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15 novembre 2020

Le quai de Ouistreham, reportage, de Florence Aubenas : ISSN 2607-0006

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 Au XIXeme siècle, les reportages de Nellie Bly marque la naissance du journalisme dit "infiltré" et préfigure les luttes pour l'émancipation des droits des femmes. Dans deux articles " Dans La peau d'une domestique" et "Nellie Bly, esclave moderne", elle décrit comment les femmes sont exploitées dans des emplois sous-payés en cherchant du travail sans qualification.

Dans la lignée de cette femme d'exception, Florence Aubenas qui travaille actuellement comme journaliste pour Le Monde, décide de louer une chambre et de chercher du travail à pôle emploi à Caen pour répondre à une question : qu'est-ce que "la crise" qui est dans toutes les bouches. Pendant 6 mois, elle s'inscrit au chômage et déclare n'avoir comme seul diplôme que le baccalauréat. Assez rapidement, elle va trouver des emplois de femmes de ménages. Quelques heures par-ci, quelques heures par-là. La journaliste mène son reportage en croquant des portraits pris sur le vif, en évitant tout sentimentalisme ou commentaire.

Au début, le ton paraît moqueur ou condescendant mais assez rapidement, elle se contente de noter les heures effectuées, de dresser des portraits, de dérouler les actions de ses journées. Les paroles sont rapportées entre guillemets, les actions racontées sans effusion. A de rares moments, elle se permet de donner son ressenti mais nulle besoin de beaucoup développer ses sentiments : les faits sont suffisants pour comprendre la dénonciation de la précarité qui touche notamment les femmes, du mépris dont elles font l'objet, de la dureté des conditions de travail : " Je reconduis Marilou en voiture, pour fêter notre nouvel attelage. Elle a déjà deux boulots, dans le ménage, en CDD, et elle précise : " "Bien sûr"" (p. 82) et " Je rentre de mon remplacement du matin. Il est 8 heures, il traîne dans le ciel un reste de nuit. Il me semble avoir déjà une journée dans les jambes, alors que je n'ai travaillé que deux heures. Je me suis mise à calculer mes heures de travail. Je reviens du ferry à 23h30, je me lève à 4h30, pour le premier ménage. Dormir est devenu une obsession" (p. 173).

L'administration n'est pas épargnée : les rouages de pôle emploi sont décrits, soulignant toutes les absurdités de ce système. Sur un rythme vif, au présent, et avec de nombreux dialogues, elle témoigne du quotidien pénible des précaires, au plus près de la réalité. Un reportage à découvrir.

Aubenas Florence, Le quai de Ouistreham, reportage, Point, France, septembre 2011, 238 p.

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Commentaires
E
Lu à sa sortie, j'avais bien aimé et il a l'air d'être toujours actuel.
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L
Je n'ai pas lu Nelly Bly ni le livre que tu présentes, mais j'ai repéré un essai sociologique sur la France des périphéries chez Goran qui semble traiter du même sujet.
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T
Déjà dix ans que ce livre a été publié ! Aubenas y montre bien comment on vit dans ce genre d'emploi, même si elle n'y a passé que quelques mois. Dans un entretien (que j'ai présenté), elle a réagi aux reproches que certaines femmes de ménage côtoyées alors lui ont faits. Pour moi, elle a réussi à rendre compte d'une réalité dont peu se soucient.<br /> <br /> Par hasard, j'ai justement repensé à ce livre en suivant une "enquête de Vera" récemment, où on retrouve les conditions scandaleuses dans certaines entreprises de nettoyage. Un livre utile.
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C
Je l'ai dans ma PAL mais pas encore lu. On aimerait que ce genre de reportage ait un impact et fasse bouger les lignes mais il n'en est rien !<br /> <br /> Lu aussi, il y a bien longtemps , dans le style inflitré, un témoignage d'un blanc aux états-unis qui se faisait passer pour un noir : le titre : Dans la peau d'un noir. Je ne me souviens plus de l'auteur.
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L
Je suis ravie de voir que tu t'intéresses à Nellie Bly (beaucoup de journalistes ne savent même pas qui elle est, à mon grand désespoir) et à cet ouvrage. J'ai aimé l'idée de ce reportage mais j'avais trouvé Florence Aubenas assez condescendante (rien que de voir la manière dont elle se moque du collègue qui lui court après...)
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