Seule contre la loi de Wilkie Collins : ISSN 2607-0006
Considéré comme l'inventeur du roman policier d'énigme, Wilkie Collins mérite bien cette réputation. Lecteurs, si vous avez déjà lu un de ses romans, vous savez que les intrigues mystérieuses et palpitantes et que les Victoriens excentriques peuplent ses romans. Dans Seule contre la loi, une jeune femme nommée Valéria prend la plume pour raconter les sombres heures qu'elle a vécues juste après son mariage : un jour pluvieux et triste, à peine mariée à Mr Woodville " au sourire lumineux et plein de bonté", différents incidents alarment notre jeune héroïne. La famille de son mari refuse d'assister à la cérémonie de mariage, ses amis refusent de parler de cet homme... De coïncidences en coïncidences, la jeune femme est confrontée à un angoissant secret qui plane sur le passé de son mari. Pourquoi s'est-il marié sous un faux nom ? Elle découvre après quelques péripéties, la véritable identité de celui qu'elle a épousé en trouvant un livre chez le major, ami de son mari : " compte-rendu complet du procès d'Eustace Macallan, accusé du meurtre de sa femme". Cet homme qu'elle adore et qu'elle vénère est-il un assassin ? Elle ne peut le croire et commence seule et envers tous une enquête éprouvante : qui a tué sa première femme ? Va-t-elle trouver des indices pour innocenter son mari ?
Seule contre la loi est certainement le plus fantasque des livres de Wilkie Collins, surtout au niveau des personnages qui comprend une galerie de portraits insolites et de l'intrigue qui repose sur des coïncidences forcées et des hasards extravagants. Quoique le secret soit révélé rapidement, ce roman met en scène une véritable enquête haletante et plusieurs personnages tout à fait distrayants et haut en couleur, à commencer par le major Fitz David, "Don Juan" sur le retour, qui apporte une touche comique. Quant à Miserimus Dexter, c'est un personnage tout droit sorti de la cour des miracles hugolien : infirme, il semble fou à lier, vivant entouré de tableaux sanglants, se prenant pour Lear... La description de ce personnage est une véritable prouesse !
Mais revenons à l'héroïne, une hystérique oie blanche au départ : "Où que vous alliez, j'irai avec vous ! m'écriai-je. Amis, réputation, peu m'importe ce que j'y perdrai. Je ne suis qu'une faible femme, Eustace, ne me rendez pas folle ! Je ne saurais sans vous. Je veux devenir votre femme, votre femme je serai ! Telles furent les paroles échevelées que je proférai avant de laisser mon désarroi et mon affolement s'exprimer en un accès de larmes et de sanglots". Il faut dire que la misogynie de l'époque n'épargne pas les femmes : "Si vous étiez capable de contenir votre curiosité, dit-il sombrement, nous pourrions être raisonnablement heureux. J'avais cru épouser une femme exempte des imperfections propres à son sexe. Une épouse digne de ce nom devrait avoir suffisamment de bon sens, pour ne pas mettre le nez dans les affaires de son mari, affaires qui ne la regardent en aucune façon". Ainsi, c'est de cette manière qu'un mari victorien s'adressait à sa chère femme ! Cette jeune fille très impressionnable et très sensible s'évanouit facilement et rougit encore plus facilement mais plus les épreuves semblent insurmontables, plus elle s'entête et brave le danger : et pourquoi ? Pour sauver un mari lâche et veule, qui ne songe qu'à fuir devant chaque obstacle qui se dresse devant lui !
C'est d'ailleurs ce personnage de détective amateur qui rend si originale cette quête de la vérité, cette enquête à rebours qui en outre est résolue par des moyens inhabituels et est émaillée de trouvailles insolites. L'autre originalité de ce roman est de donner une grande place à l'inconscient et à la folie. La rigidité des lois et des coutumes victoriennes ne semblent être faites que pour être contournées par notre héroïne devenue intrépide. Cette intrigue pleine de circonvolutions vous fera frémir d'impatience : devinerez-vous qui est le véritable assassin ? Cette enquête retorse, comportant procès, amour, trahisons et remords dans la bonne société victorienne est un admirable roman policier extravagant.
Collins, Seule contre la loi, Libretto, Phebus, 419 p.
Autres romans : Le secret, Profondeurs glacées, Pierre de lune, L'hôtel hanté
L'avis de Titine ici.
Challenge Wilkie Collins addict de Cryssilda.