophie. 2011. "Flaubert 2/5 : biographie et correspondance". Présenté par Raphaël Enthoven. Diffusé le 10 mai 2011.

Les romans de Flaubert : Madame Bovary, Bouvard et Pécuchet...

Lecture commune avec Dominique.

14 août 2012

Shakespeare, Autobiographie de Bryson : ISSN 2607-0006

1277969-gf

Cette biographie de Shakespeare est réjouissante et passionnante : quel style ironique ! quel humour ! Cela signifie-t-il qu'elle n'est pas sérieuse ? Au contraire ! C'est avec beaucoup de minutie et à travers la remise en question de nombres de théories farfelues ou fausses que Bill Bryson rétablit enfin la vérité sur la véritable vie de Shakespeare. Ses interrogations débutent avec la découverte du portrait Chandos : représente-t-il Shakespeare ? Non, ce tableau n'est pas un célèbre portrait du dramaturge, dont la seule authentique représentation est celle choisie pour l'illustration de la couverture.

Avec humour, et de manière chronologique, B. Bryson pose la question suivante : que sait-on sur Shakespeare ? La vertigineuse bibliographie prouve que ce dramaturge est devenu un auteur adulé. Mais de sa vie, il ne reste que peu de traces écrites et de témoignages et beaucoup de faits attribués à Shakespeare sont souvent des affabulations ou des hypothèses : "Pour répondre à la question que vous vous posez forcément, non, le présent ouvrage n'a pas été écrit parce que le monde avait besoin d'un livre de plus sur Shakespeare. L'idée était simplement de prendre la mesure de ce que les archives nous apprennent réellement sur lui. Ce qui bien sûr, explique sa minceur." Ainsi pour B. Bryson, les fameuses " années perdues", c'est-à-dire la période entre 1585-1592 où on ne trouve pas traces de Shakespeare sont définitivement perdues, ce qui semble logique. De même, ce n'est pas parce que plusieurs de ses pièces se déroulent en Italie - par exemple, Le marchand de Venise - que Shakespeare s'y serait rendu. Rien ne le prouve...

Si la vie de Shakespeare reste toujours aussi obscure, B. Bryson réussit à tracer la vie intellectuelle et quotidienne de la période Élisabéthaine de manière très documentée, abordant aussi bien les moeurs théâtrales que la forme que pouvait avoir le Globe à l'époque. Ses arguments pourfendant les thèses fantaisistes - et les universitaires délirants sont légions -  sont extrêmement soignés : par exemple, la thèse oxfordienne qui voudrait qu'Edward de Vere soit en fait la personne qui aurait écrit toutes les pièces de Shakespeare est mise à mal car la plupart des pièces n'étaient pas écrites quand il est mort en 1604... A lire absolument pour découvrir le style truculent et ironique de B. Bryson et pour découvrir qu'on ne sait rien sur Shakespeare !

" Si presque tout le monde s'accorde à dire que la carrière de William Shakespeare en tant que dramaturge a débuté en 1590, la question de savoir par quelle pièce il a commencé ne fait absolument pas l'unanimité. Selon l'autorité à laquelle on choisit de se fier, ce peut-être n'importe laquelle des huit suivantes : La comédie des erreurs, les deux Gentilhommes de Vérone, la Mégère apprivoisée, titus Andonicus, Le roi Jean ou l'une des trois parties de Henry IV".

Bryson, Shakespeare Autobiographie, Petite bibliothèque payot, 219 p.

Participation au challenge Shakespeare, organisé avec Claudia. Lu aussi par Dominique, théoma,

8 septembre 2011

Karen et moi de Nathalie Skowronek : ISSN 2607-0006

514JC8T3xsL

"J'avais une ferme en Afrique" : c'est par ces mots évocateurs que N. Skowronek entreprend de raconter la vie de Karen Blixen, tout en tissant des liens avec sa propre vie et tout en instaurant un dialogue avec la célèbre romancière danoise. Cette rencontre rêvée, sublimée et littéraire lui permet de raconter sa souffrance, d'évoquer les personnes importantes qui ont peuplé sa vie ainsi que ses premiers pas dans l'écriture...

La vie de K. Blixen est retracée à partir de sa correspondance avec de nombreuses citations de lettres, mais aussi des résumés de La ferme en Afrique, l'autobiographie de Karen B. Ainsi se construit une autre image de cette grande conteuse qu'elle masque pudiquement dans La ferme en Afrique : de nombreuses déceptions ont jalonné sa vie et elle souffre grandement du manque de reconnaissance (?) ou du moins de pas pouvoir réussir sa vie comme elle l'entend car son mariage sombre et se termine par un divorce et son amant Denys finit par la quitter. Malade, elle souffre physiquement mais aussi moralement lorsqu'elle doit quitter l'Afrique.

