Tristan et Iseult de Béroul : ISSN 2607-0006
La légende tristianienne est constituée de différents textes, venant de traditions orales, contés dans les cours princières, mais le plus ancien fragment semble être celui de Béroul bien que lacunaire. Le fragment en vers de Béroul débute avec l'épisode où Marc écoute les amants en haut d'un pin :"Que nul senblant de rien en face/car ele aprisme son ami,/oiez com il la devance."* Si la légende fait frémir des générations de lecteurs, la version de Béroul est très archaïque et il manque tout le début et quelques passages. Mais pourquoi ce mythe perdure ? Tout d'abord, parce que la matière est très riche. Elle parle d'une passion impossible, irrépressible, due à un filtre. Nos deux amants doivent affronter de nombreux dangers avant d'être réunis... dans la mort.
Ces épreuves prennent des formes diverses comme un nain maléfique Frocin qui conseille le roi, elle prend aussi la figure de trois barons félons, d'une vie misérable dans la forêt du Morois, d'une justification d'Iseut devant la cour du roi Arthur... Mais ce n'est pas seulement une histoire d'amour, il y a aussi tout l'univers médiéval qui transparaît avec du merveilleux, notamment la malédiction du roi Marc et de ses oreilles de cheval, des visions prophétiques d'Iseut, avec la présence du blanc Husdent, chien de Tristan qui a les couleurs de l'Autre Monde : "S'il [Husdent] capture dans la forêt un chevreuil ou un daim, il le cache soigneusement en le couvrant de branchages, et s'il attrape au milieu de la lande (cela lui arrive souvent), il couvre d'herbe le corps de l'animal et retourne chercher son maître ; il l'emmène alors là où il a pris la bête. Oui les chiens rendent de grands services !"...
Entrez de plain pied dans l'univers des romans de chevalerie avec ses ermites, ses damoiseaux, des destriers et des vavasseurs... Et ses combats sanglants avec des détails très crus : "La flèche part si vite que Godoine ne peut l'éviter. Elle se plante en plein dans son œil, traverse son crâne et sa cervelle. L'émerillon et l'hirondelle n'atteignent pas la moitié de cette vitesse". Écoutez ces aventures, car les conteurs avaient l'art de tenir leur auditoire en haleine, avec des récits sans temps morts où ils intervenaient parfois : "Les conteurs disent que les deux hommes firent noyer Yvain mais ce sont des rustres ; ils ne connaissent pas bien l'histoire. Béroul l'a parfaitement gardé en mémoire. Tristan est bien trop preux et courtois pour tuer des gens de cette espèce". Si la langue du XIIe est fruste et si le récit contient de nombreuses redites, on se laisse complètement charmer par les aventures du couple mythique.
Tristan et Iseult, Livre de poche, Lettres gothiques,
* Le texte original est placé en regard de la traduction.
Participation au challenge mythe et légende de Céline (blog bleu).