La domination masculine de Bourdieu : ISSN 2607-0006
La question des genres a fait son entrée fracassante dans les programmes d'histoire des lycéens en 2013. Elle a suscité une bien vive polémique en raison peut-être des amalgames faits autour de cette notion. Le sociologue Bourdieu, dans La domination masculine, analyse ce terme en tant qu'outil sociologique. S'appuyant, dans une première partie, sur une étude de la société Kabyle, de ses moeurs et de son langage révélateur, il démontre comment les sociétés méditerranéennes sont androcentriques. C'est l'école, l'Eglise ou l'Etat qui sont le lieu d'une élaboration et d'une imposition des principes de domination masculine. Par ailleurs, il parle de " violence symbolique" faites aux femmes et aux minorités car elle est invisible même pour ses victimes. Par exemple, au Nigéria, le " dénigrement intériorisé de tout ce qui est indigène" ont amené leurs habitants à parler anglais. En outre, il constate que l'homme est prisonnier de sa représentation et que c'est un long travail de socialisation qui l'amène à vouloir dominer les autres : "le propre des dominants est d'être en mesure de faire reconnaître leur manière d'être particulière comme universelle".
Si l'on remonte dans le cours de l'Histoire, on verrait que la reproduction de la domination masculine se fait de manière inconsciente : la monarchie de droit divin ou la "propagande iconographique" justifie une hiérarchie où la femme est exclue. En s'appuyant sur la notion de plafond de verre ou de " l'être perçue" ( la femme utilise la séduction comme arme car cela recouvre une image attendue de la collectivité). Un exemple, choisi par Bourdieu, est le choix du prénom des filles en Amérique qui est souvent français pour des raisons de séduction alors que les prénoms masculins sont souvent des prénoms choisis dans l'histoire du pays.
L'auteur montre comment l'écart se maintient malgré des mutations sociales en faveur de la condition féminine. Ces changements visibles, selon lui, comme l'indépendance financière, l'apparition de nouveau type de famille, masque la permanence des structures. En s'appuyant sur des exemples précis et concrets, sans jargon excessif et de facto tout à fait accessible, Bourdieu définit la notion genre comme un outil d'analyse pour réfléchir sur les rapports des hommes et des femmes et de leur place dans la société, qui sont déterminés par l'histoire.
Bourdieu, La domination masculine, Points essais, 158 p.
Le film commence sur un gros plan, celui du visage de Laure. Visage ambigu aux cheveux courts. Enfant déracinée, qui a connu de nombreux déménagements, Laure cherche ses repères dans sa nouvelle ville. Lorsque Lisa la prend pour un garçon, elle ne cherche pas à la détromper car cela lui permet de s'intégrer plus facilement à un groupe de garçons.
Les images de l'enfance, de ses jeux, de son insouciance ou de ses inquiétudes sont filmés très subtilement. On perçoit nettement une différence entre les jeux turbulents des garçons, habitués à se battre tandis que la petite soeur Jeanne reste sagement à la maison, jouant à la poupée. Les stéréotypes semblent à l'oeuvre dès l'enfance. Mais, me semble-t-il, Tomboy aborde moins la question des sexes que celle de la différence. C'est aussi un très beau film sur l'intégration de l'autre et sur l'innocence : comment Laure va-t-elle surmonter les problèmes liés à son mensonge ?
Le sujet du film a provoqué de nombreuses polémiques ( pétition "Non à la diffusion du film Tomboy dans les écoles !" en 2012) comme la récente pétition de civitas qui voulait empêcher la diffusion de ce film sur arte pour cause de "propagrande pour l'idéologie des genres". Vous pouvez lire l'article très justement ironique de Télérama.
Tomboy,Céline Sciamma, 2011 avec Zoé Héran.
Participation au challenge Le mélange des genres de Miss Léo, (catégorie essais, mon bilan ici)