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1001 classiques
5 mars 2018

La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon : ISSN 2607-0006

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La petite communiste qui ne sourait jamais est une périphrase qui désigne Nadia Comaneci. Lola Lafon s'empare de la vie de cette gymnaste roumaine pour nous décrire une destinée atypique, sous un régime dictatorial, tout en menant une réflexion sur l'enfance des enfants stars.

L'hybridité du genre est gênante dans la lecture. On a pris soin de marquer "roman" sur la couverture. La fictionnalisation de la vie de Nadia est multiple. Comment accéder à la vérité sur sa vie ? Nadia devient vite un symbole du gouvernement de Ceausescu, qui mythifie le personnage. Des zones d'ombres subsistent. A ces incertidudes s'ajoute le choix narratif fait par l'auteur :  Lola Lafon feint d'avoir des communications avec Nadia pour écrire le roman. Des passages en italiques rendent compte de leur dialogue inventé et d'autres passages sont le récit écrit par l'auteur. A chaque instant, on s'interroge sur le degré de véracité des propos.

 Outre la forme hybride, les phrases elle-mêmes sont parfois confuses. Elles sont longues et n'en précises pas toujours l'énonciateur, comme dans le passage suivant :  "Toutes ces tâches. Ingérées sagement, leurs incessantes exigences à satisfaire se dévident de son être traversé de pellicules et de flashs, une radioactivité mondiale. Ca tourne, chérie. L'ordre du mérite de la nation de l'héroïsme, tout s'effrite, yes sir, j'ai l'image de Comaneci qui pleure, son corps est un champ de batailles acharnés qu'ils mènent et disputent, tous, celui dont l'ombre est au-dessus de Béla, ce plus-que-Béla de la république socialiste de Roumanie qui n'est finalement qu'un autre Béla, tous ces managers, tous, ils reprennent ses gestes un à un, la positionnent de façon qu'elle soit plus efficace, souple, facile d'accès." ( p. 198). Tout paraît confus, sentiment renforcé par l'utilisation de courts chapitres qui passe d'un lieu à un autre...

En revanche, la description du régime dans lequel vit Nadia est évoquée par touches et avec nuance : Lola Lafon qui a écrit ce livre en Roumanie (à Bucarest, précise-t-elle dans les remerciements) a transcrit la vision occidentale de ce pays mais aussi les sentiments des habitants. Elle ne cherche pas à idéaliser, ni à diaboliser le régime politique. Plusieurs anecdotes soulignent la dureté du régime. La securitate dresse des listes de mots interdits : " Ceux, en particulier, qui évoquaient la faim et le froid, et qui étaient considérés comme une allusion directe aux décrets de Ceausescu ; on n'avait pas le droit d'écrire : "il enfila un pull car il frissonnait "! Tout était lu et relu" (p. 218).

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Le destin des femmes sous l'ère Ceausescu semble particulièrement préoccuper l'auteur : la politique pro-nataliste instrumentalise les Roumaines. Tout particulièrement, c'est la starification du corps de l'enfant qui scandalise la narratrice. "L'enfance sacrifiée" et le rejet du corps de Nadia, lorsqu'elle commence à grandir, et son changement remarqué aux JO en Russie en 1980 font l'objet de nombreux passages du roman. On découvre donc la vie fascinante de Nadia Comaneci, mais déservie par une plume un peu brouillonne.

Lafon Lola, La petite communiste qui ne sourait jamais, Babel, 318 p.

Nadia Comaneci, La gymnaste et le dictateur, Pola Rapaport, documentaire, 2015, 50 min.

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Commentaires
L
Voilà un sujet qui m'intéresse. Je ne connais pas tellement ce pays ni tellement cette époque, c'est donc l'occasion pour y remédier. C'est dommage pour la plume brouillonne...
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E
Je n'ai jamais été attirée par ce livre, alors qu'on l'a beaucoup vu sur les blogs.
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C
C'est un livre que j'ai trouvé intéressant et très riche. Je l'ai beaucoup aimé car à travers la vie de Comencini, l'auteure aborde de nombreux thèmes et renvoie face à face les républiques de l'Est soumises à la dictature et les puissances occidentales pseudo-démocrates qui agissent de la même manière.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai aussi apprécié le dialogue qui s'instaure entre l'auteure et Comencini (je pensais que c'était authentique) mais même si c'est un dialogue de Lola Lafon avec elle-même, cela lui permet d'essayer d'être objective, de ne pas tomber dans le poncif que semblait indiquer le titre "... qui ne souriait jamais.."<br /> <br /> <br /> <br /> Mon billet date de septembre 2014 donc je ne me souviens pas de tout avec précision en particulier au niveau du style. Mais il me semble que le passage que tu cites et qui est effectivement désordonné, traduit la façon dont le corps de Comencini est utilisé par tous, instrumentalisé, une confusion voulue qui montre qu'elle n'est plus maîtresse d'elle -même, qu'elle a perdu le contrôle. Mais tout n'est pas écrit de cette manière. Est-ce exact ?
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L
J'avais envie de le lire mais les extraits me retiennent clairement.
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A
Je rejoins plusieurs commentaires ... Le mélange des textes m'avait paru adéquat aux propos de la fiction, puisque on ne peut, comme tu le dis, accéder à la vérité, complexe, de cette vie atypique.
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