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1001 classiques
29 juin 2014

L'école des femmes de Molière : ISSN 2607-0006

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"Epouser une sotte est pour n'être point sot" (I, 1) :

Craignant d'être cocufié, Arnolphe - décidé à se faire appeler monsieur de la Souche pour s'anoblir - décide d'élever Agnès loin de la société et du savoir. Il craint toutes les précieuses de son temps : "Femme qui compose en sait plus qu'il ne faut" selon lui. La tenant cachée,il lui enseigne la soumission, tout en montrant l'importance des hommes : "du côté de la barbe est la toute puissance" ( III,2). Cependant, toutes les ruses et les maximes de ce vieux barbon ridicule sont inefficaces face à l'amour véritable qu'éprouve Agnès pour Horace. Peu à peu, le ridicule bourgeois voit ses plans s'effondrer face à une jeune fille qui s'impose comme un véritable sujet.

" car il faut craindre un revers de satire" (I,1) :

La caricature du bourgeois monomaniaque est fréquente dans le théâtre moliéresque. Arnolphe est aveuglé, emblématisé dans le dialogue de sourd avec un notaire, et incapable de changement. Son langage se révèle en inadéquation avec la situation lorsqu'il parle comme Sertorius ( Corneille) du thème de cocuage. Les grandes règles théorisées par les doctes classiques sont respectées : unité de temps, de lieu et d'action. Cependant, L'école des femmes suscite une vive polémique, mise en scène dans La critique de l'école des femmes. Quels sont les griefs adressés à Molière ? Il aurait tenu des propos scandaleux en parodiant des sermons, les 10 commandements, et surtout la scène du "le" provoque la colère des prudes : de nombreux propos grivois choquent le public. L'évolution d'Agnès va aussi à l'enconte des types comiques. Ce personnage complexe permet au dramaturge de démontrer que l'ignorance n'est pas consubstantielle à la femme mais liée à son manque d'éducation. Cette pièce, qui apparaît très conventionnelle, trangresse en fait les genres : l'auteur du Misanthrope fait côtoyer dans cette pièce des scènes dignes de la commedia dell arte tout en parlant de sujet sérieux comme les moeurs de la société, notamment la question de l'éducation de la femme et de sa place dans la société.

"Le moyen d'empêcher ce qui fait du plaisir" ?

Alors que dans Les précieuses ridicules ou Les Femmes savantes, Molière ridiculise les précieuses, il défend dans L'école des femmes leurs idées progressistes sur la question de l'amour, perçu comme une valeur civilisatrice de l'éthique mondaine, de l'éducation  et la sujétion aux hommes. Mais Paul Bénichou dans Morale du grand siècle souligne la position très originale de Molière en parlant de sa " liberté morale" : il promeut le désir naturel, ce que ne prône pas les précieuses. en outre, le théâtre de Molière n'est pas normatif : adhérant à l'éthique de la société galante, ne fait-il pas dire à Dorante dans La critique de l'école des femmes : "Je voudrais bien savoir si la grande règle de toutes les règles n'est pas de plaire". Et il est bien vrai que l'école des femmes est aussi plaisant à lire que La critique de l'école des femmes, Molière ayant ennobli sa comédie sérieuse d'une copia d'effets comiques.

Molière, L'école des femmes, Garnier Flammarion.

Bénichou, Morale du grand siècle, 210-294 p.

Lecture commune avec Claudia. Participation au challenge mélange des genres de Miss Léo ( mon bilan ici).

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23 juin 2014

Darwin de Jean-Noel Mouret/ L'autobiographie de Darwin : ISSN 2607-0006

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"Cave et aude" ( Prends garde et ose)* :

On se représente toujours Darwin, à la manière d'une image d'Epinal, comme un patriarche avec une vénérable barbe très victorienne, comme l'a immortalisé la statue du museum d'histoire naturelle, mais on ne soulignera jamais assez la portée subversive de ses écrits. Cette biographie chronologique présente la vie de ce naturaliste d'une manière sobre - et parfois avec des pointes d'humour - et très documentée : de longues lettres et des extraits de l'aubiographie de Darwin sont citées.

