Le roman de Jane Austen ( biographie Larousse), Mansfield Park est une oeuvre atypique comparée à Orgueil et Préjugés ou Raisons et sentiments. Au-delà de la peinture psychologique et celle de l'amour entre quatre jeunes gens, Mansfield Park développe une véritable fresque du tout début du XIXeme siècle.
Fanny Price est une parente pauvre, recueillie par la soeur de sa mère, Lady Bertram. Leur soeur, Madame Norris, et les filles Bertram montrent un certain mépris envers elle. La vie semble se dérouler lentement, à Mansfield park jusqu'à l'arrivée d'Henry et Mary Crawford, jeunes aristocrates oisifs de Londres. Tout d'abord Henry semble courtiser l'aînée des Bertram, qui doit se marier à l'insignifiant Mr Rushworth, puis après le mariage de celle-ci, il décide d'épouser Fanny. Jeu ou amour véritable ? Amoureuse de son cousin Edmund, qui souhaite être ordonné prêtre, Fanny ressent des sentiments contradictoires lorsqu'elle voit ce dernier amoureux de Mlle Crawford. Mary, va-t-elle suivre ses sentiments ou son inclination pour l'argent et une vie frivole ? Fanny, succombera-t-elle à la pression sociale qui l'oblige à épouser Mr Crawford ou à ses sentiments pour Edmund ?
Au-delà du marivaudage, J. Austen aborde de nombreux sujets comme la question de la religion ou du théâtre. Mansfield Park est aussi riche que complexe : tout d'abord l'éducation des jeunes filles prend une grande place, soulignant le danger d'un apprentissage par coeur, qui repose sur les arts d'agrément contrairement à l'éducation de Fanny Price qui lit et sait se forger une opinion propre. La sévérité du père, Mr Bertram, empêche l'affection de ses enfants de se manifester : ils n'osent s'ouvrir à lui, ce qui va amener le désastre sentimental de ses filles tandis que l'adoration de Madame Norris pour les soeurs Bertram développe, au contraire, leur vanité. Quant aux Crawford, leur inconstance et leur frivolité découlent d'une indépendance précoce...
Ces personnages sont-il réalistes ? Exceptés Mme Norris et Mr Rushworth qui n'évoluent pas et restent secondaires et risibles, et contrastant singulièrement avec le dernier chapitre extrêmement rapide comme dans Lady Susan, les autres personnages n'ont rien de manichéens ; au contraire, l'auteur cherche à travers de longs dialogues, à montrer les dilemmes des héros, leur tourments.
La fracture sociale entre les personnages est très importante : le milieu d'origine de l'héroïne Fanny est très éloigné de celui des Bertram, grands propriétaires terriens, ce qui permet à l'auteur de dépeindre la vie de ces pauvres gens. La description de Portsmouth, ville natale de Fanny permet aussi à l'auteur de montrer le développement de la marine anglaise, lié à l'extension de l'Empire. Les colonies anglaises sont d'ailleurs évoquées à plusieurs reprises.
Ce roman, souvent qualifié d'insipide, se révèle être beaucoup plus riche que les autres oeuvres de l'auteur. Certes les longues conversations sur l'embellissement des jardins ou l'atermoiement des jeunes personnages peuvent paraître ennuyeuses mais ils ont leur importance. Comme le rappelle la préface, il faut connaître l'époque pour comprendre ce livre, étant donné que J. Auten en donne un reflet des habitudes d'une société en pleine mutation. Assurément, une très belle oeuvre.
Quand est-il de l'adaptation ? Le film réalisé par I. B. Mac Donald, il a opté pour une simplification extrême : certaines paroles sont reprises, la trame générale est respectée mais la question de l'éducation, la richesse des sentiments sont bien mal représentées. Mansfield Park est un film certes élégant, aussi bien au niveau des décors que des acteurs, mais il ressemble davantage à une comédie sentimentale enlevée qu'au roman de J. Austen. Surtout, Fanny n'y est guère semblable au roman : espiègle et bruyante, elle n'a plus rien en commun avec le personnage timide et raisonnable de J. Austen. Reprenant la problématique très austenienne du mariage d'argent ou d'amour, ce film réducteur est pourtant une très belle comédie...
Austen, Mansfield Park, Archi poche, 562 p.
Autres romans : Northanger abbaye, Orgueil et préjugés, Lady Susan
Mansfield Park, réalisé par I.B. Mac Donald, avec Billie Piper, Blake Ritson et Hayley Atwell, 95 min, 2009.