La colonie de Marivaux : ISSN 2607-0006
"Un combat entre l'amour et la raison" (Le jeu de l'amour et du hasard, III, 4)
De son vivant, on se moque du style de Marivaux en créant le terme de "marivaudage", un langage précieux et galant comme dans Le Jeu de l'amour et du hasard. Deux jeunes gens, Silvia et Dorante, qui doivent sé'pouser, veulent d'abord connaître le caractère de celui ou celle à qui ils sont destinés. Ils décident, chacun de leur côté, sans le savoir, de changer leur rôle avec leur serviteur. Ainsi la fausse Silvia et le faux Dorante tombent immédiatement amoureux, de même que leur maître. Mais Silvia croit déchoir en épouvant celui qu'elle prend pour un valet, qui est en réalité Dorante. La pièce se construit en dialogues symétriques où chacun fera la connaissance des autres... Quiproquos et mise en abyme révéleront le mérite de chacun et leurs vrais sentiments.
"C'est mon habit qui est un coquin" ( III, 3, La fausse suivante)
Dans La fausse suivante, une jeune fille se déguise en chevalier pour éprouver les sentiments de son futur époux. Elle découvrira quelle est sa vraie nature, aidée de ses serviteurs, notamment Trivelin, sorte de picaro : le sort de ce valet prend une place relativement importante dans cette intrigue où la jeune parisienne, ou le faux chevalier, va découvrir le véritable visage de Lélio, à qui on la destine. Le travestissement et les badinages -à travers le chevalier, Marivaux se permet même de critiquer le marivaudage ! - dissiperont les illusions sur les sentiments de Lélio.
"Nos petites-filles réussiront" (La colonie)
Cependant, La colonie s'éloigne de cette esthétique même si on retrouve l'ambiguité du dénouement. Sur une île - comme L'île des esclaves - des hommes et des femmes ont fait naufrage et souhaitent réorganiser leur petite société. Les hommes ont d'emblée exclu les femmes qui se rassemblent à leur tour. Elles créent une affiche pour réclamer davantage de droits. Malheureusement, les hommes ont préparé une petite comédie pour les empêcher de se révolter... Avec légèreté - les hommes ironisent ou sont ridiculisés comme Percinet - Marivaux condense l'esprit des Lumières à travers la lutte des femmes pour davantage d'égalité. Cette petite pièce, en un acte et 18 scènes, s'éloigne singulièrement du style de marivaux : pas de badinages dans La colonie mais la confrontation d'idées de son siècle et celle de notre siècle aussi...
Marivaux, La colonie, Carrés classiques collège, France, septembre 2021, 115 p.
Marivaux, La fausse suivante, Le livre de poche, Espagne, mars 2014, 124 p.
Marivaux, Le jeu de l'amour et du hasard, France, Juin 1999, GF Flammarion, 157 p.
du même auteur : Le paysan parvenu