Pour commencer, il remonte dans la généalogie du célèbre auteur de L'origine des espèces, qui est très liée aux Wedgwood (les célèbres fabricants mondiaux de porcelaine). L'enfance est racontée à travers diverses anecdotes, qui évoque son quotidien, en soulignant notamment sa passion pour la chasse, pour les collections, les expériences chimiques qui le feront surnommer de "poco curante" par son maître. Mais c'est justement, cette manie de la collection  - notamment l'entomologie - et son attachement aux détails, qui vont lui permettre de bâtir l'une des théorie les plus subversives du siècle.

"E conchis Omnia" (Tout vient du coquillage)*

Alors qu'il hésite à devenir pasteur et qu'il mène une vie de dilettante, son voyage autour du monde à bord du Beagles va lui permettre d'observer la nature et de constater des phénomènes qui vont bouleverser le monde de la science : " la transmutation des espèces" qu'il a pu observer à partir des pinsons dont il relève 13 espèces distinctes, dans différentes îles des Galapagos. Comment une seule espèce a-t-elle pu se diversifier ? En outre, sur les côtes chiliennes, il est témoin d'un tremblement de terre qu'il décrit en ces termes, bien avant que ne soit formulée la techtonique des plaque : la terre "bouge sous nos pieds comme une croûte sur un fluide" ( p. 171). La publication de L'origine des espèces provoque un séisme : dans ce livre, jamais n'apparaît le nom de Dieu, ce qui déchaîne la colère des Catholiques. A cause de sa maladie et de son travail, Charles Darwin s'est toujours tenu loin de ces querelles et des darwinophobiques.

Les derniers chapitres m'ont semblé particulièrement intéressant. J-N Mouret relève l'habituelle formule érronée : "l'homme descend du singe", ce que n'a jamais formulé l'auteur et surtout il souligne les dérives d'un darwinisme mal compris. Certains font du " darwinisme social", c'est-à-dire qu'il applique la théorie de la sélection naturelle dans le domaine social amenant des idées d'eugénisme et des théories raciales ( p. 322, dans l'avant-dernier chapitre). Une autobiographie pasionnante et un personnage fascinant !

* Devise de Darwin

 

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Dans cette autobiographie qu'il a écrite à la fin de sa vie, qui a été largement reprise par J.N Mouret, l'auteur dresse surtout le portrait des personnalités qu'il a fréquentées, pensant que les gens fréquentés révèlent notre propre nature ( "noscitur socio"). On peut aussi voir un esprit méthodique, la méthode darwinienne : il insiste beaucoup sur le temps qu'il prend pour développer ses idées, " observer et recueillir des faits"... C'est aussi un portrait d'un naturaliste qui a tout consacré à "l'amour de la science". Sur le Beagles, il était surnommé le " philosophe" ( mais aussi "l'attrapeur de mouche" !), surnom très justement choisi lorsque l'on voit la devise des philosophe des Lumières.

Pour en savoir plus, sur Darwin, il existe aussi un très beau film Création d'Amiel et un documentaire intitulé Le Grand Voyage de Darwin, très bien réalisé par Hannes Schuler, Katharina von Flotow.

Mouret, Darwin, Folio biographie, 400 p.

Partenariat Folio.

Darwin, L'autobiographie, Points, 239 p.

Participation au challenge mélange des genres de Miss Léo (mon bilan) et participation au mois anglais de Lou, Cryssilda, Titine.

17 juin 2014

La maison des miroirs de John Connoly : ISSN 2607-0006

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Surtout connu pour son livre des choses perdues, chroniqué par Karine ou par Cryssilda, J. Connolly a aussi créé un personnage de détective privé : il a écrit 5 nouvelles pour la BBC, lorsque celle-ci lui a proposé d'écrire des récits pour la radio, s'explique-t-il dans sa préface. L'une d'elle reprend un de ses personnages récurrents, le détective privé Charlie Paker. Il cherche à renouveller le genre policier en mêlant fantastique et enquête.

