Marie-Antoinette de Zweig : ISSN 2607-0006
"De l'amusement, encore et toujours"
Portrait d'une femme et portrait d'une reine, en une vingtaine de chapitres, Zweig (biographie sur le site Larousse) aborde les grands et petits événements qui ont jalonné la vie de celle qui fut la plus adulée et la plus haïe des reines de France : Marie Antoinette. Portrait aussi d'une fille frivole, évaporée, les qualificatifs ne varient pas beaucoup pour la désigner : mais si ce sujet est longuement développé, c'est qu'il prend des proportions très importantes tout au long de sa vie comme l'attestent les lettres de Marie Thérèse d'Autriche témoignant de l'incapacité de sa fille à réfléchir sur des sujets qui l'ennuient.
A partir de ce portrait, se dresse aussi celui de La du Barry, celui antithétique du roi Louis XVI, du cardinal de Rouen qui joua un rôle important dans l'affaire du collier. Rien n'est pas passé sous silence, pas même les ridicules questions d'étiquettes, le jour du mariage de M.A, ni les problèmes physiologiques de son mari, ni sa liaison avec Fersen. Des anecdotes sur Le barbier de Séville de Beaumarchais - Jouera-t-on ou ne jouera-t-on pas cette pièce qui se moque de l'aristocratie ? - sur la construction du Trianon, sur l'affaire du collier - deux chapitres - permettent de mieux appréhender le contexte dans lequel vit cette reine " rococo" : c'est le siècle de toutes les grandeurs, les fastes, les bals mais aussi celui de la décadence, où de vulgaires escrocs utilisent la signature de la reine à des fins matérielles, où le peuple meurt de faim pendant qu'on danse dans la galerie des glaces...
Peut-on considérer cet ouvrage comme un travail d'historien ? Zweig a fait un travail scrupuleux de recherche mais l'Histoire porte les traces d'une vision psychanalytique. Là où les témoignages sont lacunaires, les zones d'ombre sont restées dans l'ombre comme pour l'affaire de l'œillet ou le témoignage douteux du Dauphin lors du procès de la reine. L'auteur cherche à porter un regard juste sur le destin de Marie Antoinette mais on sent percer son admiration. Dans la note qui suit, il parle des faux du baron Feuillet de Conche, véritable histoire romanesque : Marie Antoinette écrivait peu, la correspondance manuscrite nombreuse est l'affaire d'un habile faussaire. Feuillet de Conche, spécialiste des manuscrits de la reine, les aurait fabriqués ! Donc, il a écarté les témoignages douteux du bourreau, ou des témoins oculaires tels que la couturière, la femme de chambre, qui ont métamorphosé leurs souvenirs...
D'ailleurs, souvent la plume paraît plus celle d'un écrivain que celle d'un historien. Zweig relate avec vivacité et force dramatisation de nombreux épisodes, notamment l'apparition de Mirabeau, présenté comme un géant tonnant, charismatique, qui est digne d'un roman de Dumas ou de Hugo. De même, Fersen présente des caractéristiques de héros et notre auteur de louer les larges épaules de Fersen, sa beauté nordique ! Ainsi la vivacité du récit tient à l'accumulation d'anecdotes racontées avec brio. Lecteurs, vous serez irrémédiablement entraînés sur les pas de la reine de France, dans le tourbillon de de la Révolution et dans le fracas de la rencontre entre l'Ancien Régime et la jeune République, grâce à un ton simple et une écriture fluide. Lecteurs, si vous avez envie de découvrir d'une manière agréable la vie de Marie Antoinette, alors lisez cette biographie enthousiasmante. Même si les historiens semblent la dédaigner, c'est un ouvrage fort précis et tout à fait captivant, où on reconnaît bien la plume du romancier qu'est Zweig : une biographie vive, dramatique, parfois romanesque où le destin d'une femme rejoint celui de tout un peuple.
Zweig, Marie-Antoinette, Livre de poche, 489 p.
Lu dans le cadre du challenge Histoire.
et dans le cadre du challenge (auto)biographie de bleue et violette.