Rashômon et autres contes de Ryûnosuke Akutagawa : ISSN 260-0006
Quatre "contes " rassemblés dans ce recueil nous introduisent dans l'oeuvre de Akutagawa et deux nouvelles ont été adaptées en film par Kurosawa. Elles ont été écrites entre 1915 et 1922.
"Rashômon" nous introduit d'emblée dans l'univers étrange et inquiétant, voire cauchemardesque, de cet auteur japonais : un homme, qui vient de perdre son emploi, dans une ville sinistrée, est désespéré. Va-t-il être amené à voler ou à mourir de faim ? Dans les décombres de la ville, il voit, le soir tombant, une vieille femme en train d'arracher les cheveux d'un cadavre. Qui est-elle ? Pourquoi agit-elle ainsi ?
Un conteur raconte dans "Figures infernales" l'histoire tragique d'un peintre. Dès le début, l'histoire suscite la terreur du narrateur : "Moi, entre tous, qui le servais depuis vingt ans, je n'avais jamais vu spectacle plus horrible" (p. 33). Enfin, il commence à conter l'histoire d'un peintre aimant beaucoup sa fille, mais il est d'une grande arrogance, créant l'antipathie du seigneur d'Horikawa. Pendant ce temps, sa fille d'une grande beauté rentre au service du seigneur, au grand déplaisir du père. L'artiste ne peint que ce qu'il voit et ses disciples doivent se plier à toutes les excentricités de leur maître. Quand le seigneur lui commande Le paravent des Figures infernales, un choix cornélien s'offre au père : choisira-t-il de sauver sa fille ou de peindre avec justesse...
"Dans le fourré" est une succession de cinq dépositions faites à un lieutenant : on vient de retrouver un homme mort. Un moine itinérant est interrogé, puis un mouchard, la belle-mère du mort, sa femme, un voleur et enfin, le mort par la bouche d'une sorcière. Mais chaque version est différente : l'épouse a-t-elle tué son mari ? Est-ce le voleur ? Ou l'homme retrouvé mort s'est-il suicidé ?
Enfin, "Gruau d'igname" est plus flou dans ses intentions : un homme, méprisé par tous, rêve de manger un gruau d'igname. Lorsqu'il pourra se rassasier de ce plat, il ne le fera que dans l'inquiétude. En effet, son maître lui prépare des soupières et des soupières de ce met rare. Mais veut-on montrer que cet homme finira par s'affirmer ou au contraire, qu'être le centre d'intérêt peut créer bien des problèmes ?
Les trois premières nouvelles permettent de prendre connaissances d'anciens contes, écrits au XIII, Le Konjaru monogatari. C'est un univers peuplé de légendes, de dieux, d'esprits contenant une certaine cruauté, créant une inquiétude chez le lecteur.
En peu de mots, l'auteur sait peindre des situations, des personnages, des atmosphères. Le style est concis mais extrêmement évocateur. Ces nouvelles sont contruites d'une manière virtuose ! On pense notamment à "Dans le fourré", où chaque point de vue diffère légèrement. Qui croire ? Quant à "Figures infernales", le conteur ménage un suspense terrible, ne cessant de retarder le dénouement inéluctable. En mettant en scène le conteur, il nous entraîne dans ces histoires à la limite du fantastique...
Ces nouvelles d'Akatugawa se révèlent être d'excellents récits pour découvrir la littéraire japonaise traditionnelle (Konjaru manogatari) renouvelée...
Akutagawa Ryûnosuke, "Rashômon et autres contes", folio 2 euros, Barcelone, 26 décembre 2018, 105 p.
Participation à un mois au Japon organisé par Lou et Hilde, LC du 2 avril : lire une nouvelle.