En effet, la maison des miroirs ressemble bien à un manoir hanté, non par des fantômes, mais par un tueur en série. John Grady est un voleur d'enfants et il les enferme dans une maison pleine de miroirs. Le narrateur-détective cherche à résoudre un cas délicat : le propriétaire de cette sinistre maison n'est autre qu'un parent d'une des victimes de John Graddy. Il a retrouvé une photo d'enfant à l'intérieur de cette maison fermée. L'enfant, est-il en danger ? Qui est cet étrange Collectionneur qui se promène comme une ombre sur les routes du Maine ?

Curieusement, ce polar fantastique s'inscrit aussi dans la lignée des romans policiers noirs, l'action s'ancrant dans le Maine. La violence, présente dans deux personnages typiques de mafioso et des règlements de compte, des ex-taulards font partie inhérente de cet univers du hard boiled. Autre curiosité, la nouvelle, qui par définition est brève, développe a contrario de nombreux personnages et on ne peut reprocher à l'auteur d'avoir juste esquissé ses personnages et son intrigue : la vie privée du détective est même évoquée avec force détails à plusieurs reprises.

Pourtant si le récit se lit très facilement et l'intrigue est bien ficelée, créant parfois un véritable malaise avec des allusions ésotériques qui restent bien sûr inexpliquées, elle ne donne pas forcément envie de se plonger dans le reste de l'oeuvre policière de cet auteur.

Connolly, La maison des miroirs, Pocket, 159 p.

Participation au mois anglais organisé par Lou, Cryssilda et Titine.

Participation aux mélanges des genres de Miss Léo ( mon bilan ici).

12 juin 2014

Comme il vous plaira de Shakespeare : ISSN 2607-0006

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Jamais pièce shakespearienne n'a paru aussi libre dans sa construction et dans ses thèmes. Dès la fin du premier acte, Célia, fille du tyran Frédéric, qui a usurpé le pouvoir au vieux duc déclare : " Marchons avec joie, non vers l'exil, mais vers la liberté". Où se trouve cet espace de liberté ? C'est dans la forêt des Ardennes que se sont réfugiés le duc exilé et sa cour. C'est le même chemin qu'empruntera Orlando, chassé par son frère, qui lui refuse argent et éducation, et par l'usurpateur. Là, au gré des rencontres, se forment des duos, des couples, devisant sur l'amour, la Fortune, la mélancolie, les apparences... L'indépendance est présente aussi dans le personnage de Rosalinde, fille du vieux duc, qui quitte la cour par amour pour Orlando. Elle semble diriger l'intrigue obligeant Orlando à jouer une comédie de l'amour.

Pas étonnant que les romantiques voyaient en Shakespeare un modèle de renouvellement des règles sclérosées des Classiques. Changeant sans cesse de lieux, de personnages et d'intrigues, cette pièce nous fait traverser différents genres : se terminant comme une comédie, elle est aussi une pastorale avec des bergers dissertant sur l'amour. Poèmes et chansons parsèment les scènes. Mais la gravité n'est pas absente dans certains actes avec le personnage du mélancolique Jacques, proche des bouffons de tragédie et des problèmes très réalistes, comme les enclosures évoquées par le paysan Corin ou le droit de primogéniture que subit Orlando.

Mais c'est bien la comédie qui finalement fait triompher la vérité : Rosalinde déguisée, en jeune homme, cherche à savoir si Orlando l'aime réellement, et c'est ce déguisement qui permettra un dénouement heureux. Pièce hautement baroque, le mouvement et la question des faux-semblants parcourent toute cette brève pièce, où la Fortune se joue des hommes. Qui est le protagonatiste principal ? Quels sont les thèmes importants ? " Comme il vous plaira" nous semble dire la pièce.

Participation au mois anglais organisé par titine, Lou, Cryssilda.

LC avec Claudia et Miriam. Billet de Praline

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