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1001 classiques
19 février 2013

Le paysan parvenu, Marivaux vs Les confessions de Rousseau : ISSN 2607-0006

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Le style de Marivaux est tellement reconnaissable et si fin qu'il a donné lieu à une annomination : le marivaudage. Le paysan parvenu porte la marque de ce style précieux, au tempo vif, plein de dialogues enjoués... Cette histoire du XVIII siècle s'inscrit dans la vogue des romans-mémoiresle paysan Jacob prend la parole pour raconter sa très romanesque et fulgurante ascension, puisqu'en quelques jours, il arrive à se hausser jusqu'aux portes de l'aristocratie où malheureusement le roman s'achève puisqu'il manque la dernière partie.

Ancêtre de Bel-Ami, Jacob qui s'appelle désormais de la Vallée, va grâce aux femmes, notamment son mariage avec Mlle d'Habert, réussir une belle ascension sociale. Mais les enjeux sont très différents de ceux de Maupassant : anthropologiquement, Marivaux montre la perfectibilité de l'homme au contact de la société - les thèses rousseauistes ne sont pas loin - et dessine le type de l'honnête homme. Notre domestique Jacob parvient à se hisser dans les hautes sphères de la société grâce à son esprit et à sa belle mine : "Mais dans ce monde, toutes les vertus sont déplacées, aussi bien que les vices. Les bons et mauvais coeurs ne se trouvent pas point à leur place". Marivaux esquisse dans ce roman-mémoire, l'avènement de l'individu dont les mérites priment sur la naissance. Un très beau classique à lire absolument !

Quelques années plus tard Rousseau entreprend aussi de raconter son autobiographie : contrairement à l'autobiographie fictive entreprise par Marivaux, l'auteur du Contrat social, décide de détailler toute sa vie réelle. Le pacte est posé, mais le jeune Rousseau, dès 6 ans, déclare avoir lu L'Astrée et Plutarque avant même de découvrir la vie : sa sensibilité romanesque explique "l'appel du roman" ( Starobinski) qui est perceptible à travers bien des épisodes de la vie de Rousseau. Se qualifiant lui-même de "berger extravagant" ( Livre IX), il se peint souvent sous les traits d'un héros picaro et a des affinités avec le parvenu de Marivaux. Il est lui aussi un laquais devenu l'un des plus célèbres philosophes des Lumières et dira un peu comme le paysan de Marivaux, lors de l'épisode de la devise : " ce fut un des épisodes trop rares qui replacent les choses dans leur ordre naturel" ( Livre III).

Pour qualifier ce livre, A. Maurois parlait du "meilleurs des romans picaresques" : si cette appellation est excessive, on prend plaisir à lire la prose humoristique de J.J. Rousseau dont on découvre le caractère "romanesque et bizarre". Bien sûr l'orgueil incommensurable du personnage est peut-être désagréable, bien sûr sa manie apologétique amène toujours l'auteur de La nouvelle Héloïse à se justifier en sa faveur, bien sûr, "les fadaises de son enfance" (L'année Littéraire) semblent bien longues parfois mais lu sous le biais de l'intertextualité, les livres I à VI des confessions deviennent très réjouissants, notamment dans la peinture des portraits souvent similaires à ceux qu'on trouve dans Le roman comique de Scarron ou les nombreux passages burlesques d'un Rousseau don quichottesque !

 Marivaux, Le paysan parvenu, GF, 384 p.

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Commentaires
C
Il faut absolument que je lise Le paysan parvenu. J'ai adoré sa Vie de Marianne, plein de vie et d'humour. Le pendant masculin me tente aussi...<br /> <br /> Je dois être bizarre, mais j'ai bien aimé Les confessions. Je ne me suis pas du tout ennuyée en le lisant, au contraire. C'est quelque chose de plonger dans l'esprit de quelqu'un d'autre, et de s'amuser à deviner le vrai sous l'arrangement qu'y met l'auteur.
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M
@ Keisha : tu n'as pas lu les Confessions de rousseau ? Oui, La vie de Marianne est prévu un de ces jours ! Je sais qu'il y a des similitudes entre les deux livres ( avec le paysan parvenu)<br /> <br /> <br /> <br /> @ Shelbylee : Voilà justement pourquoi je parle des confessions : il y a plein de passages détestables où rousseau affirme ne pas être coupable mais c'est la faute de la société s'il a mal agi ! ( la fessée n'est qu'un épisode parmi d'autres où il est exhibitionniste etc...). Mais en fait, son écriture est souvent ironique et humoristiques et très littéraires et c'est ce qui m'a fait aimer ma deuxième lecture des confessions !<br /> <br /> <br /> <br /> @ Océane : tu as aimé quel roman de Maurois ? En fait, je ne l'ai jamais lu car j'ai a priori sur sa thèse que la collectivité est plus importante que l'individu....
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O
Très joli texte de présentation, tu me donnerais presque envie de me replonger dans Rousseau :) Sinon, tu cites Maurois, je l'adore ;)
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S
J'ai été traumatisée en 1e par la lecture des Confessions de Rousseau. Je suis passée totalement à côté à ce que je vois. Mais il faut dire qu'écouter les détails du petit Rousseau prenant plaisir à recevoir sa fessée ne m'a pas intéressée du tout et c'est à peu près tout le souvenir que j'en garde.
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K
Pfffou, là tu enfonces le clou... Pas lu ces Confessions, mais en revanche lu deux fois La vie de Marianne (rha quelle langue!)
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