Mais si N. Skowronek évoque tant les malheurs et la fragilité de K. Blixen, tout en soulignant son originalité, son indépendance et son courage, c'est que Karen lui apparaît comme un double. Parallèlement à ce premier portrait, elle développe le sien :" elle est désormais celle en miroir de laquelle je me penche sur ma vie de femme" (p. 14). Dommage que l'écrivain n'ait pas développé davantage la biographie de Karen au lieu de parler d'elle d'une manière nombriliste, bien que le double destin soit annoncé dans le titre. L'aspect plaisant de son récit vient de la description du processus d'écriture, de l'évocation de ses lectures préférées et des références littéraires : "Cela me faisait du bien, je me perdais dans mes pensées, j'imaginais des livres que j'espérais écrire un jour. Virginia Woollf n'était jamais loin, elle me parlait, je l’apercevais entre les branches des arbres. Cette forêt c'est ma chambre à moi, le seul endroit où je pouvais avouer mes rêves de poésies." (p.58). L'écriture ne manque pas d'attraits pour ce premier roman, ni le sujet mais elle n'a pas l'élégance de la prose de Karen Blixen

 Skowronek, Karen et moi, Arlea, 146 p.

Merci à Newbook et Arléa pour ce partenariat.

Lu aussi par Alinéa...

31 août 2011

La ferme africaine de Karen Blixen : ISSN 2607-0006

41mHN4Ll71L

Danoise, Karen Blixen a vécu quelques années en Afrique de 1914 à 1931, au Kenya. Son Afrique, ce sont d'abord des paysages sublimes qui suscitent aussitôt la magie de l'atmosphère sous nos yeux, un pays riche, vivant, changeant : "L'immense voûte au-dessus de nos têtes se remplissent lentement de clarté, comme un verre s'emplirait de vin, et soudain, avec une  douceur certaine, les cimes captèrent les premiers rayons du soleil et se mirent à rougeoyer. Toujours aussi lentement, à mesure que la terre s'inclinait vers le soleil, les herbages au pieds des montagnes et les forêts de la réserve massaï prirent une teinte dorée. Puis se fut au tout des faîtes des grands arbres de ma ferme de devenir rouge comme le cuivre" (p. 106).

Mais Karen Blixen, comme on le souligne souvent est une conteuse hors pair. "Nouvelle Shéhérazade", tout ce qu'elle raconte s'apparente aussitôt  au monde des Mille et une nuits et des grands mythes comme L'Odyssée, sont souvent convoqués, ainsi que des allusions à d'autres textes. N'a-t-on pas l'impression d'être au milieu de l'univers des contes orientaux lorsqu'elle décrit Lulu, petite antilope qu'elle a adoptée ? : " toutes ses manières témoignaient de la classe, de la grâce  et de la coquetterie. Elle montra de l'entêtement dès son plus jeune âge et quand je l'empêchais de faire ce qu'elle avait en tête, elle prenait un air qui semblait dire : "tout, mais pas de scène. [...]. elle était si jolie qu'en les [Lulu et Kamante] voyant ensemble, on songeait involontairement à une illustration à rebours de La Belle et la Bête" (p. 99).

Passage obligé des autobiographies d'écrivains, motif littéraire, elle décrit comment elle a commencé à écrire pendant une "année où la pluie fait défaut" : "J'écrivais dans la salle à manger, au milieu des multiples feuilles qui jonchaient la table, car il me fallait régler les comptes et les budgets et répondre aux petites notes désespérées du contremaître. Mes gens me demandaient ce que je faisais, et quand ils apprirent que j'essayais d'écrire un livre, ils virent cela comme une ultime tentative de nous tirer d'affaire, et ils me demandèrent souvent comment j'avançais." (p. 70). Son écriture imagée est magnifique, employant souvent des figures d'analogie très expressives : " Knudsen faisait une figure insolite dans une ferme des hautes terres, car c'était un marin corps et âme, et l'on avait l'impression d'avoir recueilli un vieil albatros malade aux ailes rognées". (p. 84)

