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30 octobre 2010

Les boucanières d'Edith Wharton : ISSN 2607-0006

55852164

Les boucanières ? Que cache le titre du dernier roman inachevé d'Edith Wharton ? Ce sont 5 Américaines, toutes plus belles les unes que les autres confrontées à la société londonienne : "Ah ! mais regardez-les ces demoiselles, les quelques privilégiées que Mrs st George daignait désigner ainsi ! Par caprice, elles avaient décidé de retarder leur entrée et d'arriver toutes ensemble, bras dessus bras dessous, une bande rougissante qui envahit la salle à manger, s'y épanouit comme une branche chargée de fleurs". 

" D'où venez-vous, charmantes demoiselles, d'où venez-vous ? / En si joyeuse bande, me cernant de partout ? (Rossetti)

Saratoga, New York. C'est dans un papillonnement de jupes et une explosion de vitalité, de rire, de gaité, qu' Edith Wharton nous présente les cinq jeunes filles en fleur : la belle Virginie et la mélancolique Annabel St George, la sensuelle Conchita Closson et l'intelligente Lizzy Elmsworth et sa soeur Mabel. Issues de milieux obscures, leur mère désespère de les lancer dans la bonne société américaine, jusqu'à l'arrivée de la gouvernante Miss Testvalley. Celle-ci, fraîchement débarquée de l'Angleterre victorienne, ayant été préceptrice des enfants du duc de Tintagel ou de la noble famille Brigtlingsea, va s'attacher à toutes ces jeunes filles et les lancer dans leur première saison londonnière. Les amours, les espoirs et le bonheur de nos cinq héroïnes dépasseront bientôt toutes leurs attentes. Quel est le but de ces jolies aventurières ? Conquérir Londres.

"Vanité des vanités"

Les boucanières est tout d'abord une peinture de la société et des moeurs de la fin XIXeme siècle : milieu social, stratégie, ambition politique, le prestige aristocratique, tous ces thèmes sont présents. Comme dans Chez les heureux du monde, Edith Wharton réussit une magnifique fresque sociale de New York à Londres, dans les années 1870. A l'égal de La comédie humaine balzacienne, elle décrit différentes sociétés avec une vivacité reproduisant la vie frénétique, tapageuse de nos héroïnes. Mais loin de s'arrêter à un nombre restreint de personnages, elle dépeint aussi le destin de Miss Testvalley, des sir Helmsley et son fils Guy Twarte, des Tintagel, de la perfide Lady Churt... Parfois cette peinture se fait délicatement poétique avec la description de sensation, de couleurs, de lieu comme l'apparition des ruines de Tintagel, hors de la brume.

Ce roman est le plus britannique des romans d'Edith Wharton : prenons par exemple, Mrs St George dont le mariage est l'une de ses préoccupations très austeenienne. Elle est aussi ridicule qu'une Mrs Bennet : " moins c'était compréhensible plus c'était éblouissant", se plaît à dire le narrateur de cette femme dont la seule obsession est d'établir ses filles dans de bonne position. La société new-yorkaise est assez vite délaissée au profit de l'étiquette et codes rigides de l'aristocratie anglaise. La confrontation entre les extravagantes américaines et les "momies" aristocratiques anglaises donnent lieu d'ailleurs à de nombreuses situations cocasses.

"Incurables peines de coeur" :

Les boucanières est aussi une subtile description des sentiments amoureux. Pas d'amour romanesque, quoique le destin d'Annabel soit digne de celui du conte de fée de ses rêves, mais l'auteur a privilégié l'opacité des sentiments permettant une intrigue sentimentale riche en rebondissements. Autre originalité de ce roman, elle laisse une grande place à la poésie notamment celle de Rossetti, dont les peintures ou tableaux font écho au destin d'Annabel. Plusieurs anecdotes sur le jeune poète Dante Gabriel Rossetti ainsi que ses poèmes sont parsemés dans le roman. L'héroïne, nouvelle Proserpine, est aussi influencée par l'aura de la légende arthurienne... même un fragment d'une stèle du trône de Naxos aura un rôle stratégique important !

Les" boucanières" est un terme employé péjorativement par les Anglais qui considèrent ces femmes comme de vulgaires étrangères, des pilleurs et des sauvages mais pour Edith Wharton, ce sont des femmes exubérantes et courageuses, transformées par son écriture subtile et ironique, en femmes qui se libèrent des contraintes sociales, dont les portraits font de ce roman magistral un véritable chef d'oeuvre : une fresque éblouissante.

Wharton, Les boucanières, Points, 512 p.

Merci aux éditions Points pour m'avoir offert ce livre et permis de découvrir un très beau roman.

Autres romans : Chez les heureux du monde, Xingu, Le triomphe de la nuit, Les lettres

Lecture commune avec Mango dans le cadre du Challenge Edith Wharton. Voici les avis de Titine, Lilly...

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Commentaires
M
@ Lewerentz : 500 pages amis qui se lisent d'une traite, je t'assure... Et puis ce roman vaut vraiment le détour !<br /> <br /> @ lilly : Après les déboires de Lily Barth, c'est vrai que ce livre est foisonnant et tourbillonnant... J'ai énormément apprécié le contraste entre les deux cultures notamment au niveau des origines sociales... Un vrai plaisir de lecture.<br /> <br /> @ Allie : j'aime beaucoup son écriture aussi ! Moi c'est les entremetteurs, recueil de nouvelles que j'ai abandonné : en fait, elle excelle dans les romans mais un peu moins dans les nouvelles...
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A
Tout ce que j'ai lu (Sauf Les beaux mariages) de Wharton m'a plu. J'ai noté celui-ci. Ton billet donne très envie! Wharton analysait la société avec beaucoup de finesse. Ça me plaît!
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L
Moi aussi j'étais sûre que tu aimerais !! Ce livre est une vraie bulle d'air !
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L
Très belle présentation ! J'aime bien Wharton et aurait assez envie de le lire... jusqu'à ce que j'arrive aux "détails techniques" et les +500 pages... Mais je le note quand même.
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M
@ Ys : ce roman est le plus optimiste aussi. Je crois que j'ai préféré celui-ci avec la description des moeurs anglaises vu par des américains que ses autres romans. Je conseille aussi chez les heureux du monde : une magnifique fresque aussi !<br /> <br /> @ titine : je suis complètement sous son charme ! J'ai encore le temps de l'innocence, en revanche, j'ai abandonné ses nouvelles... Malgré son épaisseur, je l'ai lu d'une traite.<br /> <br /> @ Theoma : n'hésite pas ! Ce roman-là en particulier est vraiment éblouissant (oui, je me répète !)
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