Mais l'Afrique de K. Blixen, c'est aussi la relation à l'autre : elle découvre, émerveillée, différents us et coutumes et nous dévoile les habitudes, modes de vie des "squatters" de sa ferme ou des colons à travers diverses anecdotes. Chaque page vibre comme un hommage, un hymne à l'Afrique, qui est sa passion, sa folie... Kamante - son cuisinier, le peuple Kikuyu, Farah, les Massaïs, Denys, les lions, Nairobi et sa ferme emplissent les pages de ses souvenirs. La séparation avec ce pays est émouvante et déchirante, dans la dernière partie les "temps difficiles" : " Jusque-là, j'en avais fait partie, la sécheresse avait été une maladie de mon sang, la floraison de la plaine avait formé comme une nouvelle robe. Maintenant, le paysage se séparait de moi, il se retirait un peu pour m'observer, et aussi pour que je le voie nettement et comme un tout". (p. 434). Son imagination n'empêche pas ses analyses d'être fines et pleines de sensibilité, sans idéalisme. Ce magnifique autoportrait, pudique car la romancière danoise parle assez peu d'elle, nous montre un auteur hors pair et original : chasseuse, farmer (elle gère sa plantation de café), observatrice et conteuse... car ce roman nous envoûte par le pouvoir de ses images...

Blixen, La ferme en Afrique, Folio, p. 506.

20 juin 2011

Dickens de Marie Aude Murail : ISSN 2607-0006

"Nulla dies sine linea" aurait pu être aussi le devise de Dickens, père du roman fresque ou du roman feuilleton : il écrit beaucoup et dans l'urgence... "De 9 heures à 14 heures, il est à son bureau, isolé des siens par une double porte. En moyenne, il écrit 2000 mots à chaque séance de travail, quatre mille quand il est en transe"* : mais Dickens ne peut se résumer à des chiffres. Non, l'accent est mis généralement par ses biographes sur ses œuvres, sur son humour, sur les personnages abondants et les intrigues à rebondissements. Murail, Gattegno** et Zweig (biographie sur le site Larousse) ont écrit des biographies de Dickens d'une manière assez libre, certainement pas d'une manière exhaustive, mais avec passion.

65718529_p

Zweig, Trois maîtres, Livre de poche :

L'admiration pour Dickens perce dans chaque ligne, Zweig le présentant comme une star de l'époque qu'il était, provoquant des émeutes. Fait-il pour autant une apologie ? En fait, il s'interroge sur l'incroyable succès de Dickens : pourquoi a-t-il connu une telle popularité ? Le chapitre "Dickens", dans Trois maîtres, est moins une biographie qu'une poétique de ses romans. Sans interprétation psychologique, l'auteur replace le célèbre auteur victorien dans son contexte et analyse subjectivement et très justement le style dickensien, soulignant à la fois son humour et son admirable intuition pour avoir mis en scène et s'être adressé à ceux qui le lisent, c'est-à-dire les bourgeois. Zweig donne ainsi une vision de l'univers de Dickens par rapport à son siècle. L'écriture surchargée de Sweig ne gâche pas ses belles analyses. Laissons conclure l'auteur : "Et ainsi Dickens reviendra toujours de son oubli, lorsque les hommes auront besoin de gaîté et lorsque, fatigués des tragiques tiraillements de la passion, ils voudront entendre, même dans les choses les plus effacées, la musique mystérieuse de poésie".

65718535_p

 Murail, Charles Dickens, Ouvrier à douze ans, célèbres à 24, Médium Club :

Comme un roman, avec des titres dignes des romans du XIXeme siècle tels que "Où un jeune gentleman se retrouve dans le cirage" ou "quand la gloire vous tombe dessus et que vous avez vingt-quatre ans",... Marie-Aude Murail beaucoup plus traditionnelle dans sa manière d'aborder l'auteur, fait une biographie chronologique. Avec une écriture fluide, très dynamique, la romancière analyse l'oeuvre et la vie, abordant tour à tour ses amours, ses personnages, développant les projets philanthropiques de Dickens, les lectures publiques pour aider un institut d'ouvriers. Mais ce qu'on retiendra de Dickens, ce sont ses personnages inoubliables tels que le vieux Scrooge, la petite Dorrit etc... et son talent inimitable de conteur humoristique mais côtoyant aussi de magnifiques morceaux de bravoures au registre pathétique.

Ces deux belles biographies et études nous parlent différemment, mais toujours avec brio, d'un auteur dont la popularité est encore incontestable.

* p. 114, Charles Dickens, M-A Murail.

** Dickens, Jean Gattegno, Seuil.

Publicité
<< < 1 2 3 4 > >>
Publicité
1001 classiques
Newsletter
62 abonnés
Visiteurs
Depuis la création 501 500
Publicité